Une place pour les familles dans le parcours thérapeutique?

A Paris, le plus grand rassemblement scientifique autour du handicap de l'enfant a souhaité, en 2019, donner toute leur place aux familles. Pourtant "expertes", elles sont le parent pauvre du parcours thérapeutique. Ça doit changer...

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Les parents d'enfants malades ou handicapés ont-ils vraiment leur place dans le parcours de prise en charge de leur enfant ? Non, répond la plupart. En leur offrant la parole, le plus grand évènement scientifique sur le handicap de l'enfant entend marquer les esprits du milieu médical et donner un cap inspirant.

Credo 2019 : la participation

Du 23 au 25 mai 2019, 1 300 experts venus de 67 pays se sont ainsi réunis à la Cité des Sciences à Paris à l'occasion de la 31ème Conférence européenne autour du handicap de l'enfant (EACD). Dans l'assistance, moitié médecins, moitié thérapeutes (kiné, ergo, ortho…). Et, parmi eux, une cinquantaine de familles qui, pour la première fois, ont été officiellement conviées, avec même un tarif spécifique plus abordable. Le thème 2019 n'a pas été choisi au hasard : « Innovation for participation », englobant, de fait, l'inclusion des personnes concernées. Les débats sont en anglais, du high level avec d'éminents spécialistes, on partage entre experts. Justement, les parents ont une expertise qui doit être valorisée. « Ils sont souvent érudits, toujours en alerte et arrivent avec de vraies questions et parfois de vraies réponses », observe Sylvain Brochard, président du comité d'organisation de l'EACD 2019, également président de la Sferhe (Société francophone d'études et de recherche sur les handicaps). C'est lui qui, avec Christopher Newman, président du comité scientifique de l'EACD, médecin à l'hôpital universitaire de Lausanne, le « big boss » de cette édition parisienne, a souhaité donné cette orientation, un peu « audacieuse », selon lui, car, dans le milieu médical, les « résistances sont encore très fortes ».

Dans le même bateau

« Il y a une très forte restriction de participation des familles sur ces sujets-là, déplore à son tour Alain Chatelain, président de la Fondation Paralysie cérébrale qui, en tant que papa d'un garçon en situation de handicap, dit connaître ce combat. Or elles ont toute leur place. » Selon lui, c'est ce « dialogue indispensable entre les deux parties qui fait naître les meilleurs choix thérapeutiques, permet de définir des objectifs concrets et de trouver des solutions ». Il questionne : « Pros et parents sont dans le même bateau mais arriveront-ils à ramer dans la même direction ? ». « Nous souhaitons vulgariser les avancées scientifiques et recueillir les témoignages et les idées des personnes concernées. Par ces échanges, nous pourrons accélérer l'adoption de nouvelles thérapies et de médicaments innovants, et trouver de nouvelles synergies », explique Sylvain Brochard, lui-même médecin de rééducation, qui affirme par ailleurs que cette alliance permet d'avoir un poids important auprès des pouvoirs publics. « Si on veut faire progresser la recherche, il faut mettre les parents dans la boucle car les politiques sont particulièrement sensibles au lobby des familles », assure-t-il.

Des familles proactives

« Il y a encore peu de temps, vous n'aviez que des pros autour de la table », poursuit Alain Chatelain. Lors des éditions précédentes de l'EACD, seule une demi-journée était consacrée aux familles. Dans ce programme 2019, elles sont invitées à prendre la parole lors des conférences et à co-animer des tables rondes. Certains ateliers leurs sont également dédiés, notamment une rencontre entre parents européens (photo ci-dessous). Il s'agit de raconter son histoire puis d'identifier des obstacles particuliers, de partager les solutions et de suggérer des mesures concrètes, notamment d'ordre politique en s'enrichissant au passage de ce qui se fait dans d'autres pays. Une publication sera ainsi rédigée puis transmise au Parlement européen et à différentes instances politiques.

Hackaton : du concret !

Le 22 mai, l'un des temps forts était le hackaton avec l'objectif de faire émerger des besoins d'innovations pour faciliter le quotidien des enfants, une première en Europe selon l'EACD. Il a réuni dans une même pièce durant trois heures des professionnels de santé, des chercheurs et surtout des familles. Après avoir choisi 10 profils types d'enfant, le groupe a défini les principales problématiques rencontrées par les enfants : apprendre à se brosser les dents tout seul, porter son plateau à la cantine, rouler avec son fauteuil dans la neige, aller en bus à l'école, faire du vélo... Un mois plus tard, 350 étudiants de l'EPF (Ecole polytechnique féminine) travailleront pour apporter des réponses concrètes aux besoins qui ont émergé de ce challenge, que ce soit dans le domaine technologique, architectural, de l'organisation, des matériaux…

Des choses inacceptables

« Le point de vue des familles permet vraiment de changer le regard de la profession et de créer un dialogue », poursuit Sylvain Brochard. Il ajoute : « Si on regarde certains parcours, il y a des choses qui ne sont pas acceptables ». Dans le cursus d'étude des médecins français, ce n'est pas un sujet dont on parle. « Il y a bien un atelier sur l'annonce des mauvaises nouvelles mais c'est simulé avec des acteurs », explique-t-il. Et de citer le cas du Canada qui généralise le recours aux patients experts qui viennent « enseigner » dans les écoles de médecines. Il y a un donc encore un fossé à combler…

Le cap étant donné, sera-t-il maintenu lors des prochaines éditions de l'EACD, en 2020 à Poznań (Pologne) et en 2021 à Bruges (Belgique) ? « Rien n'est certain », conclut Sylvain Brochard, « mais vous parlez à un optimiste ».

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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