Depuis la pose de sa trachéotomie en 2012, Damien Perrier, 42 ans, est aphone. Atteint de la maladie de Charcot ou SLA (Sclérose latérale amyotrophique), qui se caractérise par une dégénérescence progressive des neurones moteurs, il est en soins palliatifs à l'hôpital de Chambéry (Savoie) et communique uniquement avec les yeux. Anciennement docteur en physique, Damien expérimente une interface cerveau-machine, mise au point par Maureen Clerc, directrice de recherche à l'Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique), et par Nathanaël Foy, ingénieur à l'Inria.
Plusieurs expérimentations
Prototypées par différents laboratoires, les interfaces cerveau-machine sont exploitées, de plus en plus, par les personnes tétraplégiques. Plusieurs démonstrations ont notamment eu lieu à l'occasion du 1er Cybathlon de Zurich, en octobre 2016 (lire article en lien ci-dessous). Pour Damien, ce projet expérimental démarre lorsqu'il rencontre, en 2014, trois ingénieurs, membres de l'Union départementale des ingénieurs et scientifiques des deux Savoie (UDISS). Entouré par la suite de présidents d'association, il dispose du logiciel adapté en 2015, qu'il commence à exploiter en janvier 2016.
Électrodes et lettres flashées
Comment fonctionne la machine ? Les électrodes d'un casque électroencéphalographe (EEG enregistrent l'activité cérébrale de l'utilisateur. La technique n'est pas invasive puisque les électrodes sont placées à la surface du crâne. Un logiciel baptisé OpenViBE, développé par l'Inria et prêté à Damien pour l'expérimentation, analyse les pics de tension du cerveau générés à la suite de flashs, qui apparaissent sur un clavier virtuel. « Quand nous sommes surpris par une alarme ou un flash, notre cerveau génère un pic de 2 à 5 microvolts, qui survient toujours 300 millisecondes après l'élément déclencheur, résume Damien, qui a répondu à Handicap.fr grâce au système de poursuite oculaire. On appelle cela le signal P300. J'ai devant moi un clavier virtuel. Chaque lettre est flashée aléatoirement par un smiley très furtif. Je fixe alors une lettre et je compte le nombre de fois qu'elle est flashée ». Le logiciel reconnaît les signaux P300 associés à cette lettre puis l'affiche, et ainsi de suite pour les lettres suivantes.
De plus en plus facile à utiliser
L'interface est toujours en phase expérimentale mais l'objectif de Damien et de son équipe reste sa commercialisation. Ses paramètres sont améliorés à vitesse grand V : « La semaine dernière, nous épelions à la vitesse de 43 secondes par lettre. Cette semaine, nous passons à 16 secondes par lettre. Cette machine est de plus en plus facile à utiliser », estime Damien. Mais, malgré cette avancée prometteuse, d'autres réglages, qui nécessitent plus de temps, restent à configurer. Pour le moment, la machine ne peut pas remplacer le système de poursuite oculaire, utilisé plus fréquemment par les personnes atteintes de SLA.
Un premier « livre-témoignage »
Avant d'être diagnostiqué en 2009, Damien ne pensait pas écrire. C'est lorsqu'il est en réanimation à l'hôpital de Lyon qu'il envisage l'ébauche d'un livre autobiographique. Des idées de chapitre émergent, simplement stockées dans sa mémoire. « Je voulais léguer un livre-témoignage à ma fille, qu'elle lirait plus tard lorsqu'elle serait suffisamment grande pour mieux comprendre, raconte-t-il. Je ne voulais surtout pas lui laisser l'image d'un père affaibli par la maladie, qui ne s'était pas battu pour vivre ». Dans cet ouvrage, il parle de sa vie étudiante trépidante, de sa rencontre avec sa future épouse, de la naissance très compliquée de leur fille, prématurée. Et, surtout, de son vécu avec la maladie. En soins palliatifs, une rencontre avec Annie Joly, une bénévole qui lui rend visite et possède une maison d'édition, donne vie à son projet. En 2014, Annie publie « Entre un regard et un sourire » (éditions Marguerite Papillon), dans lequel elle ajoute ses interrogations et son regard sur la maladie. « Depuis sa publication, j'ai écrit des nouvelles de science-fiction, confie Damien. J'ai participé à des concours de nouvelles. Et, en ce moment, je termine la rédaction d'un livre en solo ».
© Annie Joly