En façade, la maison louée par le Groupe d'entraide mutuelle (GEM) « Arlequin » dans le 8e arrondissement de Lyon a tout ce qu'il y a de plus commun. Dans la cour, l'impression se confirme : un petit jardin botanique, une grande table à l'ombre, quelques cafés servis… Il n'y a qu'à l'intérieur que l'on constate la patte du GEM avec les nombreux dessins accrochés aux murs, la salle multimédia ou encore le bureau du coordinateur. Mais on y trouve aussi une cuisine, un salon et une salle de bain.
En fait, à quelques détails près, un GEM, c'est une maison comme les autres. A l'Arlequin, elles sont 90 personnes souffrant d'handicap psychique et/ou isolées socialement à s'y rendre plus ou moins régulièrement. Créée en tant que club en janvier 2005, la structure est rapidement devenue un GEM après la loi actée huit mois plus tard sur le handicap psychique. Dix ans après leur instauration, ils sont environ 360 implantés un peu partout en France.
Partager un repas ou des vacances
Avec ces établissements, l'objectif est de réunir les personnes désireuses de (re)trouver du lien social au travers d'activités, de sorties ou même de moments simples comme un repas. Le tout, de manière la plus autonome possible. « On leur propose régulièrement des idées d'activités mais ce sont les adhérents qui choisissent ce qu'ils veulent faire. Il n'y a pas d'obligation », indique Tony Saelen, coordinateur à l'Arlequin.
De fait, des ateliers théâtre, chorale ou jardinage ont été mis en place à la demande des membres. Cette liberté autoproclamée leur a aussi permis de partir en vacances (25 séjours en huit ans) l'été dernier… seuls ! « Ce sont eux qui ont conduit le Trafic pour se rendre à Argeles, au bord de la Méditerranée. Évidemment, je me tenais à disposition en cas de besoin. Même si je suis salarié, je les considère comme des collègues. Au sein du GEM, on valorise l'entraide, la démarche active et la confiance. D'ailleurs, quatre des adhérents ont la clé de la maison. »
Une mini-démocratie
A l'Arlequin, preuve que les membres détiennent quasiment les pleins pouvoirs, ils élisent eux-mêmes leur président, trésorier et secrétaire. La réalisation de la charte, aussi, est de leur ressort. Cette « lutte contre l'infantilisation » s'accompagne, en retour, d'une réelle volonté d'investissement des adhérents. Par exemple, pour économiser de l'argent et donner la priorité aux sorties, ce sont encore eux qui effectuent le ménage de la maison. Si la démarche est bien différente de celle effectuée au sein d'un CMP (Centre médico-psychologique) ou d'un hôpital de jour, rejoindre un GEM peut venir en complément d'une assistance médicale. « Ce n'est pas un lieu de soin mais un lieu qui soigne », insiste Tony. Ainsi, Mourad, suivi par un psychiatre qu'il voit tous les six mois, se réjouit de sa situation. « On est libre de faire ce qui est bien pour nous afin de réaliser nos envies », sourit-il. Dans les limites du règlement intérieur, forcément.
Le parrain, source d'existence comme de dérives
Car cette liberté d'entreprendre n'empêche pas les sanctions. « Il nous est notamment arrivé de devoir exclure provisoirement un membre pour cause de violence. Le GEM se doit de rester un lieu bienveillant », indique Tony. Pour autant, il n'y aurait pas que les membres du GEM qui abuseraient d'une trop grande liberté si l'on en croit le coordinateur lyonnais... « Pour qu'un GEM soit créé, il faut qu'une organisation la parraine. Dans notre cas, c'est l'association "Lucioles". Chaque année, nous recevons de la part de l'Etat 75 000 euros (le montant est passé à 77 200 en 2015, ndlr) de subvention pour fonctionner. Entre autres, mon salaire et le loyer sont prélevés de cette allocation. Le parrain a le droit de demander 10% de frais de fonctionnement mais il y a de nombreux abus.
Se faire entendre auprès de l'État
Par exemple, nous connaissons une grosse association qui a placé des salariés au sein du Conseil d'administration au lieu de représenter des adhérents du GEM comme préconisé dans le cahier des charges. Refusant de s'y soumettre, elle a décidé de dissoudre le GEM. D'autres associations laissent les adhérents se débrouiller seuls en cas de difficultés ; d'où l'émergence de nouveaux problèmes conduisant parfois à la fermeture. » Si la structure peut saisir l'ARS (Agence régionale de santé) en cas de non-respect du cahier des charges par le parrain, beaucoup n'osent pas revendiquer leur droit. Pour autant, ces dérives demeurent marginales et le rôle des associations parrainantes, sans qui les GEM n'existeraient pas, est primordial.
C'est pour cette raison, entre autres, que Tony se félicite de récente création du CRIGEM – « un collectif et non une association, ce qui permet de garder notre identité » – dont le but sera d'accompagner et de faire la promotion de tous les GEM de la région Rhône-Alpes. « Aussi, elle nous permet d'être une voix entendue auprès du ministère. Maintenant, pour couvrir le territoire et répondre aux nombreuses associations de personnes en situation de souffrance psychique, l'Etat ne pourrait-il pas se pencher sur les bienfaits des GEM et passer à 700 structures subventionnées ? » En attendant, la nouvelle augmentation du budget des GEM pour 2015 va dans le sens d'une reconnaissance de la démarche de réunir ces personnes en-dehors du cadre hospitalier.