Bien-être et santé sont-ils compatibles avec le travail ? Pour le savoir, depuis 2009, Malakoff Médéric se penche sur cette question. Et mène une enquête qui permet, entre autres, de faire un focus sur le ressenti des travailleurs handicapés. L'édition 2016, réalisée en avril, donne la parole à 3 500 salariés d'entreprises du privé en France et dévoile leur " perception" sur le sujet. Parmi eux, 242 se "déclarent" en situation de handicap, sans pour autant avoir nécessairement une reconnaissance.
Les travailleurs handicapés se livrent
Quel est l'objectif d'un tel baromètre ? Selon Stéphanie Le Dorner, responsable de la qualité de vie au travail du groupe, "il permet d'analyser les déterminants de la santé et d'en mesurer l'impact, notamment, sur l'absentéisme". Par santé, on entend aussi le sommeil, l'hygiène de vie, l'environnement de travail... C'est donc tous ces aspects du quotidien qui ont été passés au crible. Bilan ! 7% des salariés du secteur privé déclarent un handicap (situation stable depuis le lancement de l'étude en 2009). Parmi eux, 57 % déclarent aussi une maladie chronique. Le profil type ? Un homme, plutôt âgé et ouvrier. Dans ce panel, seulement 3 personnes avec un handicap sur 10 ont des responsabilités de management.
Une pénibilité manifeste du travail
La surreprésentation chez les ouvriers implique une pénibilité physique plus importante que la moyenne des salariés et notamment des gestes répétitifs, des environnements de travail bruyants, des stations debout pénibles, l'utilisation de machines pouvant les exposer à des blessures ou encore des risques de chute grave. Au global, ce sont 55 % des salariés révélant un handicap qui se déclarent physiquement fatigués par leur travail. Cette fatigue peut avoir des conséquences importantes puisque, plus que la moyenne, ils remarquent des baisses de vigilance et manques d'attention. Leur situation de handicap engendre par ailleurs des gênes dans leur quotidien professionnel que 30 % définissent comme sévères. Ils sont, plus que les autres, soumis aux adaptations puisque 7 sur 10 ont vécu, dans l'année, un changement interne majeur (restructuration, changement imposé de poste ou de métier, chômage technique.). Une proportion très importante comparée à la moyenne déjà haute de 55 % sur l'ensemble des salariés du secteur privé.
Du plaisir à venir travailler
Malgré ce contexte, parfois difficile, 73 % déclarent comprendre que ces aléas sont nécessaires et 90 % et font en sorte de s'adapter. Les trois-quarts d'entre eux disent se sentir bien intégrés dans l'entreprise et ont majoritairement du plaisir à venir travailler. Leur emploi constitue même (pour deux-tiers) une source d'épanouissement et d'enrichissement dans lequel ils ont la possibilité de développer leurs compétences professionnelles et surtout d'apprendre. Un état d'esprit positif qui n'allège pas pour autant les contraintes du quotidien, et notamment, pour 48 % d'entre eux, les difficultés à concilier leur vie professionnelle et personnelle. Soit 12 points de plus que la moyenne des salariés français ! À cela, deux raisons majeures. La première, c'est le travail qui, comme pour tout un chacun, empiète de plus en plus sur la vie privée, laissant moins de répit à ceux qui sont déjà fragilisés : poursuivre les tâches à la maison, ne pas pouvoir s'empêcher de consulter régulièrement les mails professionnels. Mais c'est aussi, très souvent, le fait de devoir s'occuper d'un proche. 29 % des salariés handicapés sont dans ce cas, soit 11 points de plus que la moyenne. Un cumul des responsabilités qui peut expliquer que 4 sur 10 se sentent parfois isolés (12 pts de plus que la moyenne).
Sportifs mais parfois addicts
En matière d'hygiène de vie, ils témoignent d'un mode de vie globalement bon, notamment grâce au sport qu'ils pratiquent presque autant que la population moyenne (32 % au moins une fois par semaine) et aux attentions portées à leur alimentation. Pourtant, des comportements à risque demeurent. Les travailleurs handicapés interrogés sont en effet 14 % à consommer de l'alcool tous les jours (contre 8 % en moyenne) tandis qu'un peu moins d'un sur trois est fumeur (24 % en moyenne) ou consommateur de somnifères ou d'antidépresseurs (14 % en moyenne). Il s'agit d'une catégorie de salariés particulièrement soumise aux troubles du sommeil : 43 % en subissent souvent, voire en permanence (28 % en moyenne).
Des travailleurs assidus
Enfin, même si la moitié des salariés déclarant un handicap (48 %) ont été arrêtés (pour maladie) au moins une fois dans l'année, souvent pour des arrêts longs (25 % de plus d'un mois), ils manifestent un engagement un peu plus fort que la moyenne. Un quart d'entre eux cherchent systématiquement à améliorer leur façon de travailler et un tiers viennent travailler alors même qu'ils sont malades et arrêtés par leur médecin (20 % en moyenne). Pour quelle raison ? Avant tout par peur de perdre leur emploi (26 %, soit 10 points de plus que la moyenne). Et peu importe si 73 % sont conscients qu'ils prennent des risques pour leur santé !
Les actions à mettre en œuvre
Comment, dans ce contexte, les entreprises peuvent-elles mettre en place des actions pour améliorer leurs conditions de travail, et donc de vie ? Les demandes prioritaires sont sans équivoque : une aide pour mieux dormir, un accompagnement psychologique en cas de coup dur mais également de l'aide et du répit pour ceux ayant un parent dépendant ou un proche malade. S'appuyant depuis plusieurs années sur les résultats de son baromètre, le groupe Malakoff Médéric a ainsi pu mettre en place des services sur la question des risques professionnels avec l'objectif d'accentuer la prévention au sein des entreprises. "C'est un bon outil pour identifier les points prioritaires, poursuit Stéphanie Le Dorner. Les grandes entreprises qui ont des missions handicap ou diversité sont relativement bien outillées mais les problèmes se posent davantage dans les TPE et PME. Ce qui ne signifie pas que leurs salariés sont moins bien protégés mais certains dirigeants, et notamment ceux qui ne sont pas soumis à l'obligation d'emploi des personnes handicapées, ne savent pas toujours où trouver les aides pour accompagner leurs collaborateurs".
Un kit pour les managers
C'est pourquoi Malakoff Médéric a mis en place un "kit enjeu RH handicap", pour permettre à ses entreprises clientes d'accéder à l'info et aux ressources utiles et sensibiliser les managers à cette thématique. Cette initiative propose de battre en brèche de nombreuses idées reçues et démontre que des petites entreprises exemptées du quota de 6 % n'hésitent pas à faire appel à des travailleurs handicapés. Et Stéphanie Le Dorner de citer une PME du bâtiment qui, sans aucune obligation, a pris le parti d'embaucher deux personnes sourdes. Ce kit, qui rencontre un vif succès, a été décliné sur d'autres thématiques tels que les troubles musculo-squelettiques ou les risques psychosociaux.
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