Gueules cassées : d'autres guerres, toujours d'actualité

La fin de la Grande guerre, il y a 100 ans. Les Gueules cassées n'ont pas disparu pour autant : militaires, pompiers, victimes d'attentat. Une fondation leur vient en aide et mène des recherches de pointe pour réparer visages et esprits abimés.

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Handicap.fr : On s'apprête à fêter, le 11 novembre 2018, le centenaire de l'Armistice. Cent ans après, les Gueules cassées existent toujours ; cela surprend les gens ?
Olivier Roussel, directeur général des Gueules cassées : Oui, effectivement, car, dans l'inconscient collectif, les Gueules cassées, c'est Verdun. A chaque fois, il nous faut expliquer que, des blessés de la face, il y en a eu au cours de tous les conflits : la seconde guerre mondiale, la Corée, l'Algérie. Et, aujourd'hui, en opérations extérieures, au Mali, en Afghanistan, en Centre-Afrique... Nos soldats sont blessés et notre association, contrairement à d'autres, continue d'enregistrer des adhésions. Il y a d'ailleurs plus d'adhésions que de décès !

H.fr : Pour quelle raison ?
OR : Parce qu'il y a, notamment, une blessure qui est désormais reconnue, c'est le syndrome post-traumatique de guerre, invisible mais une blessure tout de même, de la tête. De nombreux soldats qui reviennent des zones de combat sont touchés psychologiquement par ce qu'ils ont vu. Les blessés de 1914 devaient certainement l'être, eux aussi, mais, à l'époque, on les prenait pour des fous et on les enfermait dans des asiles. Aujourd'hui, la hiérarchie et les médecins militaires reconnaissent officiellement ce type de blessures.

H.fr : Il n'y a pas seulement des victimes sur les fronts…
OR : En effet, il y a aussi des gendarmes, des pompiers, des policiers et même le personnel pénitentiaire, qui sont blessés au visage pendant le service. Pour un pompier, prendre une boule de pétanque sur la tête, c'est une nouvelle forme de guerre.

H.fr : Vous venez également en aide aux victimes d'attentats ?
OR : Oui, si elles sont blessées à la face ou à la tête, mais nous avons eu peu d'apport car il y a d'autres associations ciblées, ainsi qu'une prise en charge, y compris financière, par l'Etat, qui est plus importante pour ces victimes que pour les blessés militaires qui mettent leur vie en jeu de leur propre chef.  Nous avons accueilli une seule personne victime du Bataclan.

H.fr : A l'occasion de ce centenaire, avez-vous le sentiment qu'on pense encore à ces milliers de Gueules cassées ?
OR : Oui, il y a un intérêt manifeste de la part du grand public et de toutes les municipalités qui organisent pour l'une une manifestation pour l'autre une expo...

H.fr : Dans le cadre des commémorations, avez-vous organisé des évènements ?
OR : Non, notre association n'est pas directement impliquée, même si elle est invitée un peu partout mais elle n'a pas mené d'action spécifique. Nous avons néanmoins soutenu la Mission du Centenaire ainsi que la rénovation du Musée de l'Armistice à Compiègne, où se trouve le wagon où il a été signé. Il sera inauguré le 10 novembre par le président de la République et la chancelière allemande. Moi, je serai sur notre domaine des Gueules cassées à La-Valette-du-Var, près de Toulon.

H.fr : De quoi s'agit-il ?
OR : C'est un établissement que les Gueules cassées détiennent depuis 1934, sur lequel nous avons construit un Ehpad de 113 lits, la Résidence Colonel Picot, pour accueillir les personnes âgées vieillissantes issues, en priorité, du monde combattant. Il est désormais opérationnel.

H.fr : Un siècle plus tard, vous êtes également à la pointe de la recherche…
OR : Notre association a en effet créé, en 2001, la fondation des Gueules cassées qui, dotée de 50 millions d'euros, nous permet de mener de nombreuses actions. Chaque année, nous lançons un appel à projets auprès des services de recherche concernés par tout ce qui est cranio, maxillo-facial et les séquelles neurodégénératives de ces traumatismes. Nous finançons une cinquantaine de bourses dans le domaine de l'ORL, de l'ophtalmologie, de la chirurgie maxillo-faciale, des cellules souches...

H.fr : Dans le monde entier ?
OR : Non, seulement en France. Nous disposons d'un budget d'environ deux millions d'euros par an. Les chercheurs sont reconnaissants car c'est la seule fondation qui s'intéresse à ce type de traumatisme, « peu médiatique » et qui attire moins les mécènes que le sida ou le cancer.

H.fr : Parmi les recherches soutenues, il y en a une qui est surprenante…
OR : En effet, c'est celle menée par la professeure Catherine Chaussain pour son projet « Les cellules souches de la pulpe dentaire pour réparer les os crânio-faciaux ». Les cellules de la pulpe issues des dents et celles des os de la face et du crâne possèdent une origine embryologique commune, de nature à justifier l'utilisation des premières pour la réparation des secondes. Catherine Chaussain cherche à améliorer l'efficacité des tissus osseux de substitution grâce à l'ajout de cellules souches pulpaires. Elle recevra  le prix de la fondation des Gueules cassées le 21 novembre 2018.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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