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Gueules cassées : une asso pour ne pas perdre la face !

Les Gueules cassées* de la Grande guerre sont toujours sur le front. Autres temps, autres victimes, faits de guerre ou terrorisme. Montrer qu'avec un visage déstructuré, atrocement défiguré, on peut s'en sortir. Sa devise: "Sourire quand même!".

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Illustration article Gueules cassées : une asso pour ne pas perdre la face !

*Union des blessés de la tête et de la face et Fondation des Gueules cassées.

Handicap.fr : Tout le monde connait les Gueules cassées de la Grande guerre mais bien peu s'imaginent que l'association existe toujours…
Olivier Roussel : C'est ce qu'on entend souvent : « Les Gueules cassées c'était en 14-18 donc vous n'existez plus ! ». Pourtant des blessés de la face et de la tête, il y en a depuis un siècle dans tous les conflits, y compris des gendarmes, policiers et pompiers blessés en service ou des victimes d'attentats. Alors peut-être un problème de communication interne ? (Rires). Mais mon prédécesseur disait : « Nous faisons du bien, nous n'avons rien à vendre alors pas besoin de faire de la com ». Et puis nous sommes une toute petite équipe.

H.fr : Petite équipe mais gros moyens puisque vous détenez 9% du capital de la Française des Jeux.
OR : Oui. C'est à l'origine l'Union des blessés de la face qui a créé la Loterie nationale au travers des fameux dixièmes des « Gueules cassées » pour venir en aide aux mutilés de guerre, puis le Loto qui fête cette année ses 40 ans. Elle est ensuite devenue la FDJ. Les dividendes nous apportent donc un budget de fonctionnement de 8 à 10 millions d'euros par an avant impôt.

H.fr : C'est une coquette somme !
OR : En effet, et c'est pour cette raison qu'au-delà des importantes aides sociales que nous attribuons à nos membres en difficultés, nous faisons du mécénat à l'externe, en soutenant de nombreuses actions sociales, de mémoire des sacrifices consentis pour le pays et de recherche médicale. Depuis 2015, nous transformons un domaine que nous possédions dans le Var en EHPAD pour assurer l'accueil de nos membres vieillissants.

H.fr : Vous agissez dans un domaine très restreint, uniquement les blessures de la face et de la tête ?
OR : Oui, après la première guerre, contrairement à d'autres pays qui ont créé des associations généralistes de vétérans, la France a vu émerger une multitude d'associations, presque pour chaque partie du corps : les aveugles, les amputés, les trépanés… A l'origine, notre union ne s'occupait que des blessés du visage puis nous avons fusionné avec la Fédération des trépanés et blessés de la tête dans les années 80.

H.fr : Mais, dans la tête, il y a aussi le cerveau. Qu'en-est-il des chocs post-traumatiques ?
OR : En effet, celles qu'on appelle les blessures invisibles n'ont été reconnues qu'assez récemment par la psychiatrie militaire française. Nous nous sommes longtemps occupés du contenant et maintenant du contenu. A ce titre, nous soutenons également la recherche sur les maladies neurodégénératives.

H.fr : Quel est l'objectif de votre association ?
OR : Montrer qu'avec un visage déstructuré, parfois atrocement défiguré, on peut s'en sortir. C'est terrible de voir tous les passants se retourner sur vous ou parfois même d'être rejeté par sa propre famille. Alors nous proposons à nos membres un soutien psychologique important mais nous les aidons aussi financièrement, lorsqu'ils ont besoin d'un appareillage ou juridiquement pour la défense de leurs droits à pension militaire d'invalidité.

H.fr : Combien  y-a-t-il de Gueules cassées en France ?
OR : 2 800 membres mais nous aidons également leur conjoint lorsqu'ils disparaissent ; ce sont donc au total près de 5 500 ayants droit.

H.fr : Plutôt des hommes ?
OR : Oui, à 95%. Même si nous accueillons de plus en plus de femmes qui s'engagent sur le terrain et dans les zones de conflit.

H.fr : Aujourd'hui, votre union vient également en aide aux victimes des attentats. Des civils donc ?
OR : Oui. L'association fonctionne au profit des soldats, policiers ou pompiers, mais nous avons également une fondation qui s'investit dans la recherche médicale dont les avancées profitent à tous. Nous avions déjà aidé une jeune femme blessée dans un attentat à Marrakech. Et nous venons d'accueillir un des blessés du Bataclan, gravement défiguré, qui a reçu une balle dans le visage. Toutes ces victimes d'actes de terrorisme sont d'ailleurs prises en charge par l'ONAC (Office national des anciens combattants) au titre de victimes de guerre et bénéficient d'aides spécifiques du Fonds de garantie.

H.fr : On prétend que les guerres permettent des avancées scientifiques majeures…
OR : Oui, c'est indéniable. Nous organisons d'ailleurs les 7 et 8 octobre 2016, à Verdun, cent ans après cette grande bataille de 300 jours durant laquelle des milliers de soldats furent blessés à la face, un colloque sur le thème, un peu provocateur : « Verdun, terre de santé ». Nous y démontrerons que la prise en charge des blessés de guerre est à l'origine du Samu et de la chaîne d'évacuation d'urgence. Notre association cumule, à elle seule, 70 ans de recherche maxillo-faciale.

H.fr : Une longue histoire qui a inspiré certains de manière un peu déplacée. Assimiler les Gueules cassées à des légumes, ils ont osé !
OR : Oui, un groupement de producteurs a décidé d'utiliser ce terme pour faire la promotion de fruits et légumes déformés. On n'avait évidemment pas pensé à déposer le nom dans l'agro-alimentaire ! Alors, juridiquement, on est coincé. Jamais nous n'aurions imaginé que, dans un but commercial, quelqu'un oserait toucher à ce terme sacré, même si nous comprenons l'intérêt de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

H.fr : Et vous ne réagissez pas ?
OR : Non car nous nous faisons un devoir de respecter notre devise initiale : « Sourire quand même ! ».

© Armand Rouleau

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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