Faire le deuil, au sens large ? Il n'est pas seulement question de mort mais également de rupture, divorce, séparation, émigration, départ d'un être aimé... De handicap aussi. Comment faire face à une « perte » douloureuse, renoncer parfois à ce que l'on a été ? En mai 2017, Marie Louise Dufag-Moreau fait du handicap l'un des thèmes phare de son livre 100 idées pour éclairer le chemin du deuil ; mettre des mots sur le chagrin et réapprendre à vivre sereinement (éditions Tom Pousse, fiche en lien ci-dessous).
Handicap : une forme de deuil
Selon l'auteure, les trois grandes causes de handicap sont les accidents, les maladies génétiques et chroniques. Le cheminement psychologique qui conduit une personne à renoncer à sa « validité » pour accepter un nouveau schéma corporel suit le même processus que pour une personne décédée. La perte de l'intégrité physique provoque de profonds bouleversements psychiques. Il faut accepter de franchir plusieurs étapes : choc/déni, colère, marchandage, dépression et acceptation. « Même lorsqu'il s'agit d'une maladie génétique, le temps du deuil est de même nature car la personne réalise que sa vie est différente de celles des autres », explique Marie Louise Dufag-Moreau.
Groupes de paroles
Cette consultante, qui accompagne au sein de nombreuses entreprises des personnes fragilisées par des événements douloureux, anime depuis 2014 un groupe de soutien et de paroles au sein de la délégation APF (Association des paralysés de France) du 92. Elle le définit comme un « lieu sûr, confidentiel, dans lequel il est possible d'exprimer ses émotions et de travailler sur des situations de ruptures ou des deuils non achevés. Cela permet aux participants de verbaliser, de trouver un apaisement et de se projeter différemment dans leur vie », y compris, pour ceux qui en font la demande, vers un retour à l'emploi. « Mon constat est le suivant, la douleur d'un parcours de vie difficile empêche les personnes de voir leurs richesses, explique-t-elle. Cette démarche a pour vocation de faire émerger chez les participant(e)s une nouvelle perception d'eux/elles-mêmes ». Des participants témoignent : « Cela m'a permis d'aller vers l'autonomie et ma restructuration », « Première fois que je viens et j'ai beaucoup apprécié », « Cela donne de l'énergie pour la suite ».
La déficience intellectuelle face à la mort
Marie Louise Dufag-Moreau intervient également auprès de personnes avec une déficience mentale qui, « même si leurs voix ne se font pas entendre de la même façon, se montrent très sensibles à la mort. Pour celles qui vivent en institution, la notion de deuil est même très présente ». L'augmentation continue de leur espérance de vie les conduit aujourd'hui à être confrontées, plus que jadis, à la perte d'êtres chers, et particulièrement à celle de leurs parents auxquels elles survivent désormais bien souvent. « Certaines d'entre elles sont capables d'exprimer verbalement ce qu'elles ressentent, explique Marie-Louise : « C'est triste la mort, il ne faut pas en parler. » « Regarde, c'est ma Maman, regarde comme elle est belle. Elle n'est plus là ma Maman. » D'autres s'expriment à travers leur corps, et des larmes coulent dans le souvenir de deuils éprouvés et non exprimés… »
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