En avouant à une amie pédopsychiatre qu'elle peinait à lire Babar à ses enfants, Bénédicte Nadaud ne s'attendait pas à ce que la réponse tombe comme un couperet : dyslexie. Le mot fait l'effet d'un « choc »... et d'une révélation. Consultante et experte en pédagogie, elle met enfin un nom sur des années de galères scolaires. Ce diagnostic, loin de l'enfermer, devient un tremplin : il éclaire ses difficultés, ouvre la voie à des outils de compensation et, surtout, met en lumière une singularité précieuse. Car Bénédicte s'illustre aujourd'hui par sa « vision décalée des choses » et un regard résolument original sur le monde.
Elle se confie sur son parcours, ses difficultés mais surtout ses réussites dans la série "Dys et talentueux", réalisée par Cerene, réseau d'écoles spécialisées dans l'accompagnement des élèves présentant des troubles des apprentissages, et diffusée sur YouTube. Six vidéos de cinq à huit minutes pour appréhender le handicap comme une force. « Faites-vous plaisir et ne passez pas trop de temps à essayer de rentrer dans le moule », conseille Bénédicte.
Révéler la richesse des personnes « dys »
« Trop souvent stigmatisés ou mal accompagnés, les jeunes porteurs de troubles dys ou de TDAH (Trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité) ont pourtant un potentiel immense », affirme Hervé Glasel, fondateur de Cerene (Centre de référence pour l'évaluation neuropsychologique de l'enfant). Cette série souhaite « faire bouger les lignes en révélant la richesse de ces profils ». « Bien compris et bien soutenus, ils deviennent de véritables atouts pour l'entreprise, poursuit-il. Ces témoignages sont une ressource précieuse pour les familles, les enseignants et les recruteurs. Mieux comprendre la neurodiversité à l'école, c'est mieux l'inclure demain dans le monde du travail. »
Développer ses compétences orales
Rien ne prédestinait Philippe Trotin (vidéo ci-dessus) à devenir directeur inclusion et accessibilité chez Microsoft France, et pourtant... Fils d'une mère non-voyante, il découvre sa dysorthographie à 12 ans. Durant quatre ans, il se rend assidument tous les mercredis chez l'orthophoniste. Mais, malgré ses efforts, ses copies restent « bourrées » d'innombrables fautes. Comme l'écrit n'est « pas son truc », il décide de miser sur l'oral. Si parler en public devant 500-600 personnes pourrait en effrayer plus d'un, Philippe, lui, est étrangement à l'aise. Avec le temps, il a mis en place différentes « astuces » pour déjouer son handicap, notamment grâce au numérique. « La dictée vocale et l'IA générative me sauvent et me permettent de faire beaucoup moins de fautes de syntaxe et d'orthographe », se réjouit-il. Un message pour le Philippe de 12 ans ? « Prends confiance en toi, ose. Des personnes bienveillantes et des missions handicap vont t'accompagner donc fonce, ne fais pas les choses par rapport à ton handicap mais à ce que tu as envie de faire ! »
Anticipation, créativité et spontanéité !
Pour Pierre-Louis Tilly, 30 ans, architecte d'intérieur, c'est à quatre ans que le verdict tombe : dysphasique et TDAH. Un médecin présomptueux assure qu'il ne parlera jamais et qu'il sera « classé dans un groupe d'autistes le restant de sa vie ». C'est mal connaître Pierre-Louis. Tout au long de son parcours scolaire, il peut compter sur l'aide de ses parents mais aussi d'un orthophoniste et d'un psychomotricien. Lorsqu'il entre en BTS, tout son quotidien est chamboulé. « C'était très compliqué parce que j'étais vraiment voué à moi-même, confie-t-il. Donc je me suis planté la première année. » Une remise en question s'impose. Difficile mais nécessaire. « J'ai demandé de l'aide à mes camarades, suivi des cours à domicile. Finalement, le fait d'être seul m'a permis de me développer plus vite et peut-être même plus fort », analyse-t-il. Il a également appris à miser sur ses qualités : anticipation, créativité, spontanéité...
Le sport, outil de développement personnel et social
Sa béquille depuis son plus jeune âge ? Le sport. Natation, athlétisme, course à pied, escalade ou encore tennis ont été des atouts phares pour canaliser son énergie et favoriser son « développement personnel et social ». « Ça m'a aidé à m'intégrer à des groupes et à me faire des amis, ce que je n'arrivais pas à faire à l'école où j'étais considéré comme un enfant différent », se souvient-il. À tous ces « enfants différents », il dit : « Ne vous renfermez pas sur vous-mêmes, croyez en vos forces et testez de nouvelles expériences ! Votre route sera jalonnée de doutes, de victoires, de défaites, ça fait partie de tout parcours. Mais avancez, toujours. Rien n'est jamais trop tard, assure-t-il. Et appuyez-vous sur les structures adaptées, comme Cerene. J'aurais aimé y avoir accès plus jeune. »
Une révélation « magique » mais sur le tard
Cendrine Dominguez, productrice et directrice artistique, s'est beaucoup servie de sa dyslexie pour pratiquer ce métier et « raconter des histoires différemment ». Pourtant, on la prédisait « caissière » et lui martelait qu'elle ne « vaudrait jamais rien ». C'est en produisant la série Le lexique des dyslexiques qu'elle comprend qu'elle est « multidys » (dyslexique, dyscalculique, dyspraxique). Une révélation « magique », selon celle qui s'était « toujours demandé pourquoi l'école avait été une catastrophe absolue », mais sur le tard... « Quel gâchis, peut-être que si je l'avais su avant j'aurais pu mieux l'assumer. »
Un monde parallèle pour exprimer ses idées
La bête noire de son enfance ? La dictée. Pour changer la donne, elle avale des dizaines de livres, photographie les mots dans sa tête. « La lecture et la littérature sont devenues mes meilleurs amis ! » Son plus grand atout ? Sa créativité. « J'avais toujours 1 000 idées et je ne savais pas quoi en faire. Alors j'ai créé un monde parallèle où elles pouvaient s'exprimer », explique-t-elle. Enfant, elle était très triste et avait le sentiment de ne jamais être à la hauteur. Alors à la Cendrine âgée de 10 ans, elle aimerait dire : « Continue de croire en toi, tu sauras dépasser ton handicap ». Et de conclure : « Ne laissez jamais personne vous dire que c'est impossible et n'aspirez pas à vouloir être comme les autres. »
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