Ils s'appellent Abigaëlle, Jeanne, Nohan et Elisa. Ils habitent Lille, Quimper, Niort et Agen, ont entre 15 mois et 3 ans et demi. Tous sont aveugles de naissance. Depuis septembre 2016, ils sont accompagnés d'un chien d'assistance. Ces jeunes enfants bénéficient d'un programme mis en place par la fondation Mira-Europe-Frédéric-Gaillanne, spécialisée dans l'éducation de chiens-guides. Avec des chercheurs de l'Université Lyon II, le centre mène un projet d'étude sur la présence de chiens d'assistance auprès de jeunes enfants déficients visuels. L'idée étant d'analyser l'influence du chien sur leur développement psychomoteur, cognitif et sensoriel, ralenti par la cécité.
Un accompagnement spécifique
Huit familles ont été sélectionnées ; le centre a confié à quatre d'entre elles un chien-guide, éduqué durant deux ans pour intégrer le programme. Les autres familles, sans chien, participent également à l'étude, qui compare le développement de tous les enfants, avec l'hypothèse que l'introduction d'un chien va permettre un développement plus rapide. « Toutes les familles sont très investies, affirme Chantal Roubaud, directrice de la Fondation Frédéric Gaillanne. En plus de se prêter à la recherche, elles voient ici l'occasion de stimuler le développement de leur enfant. En prenant connaissance du projet, d'autres parents nous ont contactés pour rejoindre l'équipe. Mais, pour des raisons financières, nous ne pouvons pas accueillir plus de participants. » Déplacements des chercheurs, formation, chien-guide… Tout est offert aux familles par le centre.
Étude inédite
Mené pour la première fois en Europe, ce projet mobilise scientifiques, psychologues, infirmiers et éducateurs de chiens-guides. Équipées de caméra, les familles envoient, tous les mois, des scènes de la vie quotidienne permettant d'observer l'enfant. C'est la première fois que des chiens sont confiés à des enfants aussi jeunes. « En général, on confie des chiens d'assistance à des enfants entre 12 et 18 ans », poursuit Mme Roubaud.
Premiers résultats encourageants
Après deux ans de minutieuses préparations (pour trouver des financements, former les équipes, sélectionner les familles, constituer des groupes de travail…), l'étude est lancée et l'équipe de recherche observe de premiers résultats. « Nous pouvons déjà voir des modifications de comportement chez les enfants qui vivent avec un chien, confie Chantal Roubaud. Certains se déplacent différemment, adoptent une attitude plus confiante, un comportement qu'ils n'avaient pas avant l'arrivée du chien. L'intégration de ce nouveau membre dans la famille entraîne effectivement une certaine curiosité, un questionnement qui va influer sur le développement de l'enfant. »
Vers une publication scientifique
À Lille, les parents d'Abigaëlle s'enthousiasment de cette nouvelle relation entre Jolly, un labrador croisé golden, attentionné, et leur fille de 17 mois. « On voit déjà qu'elle s'habitue à la présence de sa chienne, qu'elle la cherche. Jolly, elle aussi, s'est bien adaptée. Elle est très douce. Dès qu'on s'éloigne d'Abigaëlle, elle se rapproche du bébé », rapportent-ils au Parisien. Des observations encourageantes, en attendant des résultats plus concluants, qui mèneront à une publication scientifique à la fin de l'étude, en 2020. Les enfants, eux, pourront garder leur compagnon à poils. À noter que les chiens d'assistance éduqués par le centre Frédéric Gaillanne peuvent également accompagner de jeunes autistes.
© Marie Delaruelle