On les appelle « élèves à besoins éducatifs particuliers ». Ils sont handicapés, enfants du voyage, surdoués, mineurs en détention, enfants hospitalisés... Une catégorie un peu fourre-tout mais qui appelle des réponses individualisées. Alors, pour eux, l'école est-elle réellement inclusive ? C'était l'un des débats proposés à l'occasion des rencontres de la Fédération générale des PEP qui ont investi le Palais Brongniart à Paris (ancienne Bourse) du 10 au 12 décembre 2015. L'occasion de fêter les 100 ans de cette fédération. Trois jours durant, des tables rondes, des conférences, des ateliers, un forum emploi et un espace village autour de la thématique « Agir pour une société inclusive ». L'occasion de dévoiler le « Baromètre des PEP 2015 » (en lien ci-dessous) dans lequel 77% des Français jugent que la société française reste inégalitaire.
Les enfants défavorisés
Et l'école alors ? Y-a-t-il des limites à l'inclusion et est-elle armée pour accueillir et accompagner tous ces élèves « un peu particuliers », et pas seulement ceux avec un handicap ? Marie-Christine Philbert, administratrice des PEP, conviée à ce débat, cite par exemple le cas des enfants issus de secteurs sensibles, des « quartiers », et déplore le démantèlement des Rased qui avaient été mis en place en 1990 afin d'accompagner les élèves en grande difficulté. Selon elle, ceux qui vivent dans des zones particulièrement touchées par le chômage font également partie des élèves à besoins particuliers. « Comment parler de réussite sociale à un gamin lorsque ses deux parents sont au chômage ? Dans les ZEP (Zones d'éducation prioritaire), le rouleau compresseur est passé par là et la détresse reste plus forte que moyens mis en œuvre ». Ces dispositifs comprennent, entre autres, des enseignants supplémentaires, le développement de formations « attractives » ou encore les principes pédagogiques du référentiel de l'Education prioritaire de 2014… Des expérimentations sont aussi prévues pourla rentrée 2016 pour favoriser la mixité sociale en envisageant, notamment, de revoir les sectorisations ou l'accès à un ensemble de collèges.
Non francophones, hospitalisés, incarcérés…
Pour les enfants non francophones, dits « allophones », ont été créées, dans les années 70, des classes dédiées. Pour les enfants hospitalisés, ce sont près de 800 enseignants spécialisés qui sont affectés dans les hôpitaux ou maisons d'enfants à caractère sanitaire. Les TICE (outils numériques) permettent aux élèves isolés de continuer à communiquer et maintiennent les liens avec leur classe de référence tandis qu'un réseau d'assistance pédagogique à domicile est mis en place dans chaque département. La question se fait plus « âpre » pour les mineurs incarcérés ; quel sens peut-on donner à la notion d'inclusion lorsqu'on vit derrière les murs d'une prison ? On dénombre 700 mineurs sur les 66 000 détenus en France, soit environ 1 % de la population carcérale. Ils sont scolarisés en moyenne 15 heures par semaine dans des « unités locales d'enseignement ».
Surdouance = handicap ?
L'école de la République fait-elle pleinement sa place à tous ces jeunes qui s'écartent de la « norme » ou n'a-t-elle pas tendance, comme le reste de la société, à catégoriser ? Joël Zaffran, sociologue, spécialiste du handicap, est convaincu que « l'école coupe toutes les têtes qui dépassent, en haut comme en bas ». Il constate que le lien qui semble les unir, c'est le décrochage scolaire. Et même, contre toute attente, parfois dans un public inattendu : les enfants précoces ! Selon Joël Zaffran, « il y a une curiosité qui consiste à considérer que la surdouance est plus un handicap qu'une vertu. Une circulaire a été mise en place pour eux mais que propose-t-elle ? Le passage anticipé de deux classes ! Peu de moyens sont prévus pour eux ; le test Wisc, par exemple, qui permet d'évaluer la surdouance, est à la charge des parents lorsque l'enfant n'est pas en difficulté scolaire. Entre 150 et 300 euros ! La France est très en retard par rapport à d'autres pays comme la Corée ou Israël. » Il existe pourtant un rapport sur cette question, daté de 2002, qui, selon l'Education nationale, permet d'apporter une réponse aux difficultés rencontrées dès l'école primaire, d'adapter le rythme d'apprentissage aux besoins de chacun (réductions de durée du cycle) ou de développer, à l'école comme au collège, les possibilités d'enrichissement des parcours scolaires. Dans le second degré, les élèves à quotient intellectuel élevé sont dans des classes hétérogènes encadrées par des équipes pratiquant une pédagogie innovante et différenciée.
Handicap : une matrice pour tous
Selon, l'Education nationale, même si le système reste, dans les faits, perfectible, les modalités pédagogiques mises en place pour les élèves handicapés, qui découlent de la loi du 11 février 2005, peuvent servir de matrice à d'autres publics. Le maître mot : « personnalisation ». Confortée par la loi de refondation de l'école de juillet 2013, une généralisation de l'inclusion, pour tous ceux qui en ont besoin, est à penser dans le cadre « ordinaire » avec des moyens d'appui qui doivent aller vers davantage de coopérations, notamment avec les professionnels du médico-social, et des parcours d'élèves à rendre plus souples. En d'autres termes, encourager la mixité en prenant en compte les particularités de chacun.
Les choses sont en marche ?
Dans le champ du handicap, le chantier est vaste et impose des actions prioritaires : former les enseignants, apprendre à travailler efficacement avec les AVS et d'autres interlocuteurs du champ du handicap, renforcer les capacités d'inclusion encore limitées au collège et surtout favoriser, au-delà du primaire, avec l'appui de dispositifs de compensation, la poursuite de la scolarité jusqu'à l'insertion professionnelle. Pour Joël Zaffran, les choses sont en marche : « Les élèves handicapés sont passés de l'invisible au visible, avec, quoi qu'on en dise, une vraie prise en compte de leurs besoins. Certains parents contestent, c'est vrai, mais s'ils réagissent comme cela, c'est le signe que l'écart se réduit et que la plus infime discrimination devient insupportable. » Des raisons d'y croire ? « Oui, en est convaincue Marie-Christine Philbert, et c'est bien à partir du postulat de l'école inclusive, posé par article 2 de la loi de refondation de l'école, que doivent se construire de nouvelles postures et pratiques professionnelles pour développer les aménagements et adaptations nécessaires, donnant à chaque élève sa place. »