Par Adrien Vicente
"Aujourd'hui, quasiment tous les bailleurs font de la réponse à la demande. Ils ont des locataires seniors qui se retrouvent dans une situation compliquée dans leur logement et demandent des adaptations", témoigne Charlotte Limousin, déléguée générale de Delphis, association de bailleurs sociaux qui a développé un label pour les organismes soucieux des locataires seniors. Lors des rénovations d'ampleur, l'accessibilité fait partie "des objectifs qu'on va chercher systématiquement, en installant des ascenseurs, en descendant au niveau de la rue les portes de hall... toutes ces interventions techniques qui permettent de faciliter la mobilité des personnes vieillissantes", explique Emmanuelle Copin, soulignant que ces adaptations facilitent aussi la vie des personnes handicapées, et même des "valides". Pour les bâtiments trop difficiles à rendre accessibles en fauteuil, du fait par exemple de leur architecture, "on travaille sur l'accessibilité canne", dit-elle.
Prise de conscience post-Covid
Selon l'Insee, la France devrait compter 18,3 millions d'habitants de 65 ans et plus en 2040, soit 26,4 % de la population, contre 14,5 millions actuellement (21%). Les logements sociaux n'échappent pas à la règle : déjà en 2020, 21% des HLM avaient une personne de référence âgée de 65 ans ou plus, contre 28 % de l'ensemble des logements. Mais ce nombre va augmenter, d'autant qu'avec la perte de revenus causée par la retraite, les locataires vieillissants ont peu de chances de sortir du parc HLM. L'isolement des personnes âgées mis en lumière par la pandémie de Covid-19 et les scandales sur le traitement des pensionnaires de certains Ehpad a accéléré la prise de conscience parmi les bailleurs, raconte Laure Bourgoin, responsable Habitat et services chez Delphis.
Adapter les lavabos, les portes...
Pour y répondre, la plupart des bailleurs se concentrent sur l'adaptation de leur parc existant. "La priorité, c'est que les personnes puissent rester dans leur logement", explique Michel Ménard, président du département de Loire-Atlantique qui gère l'office Habitat 44. "Ça commence souvent par mettre des douches" au lieu de baignoires, explique Emmanuelle Copin, directrice générale adjointe de Paris habitat, dont un locataire sur trois a 65 ans ou plus. "Et puis on adapte tous les équipements sanitaires, la hauteur des lavabos, la largeur des portes, (on installe) des mains courantes, l'éclairage des parties communes avec des lumières automatiques..."
Des résidences intergénérationnelles
Bailleur social basé à Saint-Quentin (Aisne), Clésence a plutôt opté pour le développement de résidences intergénérationnelles, où les équipements adaptés au vieillissement peuvent être facilement ajoutés en fonction des besoins des locataires. "Ce que nous disaient nos locataires, c'est : 'on souhaite être chez nous, rester autonomes le plus longtemps possible, accompagnés, mais on est encore capables de réfléchir et surtout d'apporter aux autres'", justifie la directrice générale adjointe, Véronique Binet. Les attributions de logements pour ce type d'habitat sont décidées à part. Elles peuvent aussi prendre plus de temps, des locataires pouvant être réticents à quitter leur domicile devenu inadapté. "On laisse aux gens le temps de venir", résume Véronique Binet. "C'est un travail permanent de conviction, parce que quand une famille a vécu 40 ans dans le même logement, ce n'est pas toujours facile de quitter ses souvenirs, de déménager dans des logements plus petits, plus adaptés et parfois dont le loyer n'est pas forcément moins cher", explique aussi Michel Ménard.
Des salariés qui détectent les situations à risque
L'autre aspect consiste à former les salariés des organismes aux problématiques du vieillissement, par exemple en désignant des personnes référentes pour les locataires âgés. "Elle va faire l'intermédiaire avec le bailleur, rendre visite au locataire, à l'occasion de ces visites faire la détection d'une situation à risque, par exemple que le locataire ne fait plus le ménage chez lui ou commence à perdre la tête", explique Laure Bourgoin. Ils peuvent aussi les aider dans leurs démarches administratives, rendues plus difficiles par la numérisation, souligne-t-elle.