Handicap.fr : Pourquoi avez-vous décidé de vous impliquer auprès des personnes déficientes visuelles ?
Noémie Lenoir : Le procédé est assez rare mais c'est moi qui ai contacté la FFAC (Fédération française des associations de chiens guides d'aveugles). Cet engagement me tenait à cœur. J'avais entendu parler de leurs actions il y a cinq ans déjà et j'avais rencontré un de leurs membres, Alexandre, il y a deux ans. Je voulais m'impliquer en tant que bénévole. Et puis, un jour, Alexandre m'a demandé : « Noémie, ça te dirait de devenir notre marraine ? ». J'ai répondu : « Ouuuuuiiiii ! ». J'ai pris deux années sabbatiques car j'avais besoin de me reposer et, maintenant, je suis là, à leurs côtés ! Il faut savoir que, en France, 65 000 personnes sont aveugles, 200 000 malvoyants profonds et près de deux millions sont atteintes de malvoyance. L'enjeu était suffisamment important pour que j'offre mon temps et ma notoriété à la FFAC.
H.fr : Connaissez-vous quelqu'un qui bénéficie de l'aide d'un chien guide ?
NL : Oui, Fabienne. Elle est déficiente visuelle et s'est vue remettre un golden retriever il y a deux ans. Je l'ai connue par le biais de l'association et je peux dire qu'elle est devenue aujourd'hui une très bonne amie.
H.fr : Vous étiez présente le 29 septembre 2013, à Paris, pour la journée portes-ouvertes organisée par la FFAC, qui clôturait la 2ème semaine des chiens guides d'aveugles. Qu'avez-vous ressenti ?
NL : Ca a été l'un des plus beaux jours de ma vie, après la naissance de mon fils, bien sûr. J'ai pleuré toute la journée. L'émotion était grande en voyant ces chiens tout donner à leur maître. Il y a, dans cette association, une humanité assez rare. Plus de quatre mille visiteurs étaient présents. Ce fut un immense succès...
H.fr : Quelles étaient les animations proposées ?
NL : Des ateliers d'initiation au braille, des parcours avec des lunettes simulant différentes déficiences visuelles, des démonstrations du savoir-faire des chiens guides. Mais ce qui m'a le plus impressionnée, c'est la dégustation dans le noir. J'ai perdu tous mes repères. On m'a fait goûter de la vanille et j'étais incapable de reconnaître cette saveur. C'est vraiment troublant !
H.fr : Le thème choisi cette année par la FFAC est « Mon chien guide, c'est ma liberté ». Qu'est-ce que ce slogan vous inspire ?
NL : C'est exactement çà ! Ces personnes dites « handicapées » acquièrent une autonomie incroyable. L'arrivée de leur chien est vécue comme une seconde naissance, parfois même comme une naissance tout court ! L'animal offre tout l'amour dont il est capable et leur permet de s'ouvrir au monde. Demandez aux deux cents maîtres qui reçoivent, gratuitement je tiens à le préciser, un chien chaque année à quoi ressemble désormais leur vie ! Ils revivent et se sentent en sécurité. Pour info, en Angleterre, ce sont quatre fois plus de chiens qui sont remis tous les ans.
H.fr : Que dire aux volontaires pour les convaincre de devenir famille d'accueil d'un élève chien guide le temps de l'apprentissage ?
NL : Déjà qu'il n'est pas nécessaire d'être présent en permanence. Le chien doit aussi apprendre à rester seul dans la journée. Ensuite, l'apprentissage, supervisé par des éducateurs, est une formidable expérience : apprendre les basiques comme la propreté, à traverser la rue à un passage piéton, à prendre le métro, à n'aboyer qu'en cas de danger, à être sociabilisé... Le chien est ensuite remis à son maître, vers un an ou dix-huit mois. Il faut savoir qu'un chien lambda comprend environ trente mots, sauf le mien car il n'est pas fufute !, alors que les chiens guides en assimilent entre cent et cent vingt !
H.fr : L'idée de devenir famille d'accueil vous a-t-elle déjà tentée ?
NL : Oui mais, avec mon métier, c'est compliqué. En réalité, ce dont je rêve c'est de créer une maison de retraite qui pourrait accueillir les résidents avec leur animal. Mes grands-parents, par exemple, ont 80 ans et pour rien au monde ne se sépareraient de leur compagnon.
H.fr : Lorsque les chiens ne sont plus en âge de travailler, que se passe-t-il ?
NL : Entre neuf et douze ans, selon leur état de santé, ils sont placés à la retraite dans une famille pour leur permettre de finir leur vie paisiblement. Mais, attention, pas n'importe quelle famille : des gens triés sur le volet qui leur apportent beaucoup d'amour.
H.fr : Avez-vous, vous-mêmes, des animaux ?
NL : Je viens d'adopter un chien à la SPA de Gennevilliers. Je pensais que c'était un shih-tzu mais mon vétérinaire m'a assuré que c'était un bon bâtard. Je n'ai toujours eu que des chiens trouvés, que j'ai confiés, pour certains, à la garde de ma maman.
H.fr : Etes-vous, en tant que personnage public, souvent sollicitée pour parrainer des associations de personnes handicapées ?
NL : Oui, c'est très fréquent mais, même si tout ce qui contribue à la sensibilisation aux handicaps de la vie me touche, je dois faire des choix. Je suis marraine, depuis huit ans, de Médias Handicaps, une association qui s'est fixée comme objectif de promouvoir l'image des personnes handicapées dans les médias et de leur faciliter l'accès aux métiers de la communication et de la culture.
H.fr : On vous a vue également aux côtés de l'association créée par l'acteur Omar Sy, le protagoniste d'Intouchables...
NL : Oui, elle s'appelle Ce Ke Du Bonheur. Elle s'implique, depuis 2004, pour améliorer la qualité de vie des enfants et adolescents hospitalisés. Il y a deux mois, j'ai participé à un défilé de mode pour lui apporter mon soutien.
H.fr : Dans quel domaine souhaiteriez-vous vous engager plus particulièrement ?
NL : Je vais vous confier mon plus grand désir : créer une association pour les femmes qui ont fait des tentatives de suicide ou ont sombré dans l'alcool. J'ai vécu cela. Il y a deux ans, j'ai tenté d'en finir... Et je veux aujourd'hui apporter mon aide à celles qui vivent cet enfer.
H.fr : Qu'est-ce que le « handicap » évoque pour vous ?
NL : Je n'aime pas ce mot. Je côtoie des personnes handicapées, sourdes ou paraplégiques, et ne pense pas que ce terme, trop fort, trop réducteur, suffise à les définir !