Par Océane Caillat
"Quand vous êtes une femme en situation de handicap, vous subissez énormément de freins dans l'accès à la pratique sportive." A quelques mois des Jeux paralympiques (28 août-8 septembre 2024), les sportives, quel que soit leur niveau, veulent être plus nombreuses sur les terrains. Et elles ont des idées. Parmi les "freins" évoqués par les femmes interrogées par l'AFP, figurent la pratique en mixité des sports collectifs, le rapport au corps -différent chez les femmes- et... les vestiaires en commun (Lire : FFemmes en minorité dans le handisport:le poids des préjugés?).
Avoir un certain tempérament
Sandra Arar, 39 ans et commerciale dans une agence de voyage, dit être "l'une des premières" à s'être lancée dans le foot-fauteuil électrique. Elle a longtemps été la seule femme de son équipe. "Il faut un certain tempérament car on a cette image de la fille qui joue mal au foot", même chez les sportifs en situation de handicap, "alors qu'il n'y a pas de différences physiques car tous les fauteuils sont paramétrés de la même manière !" En raison du manque de joueuses, "beaucoup de sports collectifs se pratiquent en mixité et cela peut créer une peur", avance William Ybert, coach rugby-fauteuil au club handisport parisien CAP SAAA.
Les hommes plus susceptibles d'être handicapés
La proportion de licenciées stagne au niveau de 30 à 35 %, tous sports confondus, selon la Fédération française handisport. Les hommes sont plus susceptibles de se retrouver en situation de handicap que les femmes au cours de leur vie -ils sont plus nombreux à être victimes d'accidents du travail ou de la route-, mais ce facteur n'explique pas à lui seul le manque de parité dans le parasport.
Des postes inhabituels et peu de temps de jeu
Au basket-fauteuil, chaque joueur se voit attribuer un score -en nombre de points- par un médecin en fonction de son handicap et les équipes sont ensuite formées en fonction de ces scores pour équilibrer les forces. Chaque équipe ne doit pas dépasser un certain nombre de points au total. Un système qui favorise légèrement les femmes : leurs scores sont généralement moins élevés, et il est donc plus facile de les inclure dans des équipes. Mais, pendant les matches, "les filles ne sont pas positionnées à leurs rôles habituels et se retrouvent avec très peu de temps de jeu", regrette Anne-Elizabeth d'Acremont, étudiante de 25 ans, handi-basketteuse.
Vestiaires communs et peu accessibles
Une femme en situation de handicap subit "énormément de freins dans l'accès à la pratique sportive" car au "handicap s'ajoute celui d'être une femme", déclare à l'AFP Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français (CPSF) et championne paralympique d'athlétisme. La mixité s'immisce jusque dans les vestiaires : "C'est déjà rare qu'un gymnase propose un vestiaire accessible, encore moins plusieurs. On se retrouve à devoir se changer avec les hommes", soupire Anna Varga, ingénieure de 44 ans, qui pratique le basket-fauteuil.
Féminiser l'encadrement !
En plus de corriger cette insuffisance logistique, "féminiser l'encadrement est un levier important pour encourager la pratique, cela peut-être un déclic rassurant pour une jeune femme en situation de handicap", souligne Marie-Amélie Le Fur. "L'encadrement parasportif, c'est aussi accompagner sur les soucis de santé qu'elles rencontrent et cela nécessite une proximité", abonde William Ybert.
Autre difficulté à surmonter pour ces sportives, celle de devoir parfois exhiber leur corps. "En natation, j'ai connu une fille amputée qui gardait sa serviette nouée jusqu'au bord du bassin avant d'entrer dans l'eau, pour ne rien montrer, raconte Guislaine Westelynck, présidente de la Fédération française handisport. Un garçon, lui, a moins de réticences à exposer son corps abîmé."
Trop peu de para athlètes françaises
Les fédérations espèrent que les Jeux paralympiques de Paris encourageront les femmes en situation de handicap à rejoindre une équipe, en basket, natation ou autres. Le nombre de participantes à cet événement mondial sera "un nouveau record dans l'histoire paralympique", promet le CPSF. Toutes nationalités confondues, plus de 1 850 femmes sont attendues sur 4 400 athlètes (Lire : Jeux para Paris 2024 : les athlètes féminines en force!). Il est encore trop tôt pour connaître le nombre des participantes pour la France. Mais faire mieux que lors des derniers Jeux paralympiques (Tokyo en 2021) ne devrait pas être difficile : la délégation des 138 para-athlètes français comprenaient 37 femmes, soit 26,8 % de l'effectif (les femmes représentaient 44 % des athlètes chez les "valides"). Et, en 2022, elles n'étaient que deux aux Jeux paralympiques d'hiver de Pékin (sur 17 athlètes français).