Bientôt un monument sur le Parvis des droits de l'homme à Paris en hommage aux personnes handicapées mentales exterminées pendant la 2e guerre mondiale ? Un génocide passé sous silence que certains surnomment « L'hécatombe des fous ». Sur l'esplanade du Trocadéro, face à la Tour Eiffel, à la vue de tous, sous les fenêtres du nouveau musée de l'Homme récemment rénové (article en lien ci-dessous)…
94 000 signatures
A l'instar du mur de verre qui fut inauguré en septembre 2014 à Berlin pour rendre hommage aux près de 300 000 personnes handicapées exécutées par le régime nazi (article ci-dessous) ? En France, l'idée a émergé en 2013, à la faveur d'une mobilisation menée par Charles Gardou, anthropologue, et Maryvonne Lyazid, présidente de l'association « Mouvement pour une société inclusive ». Ils décidaient de lancer un Comité de soutien pour la création d'un mémorial en hommage aux personnes handicapées décédées dans les hôpitaux psychiatriques français entre 1941 et 1945 ; 45 000 patients seraient ainsi morts de faim ou faute de soins en France pendant cette période. Leur pétition avait rassemblé 94 000 signatures.
Une analyse passionnante
François Hollande, favorable à cette idée, avait donc confié à Jean-Pierre Azéma, président du Comité scientifique de la mission du 70e anniversaire de la Seconde guerre mondiale, la mission afin de dresser un état des lieux de ce drame. Il a pour objectif de définir les actions qui pourraient être mises en œuvre pour honorer cette mémoire. C'est chose faite le mardi 13 octobre 2015, date à laquelle l'historien a remis son rapport (en lien ci-dessous). Un travail passionnant, en une trentaine de pages. Il y évoque les tentations eugéniques, la complicité du régime de Vichy, la surmortalité dans l'ensemble des collectivités hospitalières…
Camille Claudel, l'une de ces victimes
Et de citer, entre autres, le cas de l'artiste Camille Claudel, trop extravagante, trop différente, trop libre qui fut laissée à l'abandon dans un hôpital psychiatrique par sa famille pendant trente ans et y mourut en 1943. Son frère, Paul, avait noté, après sa visite du 21 septembre 1943 : « Le directeur de l'établissement me dit que ses fous meurent littéralement de faim : huit cents sur deux mille ». En France, les pertes civiles furent plus élevées que les pertes militaires et, dans ce contexte, la surmortalité des personnes handicapées mentales ou malades psychiques, ainsi que celle des personnes les plus vulnérables, est manifeste.
Une commémoration officielle ?
Ce rapport suggère que ce geste symbolique à portée générale soit complété par l'apposition d'une plaque à l'entrée des hôpitaux psychiatriques en service durant la guerre rappelant les drames qui s'y sont alors déroulés. Ses propositions doivent maintenant être partagées et discutées avec les partenaires de l'association « Mouvement pour une société inclusive », afin de proposer au Président de la République les gestes qui permettront d'inscrire dans la mémoire nationale le souvenir de ces victimes trop longtemps oubliées. Et Jean-Pierre Azéma de suggérer qu'une commémoration officielle de cette « hécatombe » se fasse lors de la journée nationale des personnes handicapées. Une « piqure » nécessaire pour rappeler au monde que les personnes handicapées continuent d'être victimes des guerres contemporaines…
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