Deaflympics: pourquoi les sportifs sourds font bande à part?

Du 1er au 15 mai 2022, les meilleurs sportifs sourds du monde entier vont s'affronter lors des Deaflympics, des "jeux silencieux" inventés en 1924 auxquels la communauté sourde est culturellement attachée.

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DERNIERE MINUTE DU 16 MAI 2022
La France dans le TOP 10 mondial du sport sourds ! Elle a brillé sur les podiums de la 24e édition des Deaflympics d'été, du 1er au 15 mai 2022. À Caxias do Sul, au Brésil, 16 médailles ont été remportées par les tricolores, dont 8 titres. Ces résultats positionnent les Bleus à la 8e place du classement des nations. Une belle évolution après la 24e place des Jeux de Samsun 2017, en Turquie.


ARTICLE INITIAL DU 27 AVRIL 2022
Paris, 1924. Le « Pierre Coubertin sourd », Eugène Rubens-Alcais, crée les premiers « Jeux mondiaux silencieux ». 148 athlètes malentendants originaires de neuf pays (Belgique, France, Royaume-Uni, Hongrie, Italie, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie) s'affrontent dans plusieurs disciplines, de l'athlétisme au cyclisme en passant par le football (article en lien ci-dessous). Cette compétition sera dès lors organisée tous les quatre ans, à l'image des Jeux olympiques et paralympiques. Cent ans plus tard, à la veille des Jeux de Paris 2024, l'ombre d'Eugène Rubens-Alcais plane encore sur la capitale, hôte des prochaines olympiades. Pourtant, les athlètes sourds n'y seront pas représentés. Eux, ont leur propre compétition : les jeux mondiaux silencieux, rebaptisés « Deaflympics » (article en lien ci-dessous).

Rupture avec le Comité international paralympique

Alors, pourquoi cette absence ? « L'histoire est très complexe », répond Sébastien Messager, de la Fédération française handisport (FFH). « A l'époque, le Comité international paralympique (IPC) avait tendu la main aux athlètes sourds afin qu'ils participent aux Jeux paralympiques, mais ces derniers ont finalement refusé », affirme-t-il. Le Comité international des sports des sourds (ICSD) qui les représente a en effet intégré l'IPC en 1985 mais l'a quitté dix ans plus tard, en 1995, après plusieurs différends. « Contrairement à l'accord bipartite qui avait été passé à l'origine, l'IPC a imposé de nouvelles conditions de participation, notamment concernant le nombre d'athlètes sourds, les disciplines autorisées, la fourniture d'interprètes, le contrôle des compétitions... », poursuit Sébastien. Autant de motifs de ruptures pour l'ICSD qui refusait, qui plus est, de reconnaître les dirigeants entendants. Les Deaflympics constituent depuis « le graal ultime » pour la communauté sourde, poursuit-il, un événement majeur auquel elle tient et dont elle est fière. Rien ne la prédestine donc pour le moment à une intégration aux Jeux paralympiques.

Des athlètes qui peinent à se faire entendre

Si sur le plan physique les capacités des sportifs sourds et malentendants sont peu voire pas du tout altérées, une inclusion auprès des valides serait, toutefois, « contre-productive » d'après Sébastien Messager... Pour la simple et bonne raison qu'il y a la barrière de la langue. « Or, dans le sport, la communication est aussi importante que les capacités physiques », explique-t-il. « Vous avez beau prôner l'intégration, quand, en face, les personnes ne signent pas, elle est tout bonnement impossible, ajoute-t-il. Les athlètes malentendants seront dans une bulle à l'intérieur d'une bulle. » Pour rapprocher ces deux « cultures », il est nécessaire, selon lui, que les entendants aient une meilleure connaissance du « monde des sourds ». Mais, aujourd'hui, le sport sourd, pourtant pionnier dans l'invention du handisport au XIXe siècle, peine encore à se faire entendre. En effet, les Deaflympics ne sont pas reconnus comme compétition de haut niveau par l'Etat, comme tous les sports non inscrits au JO. Qui dit manque de visibilité, dit aussi aide et subvention inexistantes. Mais Sébastien Messager ne désespère pas : « C'est la performance, les résultats qui changeront la donne ». En témoigne la récente reconnaissance du bowling sourd en tant que sport de haut niveau.

Parcours hybrides

Certains athlètes n'ont pas attendu de telles décisions. Individuellement, ils font déjà le pont entre les deux cultures. C'est le cas de Ludovic Bartout, meilleur joueur de bowling sourd, inscrit en équipe de valides. Paméra Losange mène, elle aussi, un « double projet » en athlétisme. Vice-championne d'Europe sur le 100 mètres en 2018, elle reste l'une des plus prometteuses de sa génération. Bien qu'elle n'entende pas le coup de départ, elle n'en reste pas moins une concurrente redoutable pour les prochains Jeux de Paris 2024…

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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