*Le ministère des Sports lance le 15 mars sa campagne #ExAequo de lutte contre les discriminations dans le sport. Quatre thématiques sont abordées : l'homophobie, le racisme, le sexisme et la stigmatisation du handicap (article en lien ci-dessous).
Handicap.fr : On vous a vu donner de la voix dans les tribunes lors des Jeux paralympiques de Pyeonchang (Corée). Quelles sensations pour ces Jeux qui ont particulièrement bien commencé pour la France ?
Laura Flessel : Surtout de la fierté. J'ai fait huit Jeux olympiques, dont cinq en tant qu'athlète. Aujourd'hui, en tant que représentante du gouvernement, je dois dire qu'ici, à Pyeonchang, pour ces jeux d'hiver paralympiques, je retrouve la joie de mes expériences passées. On a un objectif, on a un environnement, on a des spectateurs, et on a un sportif qui va tout donner pour représenter son sport, son identité, sa région, son pays... C'est six ans, douze ans pour certains, pour aller chercher le Graal paralympique. Dans ces tribunes, je me trouvais vraiment à ma place en tant que femme, en tant que sportive de haut niveau et en tant que ministre des Sports.
H.fr : Que vous inspire cette équipe de France ?
LF : Un très bel exemple de solidarité, de fraternité, d'excellence. Oser, oser faire mieux, sans présager des résultats. La France a décroché, en deux jours, six médailles (ndlr : interview réalisée le 11 mars au soir) ; d'autres sportifs qui n'en ont pas encore eu ont néanmoins montré leur envie de briller et de se surpasser. Du coup, le collectif français est très fort. Cette équipe de France est belle, et nos athlètes paralympiques méritent une valorisation à la hauteur de leurs performances. Je remercie notre porte-drapeau, Marie Bochet, d'avoir su insuffler cette belle énergie à toute l'équipe. J'en suis très fière.
H.fr : On a en effet pu assister à des descentes spectaculaires ou à un match de hockey totalement ahurissant. Quand on voit ce type de performance, on se demande pourquoi le public n'est pas au rendez-vous. C'est de l'émotion et des frissons à l'état pur.
LF : Il y a de très belles images, de très belles histoires, et moi, je suis « en mode présent et futur », donc je ne dirai pas « pourquoi » mais « comment ». Comment pouvons-nous avancer ensemble pour mieux valoriser ces athlètes, mieux valoriser le sport para en général ? Comment mobiliser davantage les médias, les fédérations, les collectivités, avec l'objectif de permettre aux personnes en situation de handicap de pratiquer, pour leur santé, leur plaisir et pour la performance. Et, surtout, pour l'inclusion. Aujourd'hui, forte de ce que j'ai vu et entendu depuis trois jours, du temps passé à échanger, je repars avec des réponses qui nous confortent sur notre positionnement et notre politique sportive de demain en faveur des personnes handicapées.
H.fr : Vous avez la réputation d'être une ministre très investie dans ce domaine...
LF : Cela fait vingt ans que je donne de la voix pour encourager leur pratique sportive. Lorsque j'étais escrimeuse de haut niveau, je me suis entrainée en fauteuil pour aller chercher l'excellence aux côtés de mes coéquipiers de l'équipe de France paralympique. Et, pendant ma grossesse, j'ai continué à m'entraîner dans un fauteuil pour ne pas perdre ; je l'utilisais comme un outil de performance. Il y a trois ans, j'ai créé un club d'escrime à Clichy (92) avec une double entrée, valide et handi, pour permettre à tous de pratiquer en fauteuil. Donc, oui, aujourd'hui, en tant que ministre, forte de ces souvenirs, ces rires, ces clins d'œil, ce monde que j'ai découvert et qui m'a ouvert ses portes -c'est vraiment une grande famille-, mon objectif est de conforter et de développer de manière utile et pragmatique des opportunités pour que tout le monde puisse pratiquer. Dès mon retour, nous allons nous appuyer sur les échanges établis pour structurer notre plan stratégique pour Paris 2024.
H.fr : Vous visez très large car, pour avoir des champions, il faut avant tout des pratiquants ?
LF : En effet. La volonté du gouvernement est d'aller chercher trois millions de pratiquants supplémentaires et nous n'y arriverons qu'en ouvrant notamment les portes aux personnes en situation de handicap. On sensibilisera dès l'école. Notre idée, c'est vraiment d'utiliser le sport comme un outil inclusif.
H.fr : Mais, pour cela, faut-il des moyens supplémentaires ?
LF : Un budget supplémentaire de 1.5 million d'euros en 2018 va être engagé pour la valorisation du paralympisme et le développement de la pratique.
H.fr : En faveur du sport adapté dédié aux personnes avec un handicap mental aussi ?
LF : Oui, bien sûr. Nous allons collaborer avec le CPSF (Comité paralympique et sportif français) et les fédérations pour développer une stratégie pour mieux détecter, mieux informer, mieux accompagner, en impliquant tous les acteurs de terrain. Aujourd'hui, nous travaillons déjà dans ce sens mais allons mobiliser de nouveaux acteurs pour avoir une France qui rayonne à travers l'olympisme et le paralympisme.
H.fr : Votre carte de visite est en braille. Plus qu'un symbole ?
LF : Tout à fait. C'est une demande que j'ai faite dès mon arrivée. Parce que je suis la ministre de tous les sportifs.
H.fr : Vous êtes la seule ministre à avoir pris cette initiative ?
LF : Je ne sais pas mais, en l'occurrence, j'invite tous les autres à faire de même.