« Aucune personne en situation de handicap ne se verra imposer de confinement prolongé », affirme le secrétariat d'Etat au Handicap dans un communiqué, levant le doute après le discours d'Emmanuel Macron du 13 avril (article en lien ci-dessous) qui avait laissé entendre que les personnes les plus vulnérables, âgées, en situation de handicap sévère, atteintes de maladies chroniques pourraient rester confinées même après le 11 mai, « tout au moins dans un premier temps ». Dans son allocution du 28 avril, Edouard Philippe n'avait pas mentionné les personnes handicapées, les laissant dans le flou (article en lien ci-dessous). Des réponses spécifiques étaient attendues…
Ce lundi 4 mai 2020, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (Cncph) est convoqué en visio conférence pour une « séance exceptionnelle » spécial déconfinement en présence de Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap. Au même moment, son cabinet publie l'ébauche de sa feuille de route pour cette perspective complexe. A J-7 de la délivrance, ce plan est toujours « en cours d'élaboration » mais quelques grandes lignes se dessinent…
Refus de toute discrimination
Le gouvernement l'affirme, son « principe d'action » refuse toute forme de « discrimination du handicap » et il n'y aura donc pas de « règles de confinement spécifiques ». Selon Sophie Cluzel, 250 personnes seraient décédées au sein des établissements médico-sociaux et elle estime que « les personnes handicapées doivent pouvoir reprendre une vie normale ». Ce sont des « sujets de droit et non de soin », affirme la ministre. « Pour autant, se pose une exigence d'accompagnement renforcé, tenant compte d'une fragilité intrinsèque pour certaines personnes face au Covid-19 et d'une vulnérabilité contextuelle liée au confinement », modère le communiqué du secrétariat d'Etat. Ce dernier entend « accompagner le choix des personnes et des familles, notamment au travers d'une communication accessible et adaptée, d'outils d'aide à la décision ainsi que de mesures de soutien renforcées ».
Accompagnement renforcé ?
L'accompagnement à domicile doit être « renforcé », en particulier en appui de sorties d'hospitalisation mais également pour accompagner les personnes qui auraient des difficultés à s'approprier les gestes barrières ; le port d'un masque grand public en présence de visiteurs à domicile et lors des sorties est recommandé. Cela se fera en fonction des contraintes du territoire et selon des protocoles précis. Quant aux proches aidants, ils pourront bénéficier de « l'amplification et la diversification des solutions de répit déjà proposées ». Pour garantir la continuité des soins des personnes restant confinées, le secrétariat d'Etat travaille en lien avec le ministère de la Santé pour favoriser la reprise des soins, et accompagner les besoins spécifiques liés aux difficultés apparues avec le confinement.
Le retour à l'école
Les élèves en situation de handicap pourront-ils retourner à l'école, tout en bénéficiant des mesures de protection appropriées ? Oui, répond le gouvernement, sur la base du volontariat des familles. Identifiés comme « public prioritaire » par l'Education nationale, ils feront leur rentrée selon le même calendrier et la même méthode que ceux fixés par le Premier ministre. Un collectif d'AESH redoute pourtant d'être envoyé au front sans les protections nécessaires alors que l'accompagnement d'un élève handicapé exige en effet une très grande proximité (article en lien ci-dessous).
Les externats seront également progressivement rouverts, quel que soit l'âge des enfants. Quelles priorités ? La « protection sanitaire des élèves et des professionnels » et « la poursuite de l'accompagnement à domicile ». Pour préparer les familles au déconfinement, les plateaux techniques des externats et accueils de jour pourront être mobilisés, même avant le 11 mai, à condition de respecter les mesures de protection sanitaire et d'accueillir un seul enfant ou adulte par plateau.
Et pour les travailleurs ?
Les travailleurs en situation de handicap dont le confinement avait conduit leur entreprise à arrêter son activité sur site, sans possibilité de télétravail, pourront reprendre le travail. Des fiches conseils métiers édités par le ministère du Travail rappelleront la nécessité d'évaluer et mettre en œuvre les adaptations et aménagements des conditions de travail nécessaires pour ce public. Mais le télétravail « reste la modalité de travail à privilégier lorsqu'elle est possible », assure le gouvernement. Des aides existent auprès de l'Agefiph (privé) ou du Fiphfp (public), pour adapter les équipements de travail à distance.
Les Etablissements et services d'aide par le travail (ESAT) pourront engager la reprise progressive et adaptée de leur activité même avant le 11 mai, pour permettre à la fois le renforcement de l'accompagnement des travailleurs et la relance de leur activité commerciale. Une « réflexion » est également « menée » pour la reprise des transports adaptés. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, annonce par ailleurs que les centres de formation continue pourront de nouveau accueillir leurs stagiaires à compter du 11 mai, à condition de « respecter le protocole national de déconfinement » ; un guide ad hoc doit être publié le 5 mai.
Poursuivre les mesures de simplification administrative
Durant la période de confinement, des mesures visant à protéger les personnes en situation de handicap ont été prises. Toutes celles ayant des droits ou des prestations arrivant à expiration entre le 12 mars et le 31 juillet, ou arrivés à expiration avant le 12 mars mais n'ayant pas été renouvelés, voient ces derniers automatiquement prolongés de 6 mois sans aucune démarche à accomplir auprès des Maisons départementales des personnes handicapées. Après le 11 mai, des assouplissements permettront également d'assurer la préparation de la rentrée scolaire 2020/2021, « en prévenant tout risque de rupture d'orientation ». Quant aux MDPH, vont-elles rouvrir leurs portes ? Le gouvernement promet un « accueil téléphonique renforcé et l'usage des outils de communication à distance pour les rendez-vous », en attendant un accueil physique qui se fera de manière « progressive » selon les territoires.
Un numéro de crise
Un numéro de téléphone pour répondre aux situations complexes d'accompagnement doit être mis en œuvre mi-mai. Ce dispositif s'inscrit dans la promesse faite par Emmanuel Macron le 11 février 2020 lors de la Conférence nationale du handicap d'un « accompagnement inconditionnel ». En 2021, des équipes d'accompagnement de proximité, mobilisées au plus près des usagers et joignables par un numéro unique sur tout le territoire, devaient voir le jour, « quand aucun des acteurs de l'accompagnement ne peut proposer seul une solution et pour éviter que ne s'installent des sur-handicaps ». Au regard du contexte de crise, ce « filet de sécurité », selon Sophie Cluzel, sera donc anticipé pour faire face aux problématiques qui vont émerger durant le déconfinement. Il s'adresse aux personnes en situation de handicap en attente de solution ou privées d'accompagnement ou de soins en raison de la crise, ainsi qu'aux proches aidants « épuisés » et enfin aux personnes handicapés ou aidants diagnostiqués positifs au Covid-19 et qui ne trouvent pas de solutions pour organiser leur prise en charge tout en protégeant leurs proches.
L'ensemble de ces axes d'action seront détaillés dans les prochains jours par le secrétariat d'Etat. Si le Collectif Handicaps dit « soutenir le plan annoncé », il fera remonter toutes les difficultés concrètes rencontrées par l'intermédiaire de ses 48 associations ou sur twitter via le hashtag #deconfinementhandicap.