« Le ou la Maire d'arrondissement est élu.e avec ses adjoint.e.s par le Conseil d'administration », lit-on désormais sur le site de la municipalité de Lyon. Cette dernière aurait-elle décidé d'adopter celle qu'on appelle aussi « l'écriture épicène » ? Pensée pour encourager l'égalité femmes-hommes, l'écriture inclusive, avec ses points dans les mots, remet notamment en question la règle grammaticale selon laquelle « le masculin l'emporte sur le féminin ». Le « point-milieu » est placé au milieu de la ligne et non en bas comme le point final et permet ainsi de mentionner les deux sexes. Si sa symbolique est tout à fait louable, elle est cependant considérée comme un obstacle majeur pour la lecture et la compréhension de certaines personnes en situation de handicap, notamment les aveugles utilisant des synthèses vocales pour lecture de textes, les personnes dyslexiques ou encore celles avec un handicap cognitif. Mais pas que ! A lire les réactions des uns et des autres sur les réseaux sociaux, cette écriture jette le trouble dans l'esprit de nombreux Français. « C'est horripilant, confie Martine, professeur de lettres. Comme si cela allait changer quelque chose à la condition des femmes ».
Rejetée par le gouvernement
En 2017, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, s'était déjà interrogée sur ce sujet (article en lien ci-dessous) tandis que l'Académie française l'avait qualifié de « péril mortel » pour notre langue. Le 21 novembre 2017, dans une circulaire, Edouard Philippe demande à ses ministres de ne pas utiliser l'écriture inclusive dans les textes officiels « pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme ». Plutôt que d'écrire, par exemple, « candidat·e·s », le gouvernement encourage alors, « afin de ne pas marquer de préférence de genre », à utiliser des formules telles que « le candidat ou la candidate ». Quelques jours auparavant, le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, s'était lui aussi opposé à l'utilisation de l'écriture inclusive devant l'Assemblée nationale.
Une percée à Lyon
Le débat autour de cette « novlangue » ne cesse donc de faire rage, et les récentes élections municipales n'ont fait que le relancer, notamment avec la percée des Ecologistes qui défendent ce principe, comme d'autres partis politiques, syndicats et organisations militantes. C'est le cas à Lyon où le nouveau maire, Grégory Doucet, l'a employée dans ses communications et se dit « convaincu de son utilité ». De nombreux médias se sont saisis de cette info, notamment Lyon Mag, assurant que les élus de la nouvelle majorité municipale avaient résolu d'adopter l'écriture inclusive et qu'il s'agissait là de la première « mesure phare ». Mais le service de presse de la ville dément ; ce serait juste une « habitude » de la part des Verts et non une « décision » du maire qui, rappelons-le, a une certaine sensibilité au handicap puisqu'il est un ancien cadre de Handicap international. La ville de Lyon reconnait tout de même que « l'on y viendra peut-être ». A Toulouse, le parti Archipel citoyen diffuse lui aussi des communiqués en écriture inclusive., tout comme la ville de Paris qui s'en est à son tour emparée.
Discrimination en cas de handicap
« Elle discrimine nombre de personnes en situation de handicap en leur rendant les textes inaccessibles », s'est aussitôt exprimée l'APHPP (Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées) dans un tweet, demandant au Défenseur des droits et à l'Association des maires de France (AMF) « d'intervenir face à cette décision inacceptable ». Son président Matthieu Annereau, élu en Loire-Atlantique et lui-même aveugle, s'est dit « furieux contre cette adoption ». S'étant exprimé à plusieurs reprises devant ses confrères politiques, il n'a observé « aucun changement d'habitudes ». Selon lui, « la défense d'une cause aussi noble soit-elle, celle de l'égalité femme homme en l'occurrence, ne peut s'opposer à des principes fondamentaux d'accessibilité ».
Une régression selon Sophie Cluzel
L'écriture inclusive a fait l'objet d'échanges au sein du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées), notamment à l'invitation de l'assocation FDFA (Femmes pour le dire femmes pour agir) qui milite en faveur du droit des femmes en situation de handicap, mais elle n'a jamais été adoptée pour ses publications. « Nous avons fait de nombreux efforts pour rendre nos messages accessibles aux personnes en situation de handicap, et cette contrainte est un point de crispation », explique l'un des membres du Conseil. De son côté, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, dénonce une « régression pour l'accessibilité universelle contraire à tous les efforts en Falc » (facile à lire et à comprendre).