Des patients qui retrouvent la parole, d'autres qui recouvrent la mémoire après un traumatisme crânien… Les prouesses des implants cérébraux font la une des médias depuis quelques temps. A dessein. Ces innovations techniques suscitent, en effet, de grands espoirs au sein de la communauté scientifique internationale. Implantées à la surface du crâne, ces microélectrodes sont censées avoir un impact sur l'activité neuronale. Dans le viseur des scientifiques qui planchent sur ces solutions depuis les années 80 : les maladies d'Alzheimer et de Parkinson ou encore l'épilepsie. Objectif ? « Augmenter considérablement le nombre de neurones reliés par autant de fibres à un microprocesseur afin d'enregistrer et de stimuler l'activité cérébrale pour traiter ces maladies neurologiques », explique l'Académie de médecine.
La crainte du transhumanisme
Mais, comme dans tout progrès scientifique, y-aurait-il un revers à cette médaille ? L'Académie de médecine redoute que ces technologies soient détournées de leur usage médical premier à des fins de « transhumanisme ». Un nom cristallise ses inquiétudes : Neuralink, propriété du milliardaire controversé Elon Musk (Lire : Elon Musk : le 1er implant cérébral sur un humain dès 2023?). La start-up n'a pas encore terminé le développement d'un nouveau type d'implant cérébral que la polémique enfle. En visite à Paris en juin 2023, l'entrepreneur américain avait déclaré vouloir doter « cette année » un premier être humain d'implants neuronaux. Après des essais cliniques contestés sur des animaux -Neuralink a été accusé de maltraitances sur des singes cobayes-, la société aurait débuté le recrutement de ses premiers patients humains à l'automne. A l'origine, Elon Musk souhaitait permettre à des personnes paralysées d'interagir avec leur environnement en utilisant des appareils numériques ou même restaurer la vision de personnes mal et non-voyantes.
Des dérives technologiques ?
Aujourd'hui, son objectif est digne d'un scénario à la Fahrenheit 451 : rapprocher n'importe quel homme de la machine en le dotant d'un système informatique greffé directement dans son cerveau. Un projet qui effraie l'Académie de médecine : « Certains acteurs, comme Neuralink, ne cachent pas leurs ambitions de doter les humains d'implants pouvant augmenter leurs capacités intellectuelles (mémoire, calcul, motivation, créativité, transmission de pensée...), créant ainsi une classe d'êtres humains 'augmentés' ». D'après elle, les risques sont « importants », notamment de « créer deux nouvelles catégories d'êtres humains », l'une qui « pourrait rester sous le contrôle de l'entreprise responsable de l'implant, instaurant une nouvelle forme d'esclavage », l'autre, « disposant de capacités intellectuelles supérieures lui permettant de dominer la population non équipée ».
Elaborer des « règles strictes »
L'Académie nationale, dont le rôle est de s'exprimer sur les questions d'éthique médicale, invite à être « vigilants et lucides par rapport aux annonces faites à la presse par les entreprises de biotechnologie ». Elle recommande un meilleur encadrement de ce domaine de recherches par les pouvoirs publics, la « nécessité que les organismes d'assurance maladie prennent en charge des appareillages efficaces et sûrs pour les malades, mais de coût élevé » et réclame la tenue d'une réunion internationale pour élaborer un moratoire sur l'utilisation de ces « implants cérébraux destinés à augmenter les capacités intellectuelles des êtres humains en dehors du contexte de maladies ». Le but ? Adopter des « règles strictes » à ce sujet.