C'est dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 novembre 2016 (heure française) que l'on connaîtra le nom du nouveau président des Etats-Unis. Quel pourrait être l'impact du vote des personnes handicapées lors de ce scrutin ? Il est en effet une « légende tenace » qui affirme que George Bush avait fait pencher la balance de son côté en 1998 en inscrivant dans son programme la promesse de faire passer l'ADA (Americans with Disabilities Act), un vaste programme en faveur des citoyens handicapés.
1 votant sur 5
Les Etats-Unis comptent 34,6 millions d'électeurs en situation de handicap, soit un cinquième du corps électoral, sans compter leurs proches et tous ceux qui travaillent auprès d'eux. Un « public » non négligeable qui pourrait, selon certains spécialistes, faire basculer des états emblématiques et déterminer l'issue du scrutin. Quel candidat, d'Hillary Clinton ou de Donald Trump, sera donc le plus convaincant sur cette question ? Les excès récurrents du Républicain pourraient-ils jouer en sa défaveur ? En novembre 2015, lors d'un meeting en Caroline du Sud, le milliardaire avait dérapé en se moquant d'un journaliste handicapé (article en lien ci-dessous). L'image avait ému l'opinion publique et fait le buzz...
Aux urnes, citoyens ?
Encore faut-il que les personnes concernées puissent, pour exprimer leur voix, se rendre jusqu'aux urnes. Il s'avère en effet que la participation des personnes handicapées au scrutin reste en-deçà de celle du reste de la population. Contrairement aux idées reçues, les bureaux de vote du pays ne sont pas majoritairement accessibles : parfois trop éloignés, avec de rares transports collectifs, ne proposant aucune aide dédiée pour ceux qui en ont besoin. Sans compter que certains citoyens en situation de handicap sous tutelle sont parfois tout bonnement privés de leurs droits. On les appelle les « disenfranchised ». En 2005, ils auraient été 30 % à rencontrer des difficultés pour aller voter.
Un Français teste les meetings
Reste un autre paramètre à prendre en compte : le manque d'accessibilité de la campagne électorale. Un Français s'est rendu sur place et témoigne. Il s'agit de Jérémie Boroy, lui-même sourd, délégué général de l'association Aditus qui milite en faveur des personnes sourdes. L'accessibilité des campagnes électorales est l'un des piliers de ses actions ; déjà en 2012, il avait reconstitué à Paris les coulisses d'une campagne idéale, 100% accessible (article en lien ci-dessous). Pour en avoir leur cœur net, il a traversé l'Atlantique avec l'objectif de porter un regard expert sur les meetings organisés en Floride. Il avait imaginé une accessibilité optimale ; le résultat est, selon lui, « décevant », comme en témoigne une chronique complète publiée sur sa page (en lien ci-dessous).
Démocrates : on bricole !
Quatre meetings en trois jours : trois dans le clan des Démocrates et un dans celui des Républicains. A Florida City avec Bill Clinton, pas d'accueil ou de file d'attente dédiée mais un espace avec quelques sièges prévus pour les participants se déplaçant avec difficulté ou en fauteuil roulant ou ne pouvant pas rester debout. Sur le même espace, sans signalétique (ce qui implique de se manifester auprès de membres du staff pour le localiser et y être admis), une interprète ASL (American sign langage) est positionnée au bas de l'estrade. Sans podium ni autre outil de visibilité, elle doit défendre son espace vite parasité par les passages intempestifs des participants qui veulent prendre des photos. Pas de captation vidéo avec reprise sur grand écran. Pas de sous-titrage simultané, ni de boucle magnétique. A Fort Landerdale avec Hillary Clinton, on bricole comme on peut ; deux interprètes ASL se relayent sur… un escabeau à l'arrière de la scène pour tenter d'être visibles des participants sourds. Sans sécurisation de l'espace, elles se tiennent à tour de rôle pour éviter d'être renversées. Quant au meeting d'Obama, selon Jérémie, « deux interprètes se relaient dans un contre-jour total assez étonnant. Alors qu'un cube d'écrans géants est suspendu au plafond, pas de reprise vidéo du discours présidentiel, ni de sous-titrage ». Bilan peu concluant du côté des Démocrates alors que, sur le site de la candidate Clinton, les évènements concernés sont affichés comme « ADA-accessible ».
Républicains : Trump signe lui-même !
Qu'en est-il des Républicains ? C'est simple : au central Florida Fairgrounds d'Orlando, aucun dispositif d'accessibilité pour le meeting de Donald Trump. Jérémie rapporte les « sourires gênés du staff interrogé à l'accueil ». Des vétérans en fauteuil roulant sont au milieu de la foule sous une chaleur écrasante. Aucun interprète en vue. Rien ! À moins que le candidat des Républicains, particulièrement mobile des mains, n'ait prévu de dérouler lui-même son discours en langue des signes ? « Sans tirer de conclusion hâtive sur la base de ces quatre seuls meetings, conclut Jérémie, le dispositif d'accessibilité, quand il y a un, semble limité au strict minimum. Assez loin de ce que nous pouvions en espérer. Reste maintenant à examiner l'accessibilité des autres volets du processus électoral : les contenus en ligne, les interventions dans les médias, le scrutin lui-même. »