Insuffisance cardiaque : 1 décès toutes les 7 minutes

L'insuffisance cardiaque, c'est un décès toutes les 7 minutes, en France. Pourtant, la méconnaissance des symptômes entraîne un retard diagnostic préjudiciable pour la santé des patients. Dr Marie Fertin, cardiologue au CHRU de Lille, fait le point.

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Handicap.fr : Qu'est-ce que l'insuffisance cardiaque ?
Marie Fertin : Le cœur est à considérer comme une pompe, un moteur, et on parle d'insuffisance cardiaque lorsqu'il est dans l'incapacité d'assurer un débit sanguin suffisant pour couvrir les besoins de l'organisme et nourrir l'ensemble des organes.

H.fr : En France, combien de personnes sont concernées ?
MF : Plus d'un million de personnes, et cette maladie occasionne 200 000 hospitalisations et près de 70 000 décès par an, soit un toutes les sept minutes.

H.fr : Contrairement aux idées reçues, cette maladie ne se limite pas aux seniors ?
MF : Non, même si sa prévalence augmente avec l'âge, elle peut toucher toutes les tranches d'âge et apparaître, même si c'est rare, dès l'enfance. Mais les formes d'insuffisance cardiaque sont différentes. Chez les plus de 70 ans, ça se matérialise par une rigidité du cœur responsable d'un défaut de remplissage. Pour les plus jeunes, c'est davantage lié à la fatigue du muscle cardiaque responsable d'un défaut d'éjection.
 
H.fr : Quelle est son origine ?
MF : La principale cause d'insuffisance cardiaque par défaut d'éjection est la maladie coronaire, soit révélée par un infarctus du myocarde -une artère coronaire se bouche ce qui conduit à la destruction du muscle cardiaque en aval-, soit par l'existence de rétrécissements (appelés sténoses) sur les artères coronaires. Il y a également des causes génétiques.

H.fr : Y a-t-il des facteurs de risque ?
MF : Le tabagisme, l'hypertension artérielle, le diabète, l'hypercholestérolémie, certaines chimiothérapies, la sédentarité et l'obésité, entre autres, entraînent des dépôts (plaques) dans les parois artérielles, notamment au niveau des artères du cœur, les coronaires. En soi, le tabac n'est pas directement toxique pour le muscle cardiaque mais il fait le terrain de la maladie.

H.fr : Quels sont les symptômes ?
MF : L'acronyme EPOF a été proposé pour sensibiliser la population : Essoufflement, Prise de poids, Oedème, Fatigue. Il a été créé pour marquer les esprits car il y a encore un laps de temps bien trop important entre l'apparition des symptômes et la pose du diagnostic.
Dans le cadre d'une maladie qui se révèle progressivement, les symptômes apparaissent initialement à l'effort (courir, marcher en côte, monter des escaliers) puis, pour des efforts moindres, marcher en terrain plat, faire sa toilette, préparer le repas, voire même parler. Un essoufflement important peut être majoré par la position allongée et oblige les patients à installer plusieurs oreillers pour se redresser ou à dormir dans un fauteuil. La position assise les soulage, signe typique d'un essoufflement lié à l'insuffisance cardiaque. Les symptômes peuvent également se révéler de manière « brutale ». Une prise de poids de 3 à 5 kilos en une semaine, par exemple, doit faire suspecter une insuffisance cardiaque par une rétention d'eau et de sel.
 
H.fr :  Quel est le réflexe à adopter dès leur apparition ?
MF : Ça dépend de l'importance et de la rapidité du « tableau d'installation ». Si les symptômes apparaissent sur plusieurs semaines, le premier recours est le médecin traitant qui orientera le patient vers un cardiologue. A l'inverse, en cas d'essoufflement d'apparition brutale, il faut contacter le SAMU en urgence.
 
