Le handicap au cinéma : nouveau jackpot du box-office ?

Fini le misérabilisme : les personnes handicapées seraient-elles les nouvelles figures des comédies à la mode ? Après le succès d'Intouchables, c'est La famille Bélier, sur le thème de la surdité, qui promet de faire un joli carton.

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Après le raz-de-marée d'« Intouchables », dont la vedette est un tétraplégique, « La famille Bélier » met en scène une famille de sourds : jadis cantonnés aux rôles de faire-valoir ou suscitant la pitié, les personnes handicapées sont désormais les héros de comédies à succès, à la grande satisfaction des associations.

Intouchables : un vrai tournant !

Depuis une dizaine d'années, plusieurs comédies (populaires, trash ou d'humour noir) s'appuient sur des personnages handicapés pour faire rire, non pas sur eux mais avec eux. Dès 2003 aux États-Unis, les frères Farrelly, réalisateurs iconoclastes et provocs, construisent le scénario de « Deux en un » autour de frères siamois, partis à la conquête de Hollywood. Prétexte à un jeu de massacre pour se ficher de la tête de la télé, des sitcoms, de la célébrité et de l'usine à paillettes. En France, « Intouchables », sorti à l'automne 2011, immense succès public, « a été un vrai tournant », estime Eric Blanchet, directeur général de l'Association pour l'insertion des personnes handicapées (ADAPT). « La présence de personnages handicapés dans des comédies, des films d'action, voire des films d'horreur, permet de sortir d'une vision misérabiliste », ajoute-t-il.

Au début : des méchants !

Dans « The cinema of isolation », un livre non disponible en français, le professeur Martin Norden, spécialiste de la question, liste les stéréotypes sur les personnes handicapées véhiculés depuis ses débuts par le cinéma : le vengeur obsédé (« Quasimodo » 1939), la victime innocente (« Johnny Belinda » 1948), le personnage mi-sage mi-saint (« Le cœur est un chasseur solitaire » 1968)... Il a aussi été souvent représenté sous la forme du méchant, note Diane Maroger, présidente de l'association Retour d'image, consacrée au cinéma et au handicap, qui cite par exemple le paralytique nazi dans « Docteur Folamour » de Stanley Kubrick (1964). Pendant longtemps, le « handicapé » qui suscitait le rire le faisait à ses dépens, avec par exemple le comique dit « slapstick » aux États-Unis, ajoute Diane Maroger. Exemple typique : un sourd se prend un objet volant dans la figure car il n'a pas entendu les mises en garde de ses compagnons.

La dérision plein écran

Les nouvelles comédies, elles, manient la provocation, la transgression, l'humour noir, et abordent de front, et en riant, les sujets tabous tels que la sexualité des personnes handicapées. Et ces dernières ne sont ni des « méchants » à moitié dingues, ni des saints acceptant leur sort le sourire aux lèvres. Dans « Nationale 7 » (2000) de Jean-Pierre Sinapi, Olivier Gourmet est un quinquagénaire acariâtre et ronchon qui veut absolument faire l'amour avant que les progrès de sa maladie, la myopathie, rendent cela impossible. « Hasta la vista » de Geoffrey Enthoven (2012) envoie trois jeunes Flamands, tous handicapés, en vadrouille en Espagne pour perdre leur virginité avec des prostituées. Autre road movie, « Aaltra » (2004), de Benoît Délépine et Gustave Kevern, suit le périple de deux voisins en fauteuils roulants allant demander des comptes au fabricant d'une benne agricole dont la chute a provoqué leurs blessures. Avec « L'art de la pensée négative » (2006), un film norvégien de Bard Breien, le héros, en fauteuil, sème la pagaille dans une réunion de handicapés chaperonnés par une coach en pensée positive. Ironie mordante et absence de misérabilisme sont les marqueurs de ces comédies déjantées.

Des comédies plus consensuelles

« Intouchables » et « La famille Bélier » sont plus consensuelles et visent un public familial mais elles se distinguent, elles aussi, par l'absence de pitié ou de mièvrerie : « pas de bras, pas de chocolat » lance ainsi Driss, auxiliaire de vie, à son riche patient tétraplégique, dans « Intouchables ». « Les comédies touchent un large public, c'est un bon vecteur pour changer le regard (sur le handicap). Le problème du handicap, c'est que c'est un monde fermé » et tout ce qui ouvre ce monde est le bienvenu, souligne Eric Blanchet. Avec une comédie, « on n'est plus dans la compassion, la pitié et le mélodrame. Ca fait du bien de voir combien le vent a tourné », ajoute Diane Maroger.

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