Comment rendre accessibles à tous une aire de jeux, un jardin pour pique-niquer, un commerce de proximité ? Paysagistes, urbanistes, chargés de mission handicap… Invités par le CEREMA (Centre d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) le jeudi 12 mai 2016 à Lyon, ils sont une dizaine d'experts en accessibilité à avoir présenté les projets développés pour construire des villes à la fois plus accessibles aux personnes handicapées et plus respectueuses de l'environnement. À Lyon et à Lille, les éco-quartiers de Confluence et de Mons-en-Baroeul illustrent ces initiatives.
Jeux, contemplation, événementiel
Regard aiguisé derrière ses lunettes rondes, Marie-Paule Coassy parle de l'aménagement de l'éco-quartier Confluence, à Lyon, avec précision. Chef de projet pour cette opération, elle a piloté tous les travaux. Situé au sud du centre-ville, Confluence offre une « halte fluviale » sur les berges de Saône et est labellisé « éco-quartier » depuis 2009. « Nous souhaitions créer un espace dédié à la contemplation, avec un accès rapproché au fleuve, mais aussi aux jeux et à l'événementiel, pour accueillir plusieurs types de manifestations », explique Mme Coassy. Espace de détente à côté d'un centre commercial, accessible en tramway, la « place nautique » est aménagée avec des gradins tandis qu'une promenade permet d'accéder jusqu'à la rive. Le projet, élaboré après avoir brièvement consulté des groupes de personnes handicapées, a dû être modifié à plusieurs reprises. « Après les travaux, une personne en fauteuil roulant nous a appelés pour nous faire remarquer que les bancs et les tables de pique-nique étaient beaucoup trop hauts pour les usagers handicapées, confie la chef de projet. Nous avons donc rappelé nos entreprises et modifié la hauteur du mobilier pour le rendre accessible ». Ici, des pistes de promenade piétonnes, sans marches, ont été prolongées pour aller au plus près de l'eau. Là, des rampes sont installées pour accéder aux gradins. Des fontaines accessibles aux personnes handicapées sont aussi disponibles pour se rafraîchir l'été. « Pour sécuriser les lieux, il a fallu s'adapter et ajouter un peu de mobilier urbain. En même temps, nous ne devions pas trop encombrer les rues », précise l'urbaniste.
Repenser l'urbanisation
Dans le Nord, à Mons-en-Baroeul, l'aménagement est repensé pour garantir plus d'accessibilité. Situé au nord-est de la métropole lilloise, la petite commune a connu une urbanisation accélérée, passant de quartier rural à ZUP (Zone à urbaniser en priorité). Grâce à cette métamorphose, Mons-en-Baroeul propose désormais un aménagement bénéfique aux personnes handicapées. Lilika Troha, paysagiste, et Didier Decamp, chargé de mission handicap et voirie à la métropole de Lille, ont travaillé ensemble pour aboutir à ce retournement de situation. « Il a fallu revoir tout le nivellement, souligne Mr Decamp, lui-même en fauteuil roulant. Nous avons effacé toutes les marches pour faciliter l'accès aux commerces et installé des rampes avec des parcours assez courts pour ne pas rallonger les trajets ». Un projet ambitieux qui multiplie les aménagements pour plus d'accessibilité, tels que des pavés podotactiles pour malvoyants ou des barrières anti-intrusion afin de garantir la sécurité des piétons. Mons-en-Baroeul est ainsi labellisé « éco-quartier » depuis 2014.
Trop peu de concertation
S'ils témoignent d'une réelle prise en compte des besoins des personnes handicapées, ces projets méritent néanmoins d'être améliorés selon les associations de spécialistes en accessibilité. « À Confluence, il y a bien eu une concertation avec une commission de personnes à mobilité réduite, mais on parle de deux ou trois réunions seulement, avance un membre de l'association CARPA (Collectif des associations du Rhône pour l'accessibilité). Le rendu est de qualité mais, s'il y avait eu plus de consultations auprès de personnes handicapées tout au long du projet, les tables de pique-nique n'auraient pas dû être remplacées ».
Le label « éco-quartier »
Céline Guichard, directrice de projet « ville durable » au CEREMA, affirme qu' « il y a une réelle nécessité de changer le regard sur l'accessibilité ». Pour répondre à ce besoin, le label « éco-quartier » encourage les urbanistes à allier technique et esthétique dans l'aménagement urbain afin de garantir une réelle mixité sociale. Pour être estampillé éco-quartier, un projet doit répondre à une vingtaine d'engagements précis, qui promeuvent à la fois les enjeux d'accessibilité, d'ergonomie et de développement durable. Plusieurs villes de France ont été récompensées, à l'image de Tours et de son quartier Monconseil, ou encore de Bottière Chénaie à Nantes. Depuis 2013, 39 quartiers sont distingués. Si l'accessibilité aux lieux publics relève encore du parcours du combattant (lire article ci-dessous), cette démarche n'en demeure pas moins encourageante.