Les visites comme les sorties individuelles et collectives sont désormais possibles au sein des établissements médico-sociaux en internat, annonce le secrétariat d'Etat au Handicap qui, quatre jours après le début du déconfinement, dévoile de nouvelles dispositions spécifiques aux personnes en situation de handicap (article complet en lien ci-dessous). Quant aux sorties collectives, elles ne pourront s'envisager, comme pour l'intervention « hors les murs » des équipes des internats / accueils de jour, qu'à la condition de tout petits groupes et en évitant les lieux fortement fréquentés. Objectif ? « Rétablir les liens avec les proches et l'extérieur ». « Une excellente nouvelle, selon Monique Rongières, présidente du Groupe polyhandicap France, pour ces familles qui depuis deux mois ont été séparées et ont dû, pour certaines, se voir à travers un plexiglass », une situation qu'elle juge « angoissante ». Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, mentionne à son tour les SOS de ces familles qui n'ont « aucune nouvelle de leur proche depuis des semaines » et qui « étaient en attente de directives à ce sujet ».
Des conditions strictement encadrées ?
Ces visites devront néanmoins se faire « selon des conditions strictement encadrées et en fonction du cadre posé par le directeur d'établissement après échange avec le conseil de la vie sociale et tenant compte de la situation sanitaire du département », ajoute le communiqué du secrétariat d'Etat. Strictement encadrées ? Si cette annonce a le mérite de donner un cap, pour autant, les problématiques qui émergent ne sont pas résolues. Faudra-t-il prévoir une pièce de visite dédiée comme cela s'est fait dans certains Ehpad pour personnes âgées ? Les établissements, comme les écoles ou les magasins, devront-ils organiser des circuits de visite ? « Pour l'instant, c'est encore flou, consent Monique Rongières. Certains directeurs sont très ennuyés car ils ne savent pas vraiment quelle décision prendre. A chacun de s'organiser. »
Question de responsabilité
Pour autant, précise le gouvernement dans sa Foire aux questions (FAQ) déconfinement dévoilée le 15 mai, « le maintien prolongé de mesures générales de restriction définies dans le protocole, incluant un droit de visite encadré des familles, peut néanmoins être envisagé dans les établissements accueillant des personnes particulièrement vulnérables à des formes graves du Covid-19 du fait de leurs comorbidités ou dans les territoires marqués par une circulation particulièrement active de l'épidémie ». Qu'en conclure ? « Les directeurs ne pourront pas interdire aux familles d'aller voir leurs proches. Pendant deux mois de confinement, ils se sont abrités derrière la loi mais ces mesures étaient dérogatoires et on ne va pas pouvoir violer les libertés fondamentales indéfiniment », s'impatiente Danièle Langloys. La question centrale, éminemment épineuse, est celle de la responsabilité pénale en cas de contamination, celle-là même que se sont posé les maires lors de la réouverture des écoles, exigeant du gouvernement d'être dédouanés… Danièle Langloys dit « se mettre à leur place » et comprendre que « chacun ouvre son parapluie pour se protéger » mais espère que ces nouvelles directives gouvernementales vont permettre de les rassurer…
Après un retour en famille
Les retours en famille le week-end sont progressivement autorisés mais seulement après échange avec la famille afin de s'assurer de l'absence de symptômes ou cas contact. A leur retour, les personnes accueillies et leurs accompagnants feront l'objet d'une prise de température frontale et d'un questionnement adapté pour analyser tout risque éventuel de contamination. Le secrétariat ajoute que les « personnes accompagnées doivent être sensibilisées à la nécessité de se conformer, comme la population générale, aux gestes barrières dont les règles de distanciation physique ». Les allées et venues au sein de l'établissement seront par ailleurs « limitées » pour éviter la propagation du virus.
Les familles sont en outre sensibilisées aux mesures de protection sanitaire à mettre en place à leur domicile ou à l'occasion de sorties. De l'aveu de Danièle Langloys, « les protocoles sanitaires sont très durs à appliquer avec des adultes sévèrement handicapés », pour qui le port du masque est, selon elle, « d'une violence inouïe ». A ce titre, le gouvernement annonce des dérogations possibles dans les transports en commun (article en lien ci-dessous). La présidente d'Autisme France déplore par ailleurs des « propositions choquantes » de la part de certains directeurs, comme l'exigence de tests pharyngés après chaque aller-retour, « ce qui peut être très invasif pour une personne autiste, par exemple, et donc traumatisant et qui ne servirait, de toute façon, à rien ».
Dépistage et quarantaine
Les personnes en situation de handicap qui auront été détectées positives au Covid-19 devront rester en quarantaine, soit chez elles, soit dans leur établissement s'il s'agit de leur lieu d'habitation, soit dans un hôtel si nécessaire. Leur entourage sera également dépisté. Les brigades Covid bénéficieront si besoin d'un appui médico-social pour adapter leur intervention. « Il va s'en dire que si le Covid a circulé dans l'établissement, les familles doivent être prévenues et prendre leur décision en connaissance de cause, poursuit Danièle Langloys. Et, à l'inverse, si une famille ayant repris un proche le week-end pense qu'il peut être potentiellement contaminé, elle devra prendre la responsabilité de le garder en quarantaine. » Elle appelle à une « responsabilité conjointe ». De très rares cas de contamination au Covid ont été recensés en MAS (maisons d'accueil spécialisées), où des unités dédiées ont parfois été ouvertes.
Personne handicapées sous cloche ?
« Certaines familles nous disent avoir peur de la contamination et préfèrent se donner encore un peu de temps », expliquent au diapason les deux présidentes. « Mais, la plupart des personnes handicapées, sauf pathologies spécifiques, ne sont pas particulièrement vulnérables au Covid-19 », ajoute Danièle Langloys. Elle déplore que ce message, qu'elle martèle pourtant depuis deux mois, « ne passe pas » dans un milieu terriblement « sanitarisé » où la personne handicapée n'est vue qu'à travers le prisme « médical ». « L'établissement, c'est leur domicile et elles ont le droit d'en sortir et, maintenant que les directives sont données, il va falloir prendre ce risque, comme pour tout un chacun… 98 % des formes sont sans gravité mais les medias et réseaux sociaux ne relaient que les cas critiques ou la menace de ne pas prendre en charge les personnes handicapées en réanimation. » Ces nouvelles anxiogènes ne feraient qu'alimenter les réticences des familles et établissements… « Je comprends que les familles ne soient pas tranquilles mais on ne va quand même pas mettre les personnes handicapées sous cloche pendant 24 mois en attendant un vaccin », s'alarme-t-elle.