Jamais deux sans trois ! Le 25 novembre 2021, Clara Dupont-Monod reçoit le Goncourt des Lycéens. S'adapter a été élu dès le premier tour de scrutin, avec 8 voix sur 13, parmi les cinq finalistes. Dans ce roman publié aux éditions Stock, l'éditrice et journaliste imagine une fratrie bouleversée par l'arrivée d'un enfant handicapé.
Sa justesse, sa douceur, sa poésie
S'adapter commence ainsi : "Un jour, dans une famille, est né un enfant inadapté. Malgré sa laideur un peu dégradante, ce mot dirait pourtant la réalité d'un corps mou, d'un regard mobile et vide". "Ce roman nous a séduits par sa justesse, sa douceur, sa poésie, il laisse une trace lumineuse qui ouvre les portes de la tolérance face au handicap. Merci", a déclaré la présidente du jury Nour Benkhabeche, élève de seconde à l'Ecole européenne de Bruxelles IV. "Il y a une certaine douceur, une certaine sensibilité et un thème qui s'inscrit tellement dans la société : le handicap ; c'est un sujet dont on ne parle pas assez. On a trouvé que c'était joliment fait, un très beau livre, lumineux, pas du tout sombre, qui donnait un peu d'espoir vers l'avenir", argumente à son tour Rachel Bulka, 16 ans, élève au lycée Massena à Lille et membre du jury, interrogée par l'AFP.
"Je suis vraiment très émue. C'est un peu comme s'ils accueillaient cette fratrie qui a dû s'adapter", a réagi par téléphone Clara Dupont-Monod, des sanglots dans la voix. Elle recevra le prix ce soir à Paris au ministère de l'Education nationale. Chaque année depuis la création du Goncourt des Lycéens en 1988, environ 2 000 lycéens de toute la France participent au choix du lauréat.
Déjà le Femina et le Landerneau
S'adapter était en lice pour plusieurs prix d'automne dont le Goncourt. Le 25 octobre déjà, Clara Dupont-Monod recevait le prix Femina. Réuni au musée Carnavalet à Paris, le jury exclusivement féminin avait choisi cette lauréate au huitième tour, avec six voix, contre cinq à Thomas B. Reverdy pour Climax (Flammarion). C'est le prix Landerneau des lecteurs (230 personnes au total) qui avait ouvert le bal des hommages cinq jours auparavant... "Ce roman onirique, aux confins du conte, plonge le lecteur au plus près de ses sensations et ne peut que résonner en chacun de nous", avait commenté l'écrivain Serge Joncour, co-président du jury.
S'adapter, quelle histoire ?
C'est l'histoire d'un enfant aux yeux noirs qui flottent, et s'échappent dans le vague, un enfant toujours allongé, aux joues douces et rebondies, aux jambes translucides et veinées de bleu, au filet de voix haut, aux pieds recourbés et au palais creux, un bébé éternel, un enfant inadapté qui trace une frontière invisible entre sa famille et les autres. C'est l'histoire de sa place dans la maison cévenole où il naît, au milieu de la nature puissante et des montagnes protectrices ; de sa place dans la fratrie et dans les enfances bouleversées. Celle de l'aîné qui fusionne avec l'enfant, qui, joue contre joue, attentionné et presque siamois, s'y attache, s'y abandonne et s'y perd. Celle de la cadette, en qui s'implante le dégoût et la colère, le rejet de l'enfant qui aspire la joie de ses parents et l'énergie de l'aîné. Celle du petit dernier qui vit dans l'ombre des fantômes familiaux tout en portant la renaissance d'un présent hors de la mémoire. Comme dans un conte, les pierres de la cour témoignent. Comme dans les contes, la force vient des enfants, de l'amour fou de l'aîné qui protège, de la cadette révoltée qui rejettera le chagrin pour sauver la famille à la dérive. Du dernier qui saura réconcilier les histoires. La naissance d'un enfant handicapé racontée par sa fratrie. Un livre magnifique et lumineux.