C'est à partir du 15 mai 2018 que le glas va peut-être sonner pour les logements accessibles. Le projet de loi relatif à l'Évolution du logement et à l'aménagement numérique (ÉLAN) doit en effet être discuté à l'Assemblée nationale. Son article 18 prévoit d'abaisser à 10 % le nombre des logements neufs accessibles au lieu de 100 % aujourd'hui, les 90 % restants devant être "évolutifs" (article complet en lien ci-dessous). Selon le gouvernement, ils pourront être rendus accessibles aux moyens de "simples travaux", par exemple des cloisons amovibles ou le changement de la douche... Or le principe d'accessibilité universelle impose que soient rendus accessibles pour une personne se déplaçant en fauteuil 100 % des logements neufs destinés construits en rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur.
Un rejet pur et simple
"Mais qui peut croire sérieusement qu'un bailleur n'écartera pas d'office le candidat locataire qui a besoin de travaux, même simples, pour rendre accessible son logement ?", interroge Henri Galy. Il est président du CDTHED, l'une des associations qui prend publiquement position pour le "maintien des règles imposant la construction de logements neufs accessibles à tous". Il dénonce un projet "soutenu essentiellement par les lobbies de l'immobilier" et exige le rejet pur et simple de cet article 18. De son côté, Eddie Jacquemart, président de la CNL (Confédération nationale du logement), qui se définit comme la "première association de défense des habitants", affirme que tous "doivent rester 100% accessibles" car la famille ou les amis d'une personne handicapée "doivent aussi pouvoir la recevoir".
Un retour en arrière
Même son de cloche du côté de l'Anpihm. Tous jugent que "cette mesure sonne comme un retour en arrière". La loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 a posé le principe de l'obligation d'accessibilité de tous les logements neufs puis la loi handicap du 11 février 2005 et ses textes d'application ont défini les normes actuelles. La Loi ÉLAN réinstaurerait des quotas qui "auraient pour effet d'assigner une partie de la population à des lieux non choisis", comme le dénonce le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées). Les personnes en situation de handicap, malades, accidentées ou vieillissantes et leurs familles ne pourraient plus accéder qu'à un parc national de 2 300 logements sociaux neufs chaque année, soit un appartement accessible pour 30 000 habitants, parmi lesquels 6 600 personnes seront âgées de plus de 65 ans et 160 seront potentiellement victimes d'un AVC, d'un infarctus ou d'une fracture du col du fémur.
Le Défenseur des droits prend position
"L'introduction de ce quota de logements est discriminatoire et en contradiction avec le droit des personnes à choisir librement leur lieu de vie selon l'article 19 de la Convention de l'ONU relative au droit des personnes handicapées, pourtant ratifiée par la France en 2010", explique le CDTHED. Argument repris par le Défenseur des droits qui, en France, est chargé du suivi de l'application de cette convention ; le 11 avril 2018, Jacques Toubon s'exprimait à ce sujet lors de sa conférence de presse (article en lien ci-dessous) : "Cette disposition remet en cause l'accessibilité universelle. Il va falloir en débattre car elle est totalement contraire au droit. Nous allons avoir une discussion sur cette question mais, au final, c'est la majorité parlementaire qui dira si elle est acceptable ou pas."
Concertation ou piège ?
La messe n'est peut-être pas encore dite puisque le gouvernement, via la Direction générale de l'habitat et de l'urbanisme, a invité trois associations (Anpihm, APF France handicap et GIHP) le 24 avril 2018 à venir concerter sur ce sujet. Mais le CDTHED n'est pas dupe et qualifie cette démarche "d'opération de séduction". Selon Henri Galy, le gouvernement "invite les dirigeants de ces associations à définir le concept d'évolutivité, autrement dit les modalités de mise en œuvre de ce fameux article 18 !". A ce titre, l'Anpihm annonce qu'elle refuse de participer à une "grossière opération politique", qui "laisse croire à l'existence d'une véritable concertation". Elle invite les deux autres associations, en déclinant cette invitation, "à ne pas tomber dans le piège ainsi tendu" par le gouvernement qui, depuis l'annonce par le Président de la République de ses intentions sur le sujet en juillet 2017, n'a pas "dévié d'un pouce de ses objectifs initiaux". Les deux autres associations n'ont pas démenti leur participation.
L' Anpihm déplore par ailleurs que le gouvernement se refuse à abaisser l'obligation d'ascenseur de R+4 (bâtiment de 4 étages) à R+3 au motif d'une augmentation des coûts de construction et, en conséquence, des charges locatives, jugée insupportable pour de nombreux locataires du parc social. A l'heure où le gouvernement réduit les aides au logement...