Par Alexandre Moussion
L'impression 3D ouvre de réelles et fascinantes perspectives dans le domaine de la santé et particulièrement celui-ci du handicap. En effet, la démocratisation de cette technologie a engendré, ces trois dernières années, l'émergence d'une multitude de programmes associatifs, principalement tournés vers le handicap moteur via la fabrication de prothèses de membres bon marché et personnalisables (lire article en lien ci-dessous). Pour autant, forte de son large champ d'applications, l'impression 3D touche également au handicap visuel. Plans imprimés en 3D, plaques ou encore téléphones en braille, de nombreux projets visant à matérialiser un monde inaccessible aux non-voyants fleurissent ici et là.
Voir avec les mains
« Il faut avoir des oreilles pour voir ce que les yeux entendent, et rien ne peut remplacer l'écoute d'une main. » A l'image de cette citation que l'on doit à un certain Jacques Salomé, une start-up lilloise au nom sans équivoque, tri-D, a vu dans l'impression 3D un formidable outil pour sculpter l'invisible et rendre palpables des objets jusqu'alors inaccessibles aux déficients visuels. « Toucher pour voir » est le nom de ce projet social, un concept novateur visant à prouver que la technologie peut aussi servir l'innovation sociale. Chris Delepierre est le co-fondateur de cette start-up aux accents cht'i. Artisan 2.0 de ce mouvement avant-gardiste, ses ambitions sont pleines de sens et seule son imagination semble devoir poser des limites…
tri-D comme « Troisième révolution des idées »
L'impression 3D est une technologie qui a immédiatement fasciné Chris. Après de nombreuses recherches sur Internet, il s'équipe d'une imprimante Ultimaker 2 afin de procéder à des tests concrets. Une de ses toutes premières réalisations est la Vénus de Milo ! Après un an de formation en autodidacte, il décide de créer, avec son associé, Thomas Delbergue, qui est titulaire d'un master d'infographie 3D, sa propre entreprise. Son nom ? tri-D, comme « Troisième révolution des idées », qui a l'ambition de transformer des idées en projets tangibles, au service d'une nouvelle économie créative et durable. Leur agence de conseil et de design accompagne les entreprises intéressées par l'impression 3D.
Le « droit » au toucher
Ce duo d'alchimistes tente alors des expériences tactiles inédites pour donner un « droit au toucher ». L'objectif d'un de leurs projets est d'aider les personnes déficientes visuelles à mieux se représenter le monde qui les entoure dans le domaine de l'art, du patrimoine et de la culture grâce à l'objet physique et palpable imprimé en 3D que l'on peut prendre en main. Ce type de technologie permet de matérialiser des éléments inaccessibles par le toucher ou invisibles pour les personnes aveugles comme l'infiniment grand et petit ou des concepts immatériels comme, par exemple, des monuments, des sculptures, de la géographie, de l'anatomie…
Une « photo » 3D du buste de son fils
L'idée séduit les musées ; le LaM-Lille Métropole, musée d'art moderne à Villeneuve-d'Ascq (59), est le premier à leur faire confiance. tri-D travaille également sur des modèles en braille, intégrables sur des pièces imprimées en 3D ; mais, bon à savoir, seulement 10% des personnes aveugles le lisent couramment. Les retours sont très positifs car la 3D apporte une vraie plus-value dans l'approche tactile. Le témoignage d'Anne-Sophie, maman aveugle, les a particulièrement touchés après qu'ils aient imprimé le buste de son enfant de cinq ans. Comme une photo de famille en 3D qui lui permettra de conserver une image figée de lui dans le temps…