Isabelle Tourné
"Trois cent millions de personnes sont atteintes d'une maladie rare dans le monde", a rappelé, le 27 février 2024, lors d'une conférence de presse, Yann le Cam, directeur général de l'ONG Eurordis, qui coordonne la Journée internationale des maladies rares, organisée le 29 février. Il appelle à un "plan européen d'action" sur le sujet.
4,5 % de la population française
Si l'on se réfère à la définition de l'Organisation mondiale de la santé, une maladie est dite "rare" lorsqu'elle touche moins d'une personne sur 2 000. Plus de 7 000 maladies rares sont identifiées, dont plus de 80 % d'origine génétique. Mucoviscidose, maladie de Ménière, de Huntington, Charcot ou encore Crohn et myopathie de Duchenne font partie des plus connues. En France, elles concernent 3 millions de personnes, soit 4,5 % de la population, si l'on prend en compte l'entourage de la personne malade. Dans la moitié des cas, elles touchent des enfants de moins de 5 ans. Et elles causent 10 % des décès entre 1 et 5 ans.
Lutter contre l'errance diagnostique
En Europe, la France a longtemps fait figure de pionnière, en mettant en œuvre, depuis 2005, trois plans nationaux qui ont notamment acté la création de filières spéciales et la labellisation de centres de référence pour la prise en charge des maladies rares (CRMR), des centres experts devenus des modèles. Pour autant, de nombreuses personnes restent encore mal orientées : "l'accélération de la lutte contre l'errance diagnostique doit être une priorité" du nouveau plan, pressentent les acteurs de la "plateforme maladies rares", qui regroupent des associations, acteurs privés et publics, salariés et bénévoles.
Améliorer le maillage des centres experts
"La volonté du gouvernement est de poursuivre les efforts réalisés depuis vingt ans", a assuré la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, le 27 février, répondant à l'Assemblée à une question du député démocrate Philippe Berta. Elle a notamment évoqué ce qui sera un "élément majeur du quatrième plan" : le déblocage de "36 millions d'euros supplémentaires qui permettront d'augmenter le maillage des centres sur l'ensemble du territoire". Selon un communiqué du ministère, cette somme vise la "labellisation de 132 nouveaux centres de référence", portant à 603 le nombre de sites.
Plan dévoilé au premier trimestre
Le plan dans son ensemble ne sera dévoilé qu'au "premier semestre", a précisé le 29 février la ministre, en déplacement à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre. Il devrait permettre de "progresser sur les diagnostics, les dépistages, les thérapeutiques de façon à chercher des solutions qui permettent à des patients de pouvoir recouvrer la vie la meilleure possible", a-t-elle esquissé. Les associations, elles, espèrent une série de mesures "ambitieuses et structurantes", soulignait, la veille, Laurence Tiennot-Herment, présidente de l'AFM-Téléthon.
S'intéresser aux maladies très rares
Au sein des maladies rares, les maladies ultra-rares sont majoritaires en nombre (85 %), mais ne concernent, chacune, que moins d'une personne par million d'habitants, soit quelques dizaines de patients en France. Or l'industrie pharmaceutique se concentre sur des maladies offrant des perspectives commerciales, selon Mme Tiennot-Herment. Elle cite l'exemple de la maladie de Crigler-Najjar, causée par une carence d'une enzyme spécifique du foie. "Un essai clinique en cours montre des résultats très encourageants mais il faudra encore beaucoup d'argent avant une autorisation de mise sur le marché du candidat médicament, qui n'intéresse personne", regrette-t-elle. "Dans le nouveau plan, nous souhaitons que personne ne reste au bord du chemin", insiste-t-elle.
"Coup de booster" au dépistage néonatal
L'autre cheval de bataille des associations concerne le diagnostic néonatal : la France dépiste aujourd'hui à la naissance treize maladies (telles que la mucoviscidose ou l'hypothyroïdie congénitale). Un progrès par rapport aux sept maladies qui étaient recherchées jusqu'à l'année dernière, mais on reste bien loin de certains voisins européens (comme l'Autriche, l'Espagne, l'Italie ou le Portugal) qui en dépistent parfois près de trente. "Il faut donner un coup de booster au programme de dépistage néonatal, en anticipant les progrès thérapeutiques", a plaidé Christian Cottet, de l'AFM-Téléthon.
"Non-assistance à enfants en danger"
"Chaque année, en France, il y a environ une centaine de naissances d'enfants atteints d'amyotrophie spinale (une maladie génétique, ndlr), dont 60 sont concernés par la forme la plus sévère, qui tue les bébés entre 18 et 24 mois", a-t-il illustré. "Alors que des progrès thérapeutiques fantastiques ont eu lieu, permettant aux enfants traités d'avoir une vie très améliorée, nous devons faire cesser cette 'non-assistance à enfants en danger'!"
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