Les nourrissons naissant avec un bec-de-lièvre en Afrique sont souvent condamnés à une vie de paria s'ils ne sont pas rapidement opérés. On les traite de sorciers, leurs parents les cachent, quand ils ne sont pas expulsés de leur village (article en lien ci-dessous). En Tanzanie, des croyances sur les supposés pouvoirs magiques des albinos aliment un trafic d'organes et de membres. Dans certains pays, les fantasmes à l'égard des personnes handicapées conduisent encore aujourd'hui à des actes d'une rare violence, comme ce fut le cas il y a quelques décennies en Europe lorsque l'imaginaire populaire menait à tous les amalgames. Une récente affaire l'illustre de manière dramatique, cette fois-ci à Haïti…
Accusées d'être des loups-garous
Le 18 mars 2016, plusieurs personnes ont lynché à mort trois jeunes femmes, accusées d'être des loups-garous. Leurs corps, partiellement brûlés et mutilés, ont été retrouvés dans un canal d'évacuation des eaux, dans la commune de Cabaret, à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale. Une centaine de personnes ont manifesté le 1er avril 2016 à Port-au-Prince à l'appel d'associations de défense des personnes handicapées pour dénoncer stigmatisations et violences à leur encontre.
« C'est un acte barbare commis contre ces commerçantes », a dénoncé Michel Péan, ancien secrétaire d'Etat à l'Intégration des personnes handicapées et originaire de cette ville. « Au lieu d'être l'objet de la charité publique, elles avaient choisi de travailler et c'est sur la route du travail, de la dignité humaine, qu'elles ont été lâchement assassinées », a-t-il déploré. « Tuer quelqu'un sous prétexte qu'il est un loup-garou, ça n'a aucun sens », s'est-il insurgé.
Une marque diabolique
En Haïti, par superstition et par manque d'éducation, le handicap est considéré par certains comme une marque diabolique. Après ces assassinats, « il faut faire passer le message que nous, les gens handicapés, nous sommes des êtres humains à part entière », a lancé Lucknor Lindor, amputé d'une jambe. « On ne doit pas être exclus de la société ». Haïti a signé les conventions internationales relatives aux droits des personnes handicapées, mais il n'y a qu'une poignée d'écoles adaptées. Et les structures permettant l'accès des personnes souffrant de handicap physique ou mental aux services publics sont quasi-inexistantes. « Prendre un transport en commun, c'est une énorme galère », a raconté M. Lindor. « Je me fais insulter par des chauffeurs alors qu'ils devraient, au contraire, m'aider. Je ne demande pas la charité : je vais payer ma course, comme tout le monde », s'est-il agacé. Changer les mentalités est un immense défi pour le gouvernement qui dispose, depuis 2007, d'un secrétariat d'Etat à l'Intégration des personnes handicapées. « Il y a effectivement un travail de sensibilisation et d'éducation à mener sur le long terme », a déclaré l'actuel secrétaire d'Etat Gérald Oriol Junior alors qu'il participait à la manifestation, pour « s'assurer qu'un crime pareil, inacceptable dans la société, ne se reproduise plus ».
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