274, le chiffre à bannir ! Dans le projet de Refondation de l'école (ou loi Peillon) voté le 19 mars 2013 par l'Assemblée nationale, le contenu de l'amendement 274 (devenu article 4 ter dans la loi) suscite un vaste tollé. Même si cette loi apporte des bénéfices significatifs, et notamment la création de 60 000 poste d'enseignants, plusieurs amendements auraient été rajoutés « en catimini » avec le souci de passer inaperçus. L'un, en particulier, suscite une immense inquiétude chez les parents d'élèves handicapés. Le fameux 274 qui pourrait bien reléguer leur pouvoir décisionnaire au second plan ! En effet, il prévoit que les professionnels de l'école pourront saisir, en cas de difficulté avec un élève en situation de handicap, la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et sa commission (CDAPH) pour réviser l'orientation de l'enfant, en ne recueillant que « l'avis » des parents, alors que cette démarche était auparavant exclusivement de leur ressort.
Les parents privés de parole ?
Pourquoi y-avait-il nécessité à faire évoluer ainsi la loi ? Selon le député Michel Ménard qui a proposé cet amendement, « l'équipe éducative qui suit au quotidien l'élève en situation de handicap, outre qu'elle est un témoin privilégié de ses progrès, connaît ses besoins et leur évolution. » Pour appuyer ses intentions, le Parlementaire précise que son texte permettra « de traiter plus équitablement le « payeur » qu'est l'Éducation nationale ». Evidemment, sans vouloir préjuger des intentions discriminatoires des équipes éducatives, de nombreux parents savent à quel point l'inclusion de leur enfant ne va pas toujours de soi. D'âpres luttes s'engagent dans certaines écoles. Avec un tel renforcement du pouvoir de l'équipe éducative, quelle latitude restera-t-il alors aux parents pour s'opposer à ses décisions ?
Les associations s'inquiètent
Face à ce risque, de nombreuses associations de personnes handicapées se sont immédiatement exprimées sur le sujet. L'Unapei, par exemple, craint que cet amendement ne permette « l'exclusion de l'école ordinaire d'élèves handicapés puisqu'il n'y aura plus le garde-fou de « l'accord des parents » pour demander une révision de l'orientation, qui se traduit souvent, dans ce cas, par la fin de l'orientation de l'enfant en milieu ordinaire. » Selon ses détracteurs, cette perspective constitue une atteinte aux garanties offertes par la loi handicap du 11 février 2005 et la convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par la France, qui, toutes deux, prônent l'accès à l'école de tous les enfants handicapés.
Du grain à moudre pour l'opposition
L'opposition, évidemment, s'insurge elle aussi... Marie-Anne Montchamp, ancienne ministre déléguée aux personnes handicapées, s'est jointe à la fronde. Pour elle, un tel amendement « témoigne soit d'une ignorance, soit d'une volonté de défaire ce que les associations et le législateur ont construit ». Dans un communiqué, elle « demande au gouvernement de procéder à sa suppression pure et simple et non à sa réécriture afin de redonner à l'article 112-2-1 du code de l'éducation sa forme originelle. » De son côté, Daniel Fasquelle, député UMP du Pas-de-Calais, dénonce un grave recul de la prise en charge des enfants handicapés, notamment autistes puisqu'il préside le Groupe d'études autisme à l'Assemblée nationale. Avec, selon lui, un risque « d'exclusion encore plus facile au moindre problème et une évacuation vers des structures médico-sociales inadaptées qui ont déjà des délais d'attente exorbitants. »
Carlotti tempère, Peillon rassure
Si Marie-Arlette Carlotti (l'actuelle ministre déléguée aux personnes handicapées) se « réjouit que le projet de loi de refondation de l'Ecole de la République ait permis de prendre en compte le rôle de l'école inclusive et la mission de scolarisation des élèves en situation de handicap », elle comprend aussi que cet amendement ait pu « créer de nombreuses confusions et débats », sans que l'on ne perçoive bien sa position sur le sujet. Mais elle réaffirme que « l'inclusion des enfants en situation de handicap dans l'école de la République est une priorité du Gouvernement. » Ce projet de loi doit maintenant être soumis à l'approbation du Sénat. Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, entendant la colère, a déclaré, dès le lendemain, le 20 mars, à l'occasion de la séance des questions au gouvernement, que, « dans la seconde lecture au Sénat, étant donné l'émotion provoquée, nous allons reformuler cet amendement d'origine parlementaire. » Mais nul ne sait, pour le moment, en quels termes... En attendant, les associations, à qui on ne la fait plus, continuent de militer pour faire rayer ces lignes explosives de la copie...
Lire l'amendement 274 :
http://www.assemblee-Nationale.fr/14/amendements/0767/274.asp
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