Sylvie est atteinte d'un cancer incurable. Sa plus grande hantise n'est pas de mourir mais de connaître « la déchéance ». Pour l'éviter, elle prépare son euthanasie en Belgique, épaulée par son mari. Comme elle, chaque année, des centaines de Français partent à l'étranger pour mettre fin à leur jour « avec dignité ». Dans un contexte tendu, où la bataille juridique sur la poursuite des soins prodigués à Vincent Lambert divise la famille et la classe politique, M6 consacre une émission sur le droit de mourir en France. Bernard de La Villardière présentera Dossier Tabou, le 22 mai 2019 à 21 heures. Un documentaire percutant d'Olivier Pinte, sur une question plus que jamais au cœur de l'actualité.
Profils variés
Durant un an, des journalistes ont suivi ces personnes pour comprendre leur choix. Marie-Louise, 105 ans, « entend de moins en moins bien et voit mal ». Fatiguée de vivre et se sentant « inutile », elle souhaite en finir. Après de longues discussions, sa fille a accéder à sa requête : l'accompagner en Suisse pour un suicide assisté. A 75 ans, Hélène souffre de douleurs articulaires, comme bon nombre de personnes âgées. Sa crainte : devenir dépendante dans quelques années et terminer sa vie en maison de retraite. Des médecins belges lui ont d'ores et déjà accordé le droit d'être euthanasiée, le jour de son choix. Mais l'âge et la maladie ne sont pas les seuls facteurs déclencheurs, le handicap aussi… A 32 ans, Amy souffre de dépression et a fait plusieurs tentatives de suicide. Sa psychiatre lui a donné son accord pour être euthanasiée en Belgique. Ariane Bazan, professeur de psychologie à l'université de Bruxelles, crie au scandale et veut faire changer la loi, trop permissive selon elle. La polémique secoue actuellement les hôpitaux et de nombreux médecins se demandent s'il faut continuer à accepter d'euthanasier les personnes avec des troubles psychiques.
Cadre légal selon les pays
De plus en plus de Belges choisissent de se faire euthanasier : ils sont passés de 2 028 en 2016 à 2 309 un an plus tard. Pour se faire, ils doivent être capables d'exprimer leur volonté, se trouver dans une situation médicale sans issue et faire état d'une souffrance physique et/ou psychique « constante, insupportable et inapaisante ». Les Pays-Bas, le Luxembourg, la Colombie et le Canada l'ont également légalisée. La Suisse, un Etat australien et six Etats américains autorisent le suicide assisté ou « mort volontaire assistée » (MVA). Le patient s'injecte lui-même le produit létal sous le contrôle d'un médecin. En France, c'est illégal mais la loi Claeys-Leonetti (2016) s'oppose à toute forme « d'acharnement thérapeutique » et a instauré la sédation terminale « profonde et continue » « lorsque le patient ne peut exprimer sa volonté ». Les médecins ont alors la permission de l'endormir pour qu'il demeure inconscient, jusqu'à sa mort. C'est la procédure qui avait été entamée le 20 mai 2019, par le médecin de Vincent Lambert, ancien infirmier de 42 ans, tétraplégique et dans un état végétatif depuis 2008 suite à un accident de voiture (article en lien ci-dessous). Elle a finalement été suspendue après un ultime recours en justice de ses parents, opposés à l'arrêt des soins. Cette loi renforce également le dispositif des « directives anticipées ». Ainsi, toute personne majeure peut faire une déclaration écrite pour préciser ses souhaits concernant sa fin de vie. Ce document aidera les médecins à prendre une décision, le moment venu, en cas d'incapacité de s'exprimer. Pourtant, seuls 14 % des Français l'ont déjà rédigée et 42 % n'en avaient pas connaissance (Ifop-Alliance Vita).
Les Français favorables à l'euthanasie
Autre chiffre saisissant : 89 % des Français seraient favorables à la légalisation de l'euthanasie (Sondage Ifop pour La Croix) et plus d'un sur trois pensent qu'ils « devraient avoir la possibilité de disposer de ce droit quelles que soient leurs conditions de santé » (Ipsos 2019). Mais s'ils changeaient d'avis ? Au centre de soins palliatifs « La maison », dans le village provençal de Gardanne, le corps médical soulage la douleur et accompagne les patients dans leurs derniers instants. A leur arrivée dans le centre, de nombreux malades exprimaient leur souhait d'en « finir vite », certains envisageaient même l'euthanasie à l'étranger mais, une fois leur douleur correctement prise en charge, ils ont changé d'avis. C'est le cas d'Alexandre atteint d'un cancer du poumon, qui savoure désormais chaque moment avec ses proches. Problème : l'accès aux soins palliatifs reste très inégalitaire, moins de la moitié des malades en fin de vie en bénéficieraient. L'une des raisons qui poussent 4 000 Français par an à pratiquer des euthanasies clandestines ? *
* Enquête INED 2012