Il y a eu les actes 1 et 2 de la décentralisation, initiés par le gouvernement. Redonner aux régions un nouveau souffle, rapprocher les décisions des lieux de vie des populations ? Oui mais... Lorsqu'on regarde le sujet par le petit bout de la lorgnette, il y a tout de même matière à s'inquiéter. Dans ce processus, c'est notamment le fonctionnement des MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) et des ESAT (Etablissement et service d'aide par le travail) qui se trouve mis en cause, suscitant les craintes (légitimes ?) des associations de personnes handicapées. Dans un communiqué, l'Apajh dresse un bilan des points fondamentaux à surveiller de très près.
Un même traitement sur tout le territoire
Le projet de loi de l'acte 3 (reporté à début 2013) tel qu'il est conçu aujourd'hui ne semble en effet pas apporter toutes les garanties attendues pour améliorer les réponses aux besoins des personnes handicapées. Ce nouvel acte a régulièrement été présenté comme une étape nécessaire pour clarifier la répartition des champs de compétences entre l'Etat et les différentes collectivités territoriales. Or les transferts prévus ne traitent que de la question des ESAT et des MDPH ; il n'apporte donc pas toute la lisibilité que les citoyens sont en droit d'attendre.
Selon l'Apajh, la clarification des compétences supposerait de transférer la totalité des compétences aux Conseils généraux, et donc tout ce qui fait l'objet d'un financement par la Caisse nationale de solidarité et d'autonomie (CNSA) et l'Etat, qu'il s'agisse du secteur enfance comme adulte. Elle nécessite, en même temps, que l'Etat conserve une mission régalienne fondamentale : celle de garantir l'égalité de traitement des citoyens sur tout le territoire national.
L'indépendance des MDPH en cause ?
En ce qui concerne le transfert des MDPH, il devient nécessaire de mettre en place des garanties pour conserver l'esprit de la loi du 11 février 2005. Même si ce projet d'acte 3 de la décentralisation conforte ces « maisons » dans leur fonction de guichet unique et conserve leurs missions actuelles, d'autres points paraissent plus incertains. La disparition de la notion d'équipe pluridisciplinaire d'évaluation, l'absence de précisions sur les CDAPH (commissions décisionnaires) et leur fonctionnement font craindre qu'elles ne perdent leur indépendance quand il s'agit de définir les besoins de compensation des personnes en situation de handicap dans la réalisation de leur projet de vie. Une clarification sur ce point s'avère donc urgente ! Selon l'Apajh, « il ne serait pas acceptable de renforcer l'adage selon lequel « qui paye, décide ». Procéder ainsi reviendrait à donner la priorité à l'impératif financier au détriment des besoins des plus fragiles. ».
Maintenir un espace de dialogue
De même, le pilotage actuel des MDPH à partir d'un groupement d'intérêt public permet aux associations représentatives des personnes en situation de handicap et à l'Etat d'être impliqués directement à travers les commissions exécutives. En devenant, demain, un service du Conseil général, il est indispensable de prévoir le maintien d'un véritable espace de dialogue pour recueillir l'avis de toutes les parties concernées, toujours sous le contrôle de l'Etat. Enfin, aujourd'hui, les fonctionnements des MDPH sont très hétérogènes, et nombre d'entre elles ne sont pas en mesure d'assumer correctement la totalité de leurs missions. Pour garantir l'égalité de traitement des citoyens sur tout le territoire, l'Apajh demande, avant tout transfert, « qu'un plan ambitieux d'amélioration du fonctionnement des MDPH existe et que l'Etat confie à la CNSA un rôle important ». Parmi ces améliorations urgentes, figurent la mise en place de systèmes d'information compatibles pour mieux définir les besoins, des outils fiables pour suivre l'application réelle des décisions prises par les CDAPH, la réduction des délais de traitement des dossiers...
ESAT : égalité pour tous
Même vigilance du côté des ESAT pour veiller à ne pas accroître les disparités actuelles. On peut envisager ce transfert sous un jour favorable à condition qu'il permette de fluidifier les parcours des travailleurs en situation de handicap et d'apporter plus de cohérence et de continuité dans leur accompagnement. Il serait utile, pour cela, de réaliser une photographie des situations actuelles pour tenir compte de tous les dossiers en instance de financement, qu'il s'agisse des budgets de fonctionnement ou d'investissement. Ce bilan permettra alors de déterminer la hauteur des transferts de moyens à opérer aux Conseils généraux. C'est la seule stratégie pour consolider la réduction des inégalités existantes et l'égalité des territoires ! Le Conseil départemental consultatif des personnes handicapées (CDCPH), avec des missions et des pouvoirs redéfinis, pourrait, selon l'Apajh, jouer ce rôle.
Les associations autour de la table !
Pour mettre en place toutes ces garanties, une concertation s'impose ! Ne serait-il pas logique que les associations de personnes handicapées soient invitées à participer à ce projet avant qu'il ne soit entériné ? N'ont-elles pas toutes les cartes en main pour mettre leur expertise au service d'un acte 3 qui se veut ambitieux pour l'accompagnement de nos concitoyens les plus fragiles ? L'Apajh, elle, n'en doute pas et exige de « donner du temps au temps pour réussir dans une entreprise républicaine ! »
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