La première promotion d'Intervenant pair (IP), destinée aux personnes ayant connu des épreuves au cours de leur vie, que ce soit le handicap, la précarité ou l'alcoolisme, et qui souhaitent transmettre leur expertise à d'autres, a démarré en 2020 (article en lien ci-dessous). Son credo : les épreuves sont sources d'apprentissage et de dépassement et peuvent conduire à un renforcement de l'estime de soi. Ce fut un succès. Pour la session à venir, ces pairs ont besoin d'aide ; les stagiaires doivent en effet trouver eux-mêmes les moyens de financer leur formation « alors que ce sont des personnes avec des parcours compliqués qui ne sont pas forcément au fait des démarches », précise Jean-Luc Simon, vice-président du Groupement français des personnes handicapées (GFPH), qui conduit cette initiative portée par l'ARIFTS (Association pour l'institut de formation en travail social) Pays de la Loire, à Angers.
Un chemin difficile vers l'autodétermination
En 2020, le coût de la formation avait été intégralement pris en charge par l'OETH (association en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés). En 2021, grâce à l'intervention de l'ARS (Agence régionale de santé) et du CCAS (Centre communal d'action sociale) d'Angers, les quinze stagiaires avaient également obtenu un soutien financier. Mais, pour cette troisième édition 2022/23, changement d'ambiance ! Même si tous les interlocuteurs trouvent la démarche innovante, quelques-uns s'engagent prudemment pour en financer un aspect, de façon partielle et seulement pour quelques stagiaires, région et département s'interrogent sur leurs compétences quand il s'agit de financer des stagiaires qui résident hors de leur territoire et les fonds collecteurs pour l'emploi proposent des soutiens sectorisés… « Et si le rapport 'Zéro sans solution' engage les professionnels du secteur vers le développement des pratiques de soutien mutuel, l'absence d'une action coordonnée pour l'autonomie des personnes est patente », déplore Jean-Luc Simon.
Des démarches éparpillées
Petite consolation, un récent contact avec le département de Loire-Atlantique laisse espérer un co-financement mais « qui ne couvrira pas tous les besoins », à savoir 4 000 euros par personne pour 160 heures de formation. Il existe différentes sources possibles de prises en charge (via la MDPH, Pôle emploi, l'Agefiph, les fonds de formation...) mais cela reste « éparpillé, différent selon chaque département et oblige surtout les candidats à ouvrir et mener plusieurs dossiers ». A l'heure où, pourtant, les formations IP se multiplient en France, Jean-Luc Simon dénonce le « difficile chemin vers l'autodétermination » qui, même s'il est « pavé de bonnes intentions », est « d'une complexité qui, d'emblée, impose un niveau de capacité qui apparait disproportionné ». L'un des candidats est retraité et bénévole, l'autre pensionnée. Selon lui, ce « stress est peu propice à l'engagement ». « Beaucoup ne vont pas y arriver car il faut une coordination en béton et cela reste une course à l'échalote », ajoute-t-il.
Il y a donc urgence puisque la formation débute le 28 novembre 2022, avec des sélections prévues dès septembre, en visioconférence ou, pour ceux qui le souhaitent, en présentiel à Angers. Quinze places sont à pourvoir mais, preuve de l'intérêt grandissant porté à ce type de formations aussi « formatrice que transformatrice », il y a déjà davantage de candidats, « désormais majoritairement issus du champ des troubles psychiques », précise Jean-Luc.
Un pilotage clair et des financements fléchés ?
En guise de solution, pour obtenir des subventions, notamment européennes, l'administration encourage la promotion Intervenant pair à rejoindre le programme EPoP (Empowerment and participation of persons with disability), une initiative lancée début 2021 (article en lien ci-dessous) pour l'instant majoritairement mise en œuvre par la Croix-Rouge française. « Mais notre formation est nettement plus ambitieuse », riposte Jean-Luc Simon, « 160 heures au lieu de 30, nous ne jouons visiblement pas dans la même cour » (*un droit de réponse a été demandé par EPoP, ci-dessous). Un échange avec la Région Pays de Loire en juin 2022 est venu confirmer que nous « ne rentrons pas dans les cases, même si nous le savons depuis longtemps. Ce qui est le plus rageant, c'est que rien ne laisse présager que ces cases pourraient être adaptées et repensées », ajoute-t-il, réclamant, comme pour le cadre bâti, une « mise en accessibilité des programmes de financement des formations ». Il appelle, comme promu par le dispositif une Réponse accompagnée pour tous (RAPT), à un « pilotage clair doté de financements fléchés ».
*Droit de réponse de EPoP
En effet, dans la région Hauts-de-France, pour le déploiement du projet EPoP, nous avons fait le choix de proposer, dans un premier temps, une formation socle de cinq jours répartie sur plusieurs mois. Cela a été fait suite aux entretiens d'accessibilité que nous avons mené avec les potentiels stagiaires pour ménager la fatigabilité et correspondre avec leurs emplois du temps professionnel ou familial. L'ambition de notre projet n'est pas qu'une formation. C'est un point de départ avec des projets riches de sens que nous déployons avec les 30 intervenants sur minimum deux ans. Nous leur proposons un accompagnement individualisé par notre équipe CREAI HDF pendant deux ans.
- Mise à disposition de notre réseau en région.
- Organisation de rendez-vous de suivi pour appuyer les projets d'intervention de nos anciens stagiaires.
- Organisation de formations complémentaires (prise de parole en public, gestion de projet, etc.).
- Accompagnement dans le choix du statut d'exercice (bénévole, prestataire indépendant, salarié, mise à disposition d'ESAT…) et dans la création des structures.
- Création de pair-initiative.fr, un site pour mettre en avant les profils des intervenants, leur parcours, les thématiques d'intervention.