Par Isabelle Tourné
Une maladie est dite rare lorsqu'elle touche moins d'une personne sur 2 000 dans la population générale. On en recense environ 7 000. Mucoviscidose, maladie de Ménière, maladie de Huntington, de Charcot, de Crohn et myopathie de Duchenne font partie des plus connues. En France, elles concernent plus de 3 millions de personnes si l'on prend en compte l'entourage de la personne malade, soit 4,5 % de la population. Dans la moitié des cas, elles touchent des enfants de moins de 5 ans et sont responsables de 10 % des décès entre un an et 5 ans. Focus sur cet enjeu majeur de santé publique à l'occasion de la Journée internationale des maladies rares le 28 février 2022.
Errance diagnostique préjudiciable
80 % des maladies rares sont d'origine génétique. Le plus souvent, elles sont sévères, chroniques, d'évolution progressive et affectent considérablement la qualité de vie des personnes. Elles entraînent un déficit moteur, sensoriel ou intellectuel dans 50 % des cas et une perte totale d'autonomie dans 9 % des cas. On utilise aussi le terme de "maladie orpheline" pour désigner une pathologie rare ne bénéficiant pas d'un traitement efficace. Aujourd'hui, seule une personne sur deux atteinte d'une maladie rare dispose d'un diagnostic précis. Un diagnostic qui met en moyenne cinq ans à être posé pour plus d'un quart des personnes. "Cette errance entraîne des drames, des préjudices physiques et psychologiques", regrette Paul Gimenes, directeur général de l'Alliance des maladies rares.
3 plans nationaux et des centres experts
Pour réduire l'errance et l'impasse diagnostiques, trois plans nationaux se sont succédé depuis 2005, actant la création de filières spéciales et la labellisation de centres de référence pour la prise en charge des maladies rares (CRMR). Ces centres experts sont aujourd'hui devenus "un modèle en Europe", salue Eric Hachulla (CHU de Lille), responsable de l'une des 23 filières dédiées aux maladies rares. Mais de nombreuses personnes restent encore mal orientées, parfois par méconnaissance des médecins, d'où la nécessité de renforcer la formation. Reste aussi l'enjeu du dépistage prénatal, seul un faible nombre de maladies étant aujourd'hui détectées avant la naissance.
Pas de traitement pour 95 % des maladies rares
La plupart des personnes atteintes de maladie rare n'ont à leur disposition que des soins susceptibles d'améliorer la qualité de vie et de prolonger l'espérance de vie. "Moins de cent traitements curatifs existent à ce jour", souligne Eric Hachulla. Pour 95 % des maladies rares, il n'y a donc aucun traitement. Par exemple, depuis vingt ans, des essais sont menés pour guérir la maladie de Charcot, une maladie neurodégénérative grave qui se traduit par une paralysie progressive des muscles, souligne Claude Desnuelle, vice-président de l'association Arsla, qui aide les malades et soutient la recherche. "Aucun n'a encore donné naissance à une thérapie efficace". La recherche a toutefois énormément progressé ces dernières années grâce, notamment, à l'apport de la thérapie génique, qui consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une maladie (article en lien ci-dessous). "Aujourd'hui, douze produits issus de la recherche et développement de Généthon sont en essai clinique à travers le monde pour des maladies rares de la vision, du foie, du sang, du système immunitaire et du muscle", se félicite Frédéric Revah, directeur général du Généthon, le laboratoire financé par le Téléthon qui a fêté ses trente ans l'an dernier (article en lien ci-dessous). "On a d'abord lancé la carte du génome humain puis on a développé la thérapie génique", rappelle-t-il. "Au début, cela ressemblait à de la science-fiction".
Besoins de financements
Le troisième plan national s'étend jusqu'en 2022 (article en lien ci-dessous). Les associations espèrent qu'un nouveau plan lui succédera l'an prochain pour bénéficier de crédits spécifiques. Sur le front de la recherche, "il faut trouver des financements", explique Frédéric Revah. "Il y a des produits qui vont toucher un nombre de patients tellement faible, tout en ayant un coût de développement tellement important, que pour beaucoup d'industriels le jeu n'en vaut pas la chandelle". La question est de savoir "comment faire pour mobiliser les financements pour développer des thérapies géniques qui peuvent sauver la vie de patients mais pour lesquelles il n'y a pas de modèle commercial", explique-t-il. L'une des solutions pourrait être de mettre les innovations pour les maladies rares au service de maladies beaucoup plus répandues comme les maladies neurodégénératives ou certains cancers.