H.fr : Les personnes touchées sont-elles en capacité de travailler ?
MF : Une fois le diagnostic posé et un traitement mis en place, les patients peuvent éventuellement reprendre une activité professionnelle. Le déterminant majeur est la nature de leur profession. Ceux qui ont un travail sédentaire, non physique, auront plus de facilité à continuer, sans grande modification, avec toutefois le besoin peut-être d'un allègement du volume horaire dû à la fatigue, au moins lors de la reprise. Un travail physique ou de force, comme dans le bâtiment, peut nécessiter une reconversion ou un reclassement professionnel.
 
H.fr : Ces symptômes peuvent donc être invalidants et ont un impact conséquent sur la vie des patients. Pour autant, se considèrent-ils comme handicapés ?
MF : Je ne les ai pas tellement entendus prononcer le terme « handicap »... La difficulté, surtout chez les patients jeunes atteints de cardiomyopathie, par exemple, c'est que la maladie ne se voit pas forcément, pourtant elle a des retentissements sur leur vie quotidienne. Quand ils vont faire les courses, par exemple, ils ont besoin de se garer à proximité du magasin, sur les places handicapées, donc beaucoup demandent la carte d'invalidité. Parmi eux, certains se font interpeller par des passants : « Pourquoi vous vous garez là, vous n'êtes pas malade ! » C'est la difficulté des maladies et handicaps invisibles…

H.fr : De votre côté, évoquez-vous la notion de « handicap » avec eux ?
MF :  Non, pas en ces termes, mais nous abordons clairement le fait que la maladie va entraîner de nombreux changements. Il y a une vie avant et après... On parle quand même d'une pathologie qui, en fonction de sa sévérité, peut nous pousser à évoquer, d'emblée, des projets lourds comme un cœur artificiel, une greffe. Donc on essaye toujours d'aborder les choses de la manière la plus « positive » possible, en se projetant dans l'avenir. Ce n'est pas vouloir nier le handicap mais c'est reconnaître qu'on peut vivre avec une insuffisance cardiaque et continuer à travailler, même avec un cœur artificiel.

H.fr : Certains envisagent-ils de demander une RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) ?
MF :  Des études révèlent que, dans la population en âge de travailler, la part d'actif est réduite de moitié en cas d'insuffisance cardiaque. Ce qui peut nous amener à évoquer la RQTH pour leur permettre de bénéficier d'un mi-temps ou d'un congé de longue maladie fractionné… Nous venons souvent en complément du médecin traitant pour appuyer le dossier du patient.
 
H.fr : L'insuffisance cardiaque peut-elle affecter les capacités intellectuelles ?
MF : Dans la grande majorité des cas, non, mais on ne peut pas dire « jamais ». Dans la forme terminale de la maladie, le cœur ne pompe plus, ne nourrit plus bien les reins, le foie mais aussi le cerveau... Les patients peuvent alors avoir des troubles de l'attention, de mémoire ou un ralentissement intellectuel.

H.fr : Une activité physique est-elle conseillée ?
MF : Pour nos patients, l'intérêt principal du sport est l'entretien des fonctions respiratoire et musculaire. Nous les encourageons donc vivement à faire de la marche mais aussi du vélo et de la natation, avec l'accord de leur médecin... Mais l'effort physique doit toujours être « d'intensité contrôlée » (faible à modéré). Sur prescription, la réadaptation cardio-vasculaire peut leur permettre de reprendre une activité physique dans un cadre surveillé. Au fil des séances, les patients comprennent où sont leurs limites et reprennent confiance en eux.
 
H.fr : Malgré les difficultés de cette maladie, vous restez positive et affirmez que c'est possible de « vivre avec » ?
MF : Oui, c'est possible ! Les dernières décennies ont été marquées par d'importants progrès thérapeutiques qui ont transformé le devenir des patients. Des progrès tant sur les médicaments que sur les « assistances », comme le cœur artificiel en attendant une greffe. Les programmes d'éducation thérapeutique abordent différents axes pour aider le patient à être acteur de sa maladie.

© metamorworks/Fotolia

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