Un fauteuil roulant guidé par la voix, bientôt en Europe ?
Un fauteuil électrique qui se dirige grâce aux mouvements de la tête ou à la voix ou s'arrête lorsqu'il détecte un obstacle ? C'est pour bientôt. Développé depuis décembre 2010 dans le cadre du projet européen Sysiass (Système intelligent et autonome d'aide aux soins de santé), ce projet est orchestré par un groupe de chercheurs franco-britanniques, dont des ingénieurs de l'ISEN (l'Institut supérieur de l'électronique et du numérique) de Lille. Même si le budget est évalué à 2.4 millions d'euros, tous les collaborateurs, issus d'une dizaine de nationalités, ont travaillé bénévolement. A chaque étape du processus, ils ont consulté les utilisateurs potentiels, et notamment des personnes atteintes de sclérose en plaques, pour rester au plus près de leurs besoins. Deux prototypes ont été présentés le 7 novembre 2013 à Lille lors d'un premier essai public : un module d'aide à la conduite et une interface homme/machine utilisant les mouvements de la tête.
1er essai : s'arrêter devant un obstacle
Le premier est un module d'aide à la conduite, muni d'un système anticollision (grâce à des cartes électroniques, capteurs ultrasons et infrarouge), qui stoppe le fauteuil lorsqu'il détecte un obstacle (il n'existe pas encore d'option qui permettrait uniquement de le contourner). Testé à l'hôpital de Garches, il doit subir des améliorations avant une deuxième phase de tests cliniques dans celui de Canterbury. Il pourra, à terme, fonctionner selon trois modes : manuel (l'utilisateur conduit le fauteuil et le module garantit sa sécurité), semi-automatique (le module l'aide si nécessaire) et automatique. Pour cette dernière option, couplée à un GPS, il suffirait d'énoncer sa destination pour que le fauteuil mène son utilisateur à bon port.
2ème essai : se diriger avec la tête ou la voix
Le second propose une interface homme-machine. Il est équipé d'un ordinateur, surmonté d'une caméra qui filme le visage du conducteur et enregistre ses mouvements. Tête à droite et le fauteuil tourne à droite. Idem à gauche. Pour avancer, il suffit de lever légèrement le visage. Tout comme dans le premier modèle, un laser placé à l'avant détecte les obstacles. Une autre option permet également de se diriger à la voix : il suffit de dire « left » (gauche) pour tourner dans la bonne direction. Même si la trajectoire semble encore un peu aproximative, les promesses de cette interface ne semblent avoir aucune limite. La prochaine étape permettra de donner des ordres nettement plus subtils, par mouvements oculaires ou de la mâchoire ou froncement des sourcils. Ce fauteuil roulant intelligent pourrait également être communiquant, en permettant, par exemple, d'échanger les données médicales du patient pour les rendre accessibles aux professionnels de santé.
Un module adaptable sur n'importe quel fauteuil
Il existe déjà des systèmes de commandes sophistiqués pour ceux qui sont privés de l'usage de leurs mains, et notamment par le souffle ou par des mouvements du menton, mais qui ne conviennent pas à tous les usagers. Hilary, une jeune anglaise atteinte d'une maladie musculaire dégénérative, qui manipule pour le moment son fauteuil par son souffle (grâce à une pipette placée dans sa bouche), se dit intéressée par le concept Sysiass : « Parce que je circule en position très allongée, j'ai souvent du mal apprécier les distances avant un obstacle et donc à m'arrêter à temps ; c'est pourquoi le premier module me semble très sécurisant. Pour le second, je trouve que l'idée est bonne mais la commande par les mouvements de tête n'est pas encore assez précise. » L'avantage de ces équipements, c'est qu'ils s'adaptent sur n'importe quel fauteuil électrique (un immense défi technique puisqu'on il existe 150 modèles !) et peuvent évoluer selon l'état de fatigue et les besoins de l'utilisateur. Un avantage financier non négligeable !
Prochaine étape : convaincre les industriels !
En 2014, débuteront les derniers tests cliniques du module d'aide à la conduite en mode semi-autonome à l'Hôpital de Canterbury (Angleterre), en France au sein du GHICL (Groupe hospitalier de l'institut catholique de Lille) et dans le réseau de collaborateurs du projet. Fin des tests le 17 juin 2014 à l'occasion d'une conférence de bilan à Lille. Mais quand verra-t-on ce fauteuil dans nos rues ? Selon Annemarie Kokosy, manager du projet Sysiass, « sa commercialisation dépend de la volonté des industriels qui attendent les premiers essais cliniques pour se manifester ». De son aveu, cela peut prendre encore quelques années...