Film "Là-haut" : une fratrie s'affranchit de la surdité

Le documentaire "Là-haut", signé Dominique Fischbach, raconte l'histoire de Manon, une jeune femme sourde profonde et implantée, qui s'est affranchie des barrières de son handicap pour devenir une "championne de la vie". Sortie prévue le 3 décembre.

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Manon, jeune femme sourde, tient son fils dans les bras, face aux montagnes.

Dominique Fischbach revoit encore la petite fille qui l'apostrophait avec malice : « Tu m'entends Dominique ? Toi aussi, t'es sourde ! ». La réalisatrice, très engagée depuis toujours dans l'exploration des différences et des marges, s'attendait-elle pour autant à embarquer, vingt ans plus tard, dans un avion piloté par Manon pour voler au-dessus des montagnes de Haute-Savoie ? À l'issue de cette séance dans les airs, l'instructeur, bluffé, qualifiait la jeune femme de « super pilote ». Le film Là-haut sortira au cinéma le 3 décembre 2025.

Manon, toujours plus près des étoiles

Des parents, Sylvie et Laurent, et une sœur, Barbara, qui entendent. Mais pour Manon et son jeune frère Maxime, c'est le monde du silence depuis leur naissance. Tous deux font partie des premiers enfants en France à avoir bénéficié d'un implant cochléaire dans les années 2000. Cette technique, qui existe depuis une trentaine d'années en France, permet parfois de restaurer l'audition à des patients de tous âges qui souffrent de surdités sévères à profondes. Courageuse et déterminée, Manon assume son handicap : « Ma surdité, c'est ma richesse ! », affirme-t-elle. À 11 ans, elle veut poursuivre la gymnastique de haut niveau mais le risque de chute inhérent à l'activité peut mettre en danger le processeur de l'implant cochléaire. Qu'à cela ne tienne, Manon se tourne vers l'aviation pour continuer autrement ses saltos ! Bonne élève, elle souhaite aussi devenir kinésithérapeute. Il lui faudra s'exiler en Belgique pour suivre un cursus refusé aux personnes sourdes en France.

21 ans d'images pour parler à tous

« Je cherchais à parler de l'impact du handicap au sein d'une fratrie, confie Dominique Fishbach. Il ne s'agissait pas de réaliser un film militant mais de raconter avant tout une histoire de relations intrafamiliales qui puisse parler au plus grand nombre et contribuer, par là même, à changer le regard sur le handicap. » Dès lors, pas de chronique linéaire pour dresser ce portrait de famille transcendé par la présence et le point de vue de son héroïne, Manon, mais une somme de plusieurs décennies d'images constituée tout à la fois d'archives familiales et de moments immortalisés par la réalisatrice, qui accompagne cette famille atypique depuis 21 ans. Entre passé et présent, les images tissent la trame d'une histoire traversée d'épreuves bouleversantes. Les séjours pénibles à l'hôpital, les choix éducatifs épineux et l'apprentissage complexe d'une communication intrafamiliale s'appuyant sur la Langue des signes française (LSF), certes, mais aussi sur une oralisation parfois difficile et sur le langage corporel.

Une manière différente d'être au monde

« Grâce à Manon et à Maxime, j'ai réalisé qu'être sourd n'est pas uniquement une question d'incapacité à entendre : c'est d'abord une manière complètement différente de vivre le monde, insiste Dominique Fischbach. J'ai souhaité faire vibrer ce film de mille sons pour permettre au spectateur d'entendre et de ressentir ce que vit une personne sourde. » Le son métallique de l'implant, l'effet larsen lorsqu'il se dérègle, les bruits étouffés lorsqu'il se retire... Dans ce silence  assourdissant, les autres sens entrent alors en hypervigilance pour restituer les informations manquantes. Comme pour mieux redéfinir les perceptions autour de la surdité et rappeler qu'il appartient à chacun d'entre nous d'abolir cette frontière invisible, mais ô combien tenace, entre le monde des sourds et des entendants.

« Pourquoi moi ? »

« Mais pourquoi moi ? », s'interroge Maxime en proie à un sentiment d'injustice face à un handicap qu'il supporte de plus en plus difficilement, notamment à cause de cet implant qui lui génère d'atroces migraines. Aujourd'hui, environ sept millions de personnes sont sourdes et malentendantes en France, dont plus de 100 000 pratiquent la LSF, comme langue principale. Comment vivent-elles ? Les aide-t-on vraiment à s'insérer dans la société ? « Est-il acceptable que les écoles françaises de kinésithérapie refusent aujourd'hui encore des étudiants au seul motif de leur surdité , s'insurge la réalisatrice. Plus vulnérable que Manon, le parcours de Maxime est particulièrement douloureux. Né cinq ans après sa sœur, il n'a pas échappé, dans les années 2000, à la grande théorie de l'inclusion sauvage qui l'a propulsé, sans soutien aucun, dans des classes d'entendants ». L'expérience le plonge dans une grande détresse et une panique quant à son futur. En 2016, une surdose de médicaments sera fatale à Maxime, laissant la famille confrontée aux questionnements et au long travail du deuil.

Pour le sourire de Matthéo

Là-haut, c'est aussi ce chalet familial qui résonne si fort de la présence de l'absent, Maxime. Manon est désormais la maman d'un petit Matthéo, âgé de 3 ans. Bébé signeur et entendant, riche de deux moyens de communication, l'enfant a pu partager très tôt, grâce à la LSF, de petits secrets incompréhensibles pour son père, avec sa maman. L'été venu, comme avec son fils disparu, le père de Manon se lance avec Matthéo dans des travaux de maçonnerie pour construire un mur. Et lorsque la parenthèse estivale se referme, Manon reprend son activité de kinésithérapeute dans les Yvelines, avec des patients qui n'ont pas hésité à s'adapter à son handicap en faisant l'effort de bien la regarder. Dotée d'un fort sens de l'empathie, la jeune femme organise aussi des baptêmes de l'air pour enfants en situation de handicap.

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