5 250 hommes et autant de femmes. Les Jeux olympiques de Paris 2024 (26 juillet-11 août) seront les premiers à atteindre la parité de genre. Pour les Paralympiques (28 août-8 septembre), le compte n'est pas tout à fait bon... Les athlètes féminines seront encore un peu minoritaires (1 859 sur 4 000 athlètes), malgré une hausse de leur participation de 28 % par rapport aux Jeux d'Athènes en 2004 (Lire : Jeux para Paris 2024 : les athlètes féminines en force!). Et du côté des championnats du monde de para athlétisme, qui étaient organisés du 8 au 17 juillet 2023 au stade Charléty, à Paris ? « Sur 1 800 athlètes, environ 40 % sont des femmes », répond Adrien Balduzzi, directeur marketing de la Fédération française handisport (FFH). En s'appuyant sur ces évènements sportifs internationaux, deux experts décryptent la place des femmes dans le para sport.
Triple freins
35 athlètes français ont été sélectionnés pour les Mondiaux de para athlétisme : 22 hommes, 13 femmes. « Nous ne pouvons pas imposer de quotas car les athlètes féminines sont trop peu nombreuses, cela risquerait de créer des catégories avec une seule participante », explique Adrien Balduzzi. Pourquoi une telle frilosité ? « Elles cumulent les freins inhérents à la pratique sportive féminine en général mais aussi à celle des personnes en situation de handicap (sous-dimensionnement de l'offre, problèmes de mobilité et d'accessibilité), ainsi que les freins spécifiques liés au fait d'être une femme en situation de handicap », explique Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français (CPSF) (Lire l'interview complète : MA Le Fur : "Femmes handicapées, faites du sport, go !"). Selon elle, ce sont surtout « les faibles médiatisations et taux de 'role model' dans le handisport féminin qui engendrent blocages, censure et autocensure ». Constat qui vaut également pour le sport adapté (dédié aux athlètes en situation de handicap mental) puisqu'il est, selon elle, « empreint de préjugés et de stigmatisation encore plus importants que celui réservé aux athlètes avec un handicap moteur ou sensoriel ».
Un corps en inadéquation avec les diktats de la beauté ?
« Il existe une forme d'injonction contradictoire très forte dans le para sport féminin ; il nous faut développer une musculature importante pour générer de la performance mais ce corps d'athlète nous écarte, en quelque sorte, des codes de la féminité, poursuit cette championne de para athlétisme amputée de la jambe gauche à la suite d'un accident de la route. Cela peut représenter un frein pour la femme mais aussi pour les médias et les sponsors. » Adrien Balduzzi pointe également les contraintes « liées à la maternité des athlètes de haut niveau, même si cela tend à s'améliorer, et, dans certains cas, aux menstruations douloureuses ». Par ailleurs, « certains clubs de sport étant essentiellement fréquentés par des hommes, ils ne disposent pas de vestiaires pour les femmes », ajoute-t-il. Résultat, « environ 65 % des licenciés de la FFH sont des hommes contre 35 % de femmes ».
Absentes des sports co ?
Les féminines se font particulièrement rares dans les sports collectifs. Elles sont donc souvent intégrées à des équipes mixtes. Ce qui peut en rebuter certaines, « démotivées ou mal à l'aise face à l'idée de pratiquer un sport entourées d'hommes, observe Adrien Balduzzi. Elles craignent notamment de ne pas s'intégrer dans un collectif qui n'aurait pas les mêmes centres d'intérêt ». Pourtant, la présence de femmes dans une équipe offre un certain nombre d'avantages, notamment au basket fauteuil, où des points supplémentaires sont attribués.
Ces championnes qui « cochent les cases »
On remarque tout de même un intérêt croissant des médias et des sponsors pour le para sport, et les femmes ne sont pas en reste. Marie-Amélie Le Fur, Marie Bochet (reine incontestée du ski alpin) ou encore Fleure Jong, championne néerlandaise de sprint et de saut en longueur (Lire : Mondiaux Paris : Fleur Jong, reine du para saut en longueur), sont mises sur le devant de la scène, parfois davantage que leurs homologues masculins. « Cela s'explique notamment par le fait qu'il y a moins de femmes. Le choix étant restreint, celles qui font de grosses performances sont plus rapidement sollicitées », éclaircit Adrien Balduzzi. D'autre part, selon lui, ces trois championnes cochent toutes les cases : bonne capacité à s'exprimer, à remporter des médailles et un handicap « qui ne nécessite pas d'adaptations importantes » lors de prises de parole en public, « pouvant parfois être perçues comme des contraintes », sans compter l'« esthétisme global ». Les mêmes règles que pour les « valides », en somme... Mais, alors, à quand une championne de boccia en couverture d'un magazine ? « Ce serait top ! », encouragent les deux spécialistes qui incitent à mettre en lumière tout type de sport et de handicap.
20 % de femmes à la tête des comités paralympiques
« Dans l'encadrement, aussi, on manque de femmes, déplore Marie-Amélie Le Fur. Elles président seulement 20 % des comités paralympiques nationaux. » Face à ce constat, la question des quotas se pose une nouvelle fois. « Et elle est légitime mais, selon moi, cela pourrait nuire aux hommes comme aux femmes », estime Adrien Balduzzi, qui pointe l'aspect « rabaissant d'embaucher des femmes uniquement pour leur genre ». « Le quota impulse une dynamique mais n'est pas viable sur le long terme car il peut entraîner de la discrimination positive et des préjugés », précise-t-il.
Les patronnes du para sport français
Dans ce domaine considérablement masculin, certaines femmes ont réussi à s'imposer. Marie-Amélie Le Fur, qui a elle-même succédé à une autre femme, Emmanuelle Assmann, ex championne d'escrime, à la tête du CPSF, et Guislaine Westelynck, présidente de la Fédération française handisport (FFH), sont les deux patronnes du para sport français. « C'est la force de l'exemple, qui permet d'ouvrir le champ des possibles, de mettre l'accent sur la pratique du para sport féminin et l'accessibilité pour les sportives », explique Marie-Amélie Le Fur. Ça ne fait donc aucun doute, femme handicapée et sport, ça « matche » ? Et comment ! « Il est essentiel de lever tous les verrous et d'arrêter cette surprotection qui laisse à penser que le sport est un domaine trop compétitif voire dangereux pour une jeune femme handicapée », conclut Marie-Amélie Le Fur. Mesdames, foncez !