Par Julia Pavesi
Des rampes inclinées, aucun trottoir surélevé et des fauteuils pour aller à l'eau : à l'instar d'une centaine d'autres communes labellisées, Fort-Mahon-Plage, près de la baie de Somme, s'efforce d'aménager le front de mer pour en permettre l'accès aux personnes handicapées. Installée dans un siège pensé spécialement pour flotter et rouler dans le sable ou les galets, Corinne s'aventure dans les vagues de la Manche, aidée par son beau-fils. Mais les 20 degrés auront raison de la baignade intégrale pour cette quinquagénaire qui a du mal à marcher. "C'est pas la Méditerranée !", plaisante Fabrice, 42 ans, l'eau jusqu'aux mollets, venu de région parisienne pour la journée et plutôt content du fauteuil - assez volumineux - qu'il découvre. "Que du positif ! C'est assez facile à prendre. Ce n'est pas évident en termes de parcours, il faut avoir des bras pour tirer le fauteuil avec une personne dessus, mais sinon c'est plutôt sympa", témoigne-t-il.
Des aménagements au top
Cet équipement, prêté gratuitement par les secouristes, s'inscrit dans une démarche d'accessibilité plus globale. La station balnéaire de 1 300 habitants a revu l'urbanisme du front de mer pour améliorer l'accès à la mer : quatre rampes, parfois étroites, descendent sur le sable depuis la promenade qui surplombe l'immense étendue de sable, les personnes handicapées peuvent stationner partout gratuitement, l'esplanade a été refaite récemment pour supprimer les bordures. "Ca fait plaisir de voir les efforts faits pour 'aménagement" qui profitent aussi aux nombreuses poussettes qui vont et viennent, se réjouit Corinne, malgré ses difficultés d'élocution.
Un atout touristique
La commune fait désormais partie des 83 plages labellisées handiplage, avec trois étoiles sur quatre. Les labels Tourisme et Handicap et Pavillon bleu prennent également en compte l'accessibilité dans leurs critères. "Il y a eu un déclic avec un habitant du secteur qui est handicapé. On avait acheté un tiralo (fauteuil pour aller dans l'eau) et il est venu avec nous. Quand il s'est baigné il a dit : 'Quel bonheur et quelle joie de retrouver la sensation de l'eau de mer'", raconte l'actuel maire Alain Baillet, adjoint au début des années 2000, qui en a fait aussi un "atout touristique". Si les sept tiralos n'ont servi qu'une seule fois ce jour-là, les secours affirment les sortir quotidiennement. "Certains jours, on n'en avait plus de disponibles", assure Sébastien Vaselli, chef de poste, qui veille au plus fort de l'été sur des milliers de touristes. "Ici c'est bien, c'est assez plat, la marée basse permet de faire de belles balades, même si c'est rare qu'ils aillent très loin dans l'eau avec". "On ne connaissait pas ces fauteuils, mais ça pourrait être bien pour une autre sortie", anticipe Bastien Herbez, 27 ans, éducateur spécialisé encadrant un groupe de personnes âgées en fauteuil roulant qui profitent du soleil sur l'esplanade, malgré les rafales de vent.
Des efforts à faire
Mais des efforts restent à faire : certains regrettent le manque de places de parking réservées et une grande bande de béton sur le sable qui mènerait jusqu'à l'eau, que l'on trouve sur le littoral méditerranéen mais que les marées de la Manche détruiraient. "La loi de 2005 (sur le handicap) ne concerne pas les plages, mais quand les communes refont le littoral, en cas de rénovation, elles sont obligées de se mettre aux normes handicap", assure Ramon Espi, président de l'association qui décerne le label handiplage depuis quinze ans. "Les communes sont volontaires. Avant il fallait les sensibiliser, aujourd'hui elles viennent d'elles-mêmes ; les mentalités changent, mais ça reste laborieux." Au total, environ 250 plages sur les quelque 2 500 que compte la France seraient aménagées selon lui. Et rares demeurent celles équipées de système audio pour les personnes aveugles.