Maladies neurologiques : menace sur le permis de conduire?

Selon un récent arrêté, un diagnostic d'Alzheimer, de Parkinson ou de sclérose en plaque peut suffire à priver certains conducteurs de leur permis et obliger d'autres à obtenir un avis médical. 3 asso demandent son annulation auprès du Conseil d'Etat

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DERNIERE MINUTE DU 11 OCTOBRE 2023
Le Conseil d'Etat a rejeté, le 29 septembre 2023, le recours déposé par APF France handicap contre l'arrêté ministériel du 28 mars 2022 fixant la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles pour l'obtention, le renouvellement ou le maintien du permis de conduire. « Pour les personnes ayant une maladie neuro-évolutive, dont les personnes vivant avec une sclérose en plaques, cet arrêté demeure injuste, inadapté, discriminant et ne prévoit aucune mesure d'accompagnement », réagit l'association. Elle promet de « continuer son combat contre ce texte stigmatisant », notamment dans le cadre des travaux de construction de la future stratégie maladies neurodégénératives 2024-2028.

ARTICLE INITIAL DU 24 JUIN 2022
Les automobilistes atteints de la maladie d'Alzheimer à l'arrêt ? L'arrêté du 28 mars 2022 fixant la très longue liste (plus de 80 pages) de toutes les affections médicales incompatibles ou compatibles pour la détention du permis (en lien ci-dessous) stipule en effet que toute personne atteinte d'une pathologie neuro-évolutive est « interdite de conduite sans même que le diagnostic ne soit posé, dès le début du stade 3 de l'échelle de Reisberg », déplore APF France handicap. Si l'association considère qu'il s'agit là d'un « trouble cognitif léger ! », la Sécurité routière rétorque que, « c'est le moment où les amis, la famille et les collègues commencent à remarquer certains troubles de la mémoire ou de la concentration. En pratique, pour la conduite, la personne ne fait plus attention à certains feux rouges par exemple ». Pour d'autres troubles neurologiques comme la sclérose en plaques ou la maladie de Parkinson, le texte prévoit une incompatibilité d'emblée avec la conduite d'un véhicule « jusqu'à l'obtention d'un avis médical spécialisé par une équipe pluridisciplinaire, comprenant au moins un médecin spécialiste et un ergothérapeute ».

Des inégalités de « traitement » ?

Porté par les ministres de l'Intérieur et de la Santé, sur proposition de la déléguée interministérielle à la Sécurité routière, cet arrêté a été publié au Journal officiel le 3 avril 2022. Il abroge ainsi l'arrêté du 21 décembre 2005 afin de prendre « en compte (des) innovations scientifiques et technologiques », en termes d'aménagement de l'habitacle et d'aide à la conduite notamment. A ce titre, il concède certaines évolutions positives, notamment pour les conducteurs présentant un diabète sans complication et dont le traitement ne génère pas de risque d'hypoglycémie, qui ne sont désormais plus obligés de passer au préalable un contrôle médical pour conduire des véhicules légers (voitures et deux roues). L'arrêté lève aussi les interdictions des véhicules légers pour des personnes atteintes de certains handicaps locomoteurs très lourds.

Recours devant le Conseil d'Etat

Deux mois après sa publication, le 3 juin, APF France handicap, l'Union France Alzheimer et maladies apparentées et France Parkinson, déposent un recours devant le Conseil d'Etat contre ce texte, au motif qu'il « présente de nombreux problèmes ». « Il ne prévoit, par exemple, aucune mesure d'accompagnement des personnes malades et des aidants, ni ne précise sous quel délai, comment et par qui le contrôle médical devrait être effectué », expliquent-elles. Autre écueil : aucune possibilité de recours contre l'avis du médecin agréé. De plus, concernant Alzheimer et les maladies apparentées en particulier, ce professionnel de santé doit s'appuyer sur une échelle « qui n'est plus utilisée par les médecins depuis plus de vingt ans pour déterminer le stade de trouble cognitif », s'agacent les associations.

Moins d'autonomie, plus d'isolement ?

Elles regrettent également que ce texte, qui, selon elles, porte atteinte à l'autonomie en empêchant certains publics de conduire du jour au lendemain, ait été acté sans avoir consulté ni informé les associations de patients au préalable. Enfin, ces dernières craignent un renforcement de l'isolement et de l'exclusion sociale « qui pourrait même pousser les personnes éventuellement malades à ne pas se faire diagnostiquer ». En ce sens, ce texte démontre, selon les associations, la « méconnaissance » des pouvoirs publics envers les maladies neuro-évolutives et autres troubles neurologiques, « ignorant les conséquences désastreuses que leur décision précipitée peut engendrer ». 

Déroulement du contrôle médical

Concrètement, ce nouveau texte définit la marche à suivre. Le médecin agréé ou la commission médicale étudie le dossier de l'usager puis effectue un examen clinique qui comprend un interrogatoire et un test physique. Il peut également demander, lorsqu'il le juge utile, un examen complémentaire, notamment psychotechnique, ainsi qu'un test de conduite. A l'issue du contrôle médical, le médecin agréé renseigne le formulaire Cerfa n°14 880 relatif au « Permis de conduire - Avis médical ». Lorsqu'une affection entraîne une « incompatibilité » médicale avec la conduite, qu'elle soit définitive ou temporaire, il rend l'avis « inapte ». L'information est ensuite transmise à l'usager sur les conditions et délais nécessaires qui permettraient de rendre ultérieurement un avis d'aptitude. Autres possibilités : « compatibilité », « compatibilité temporaire » ou encore « compatibilité avec aménagement selon l'évaluation ». En effet, une adaptation du véhicule peut être proposée dans certains cas, notamment pour les personnes atteintes de neuropathie périphérique.

Pour un texte qui respecte les droits des patients

Si les associations ne nient pas la nécessité de mieux encadrer le maintien de la conduite pour les personnes souffrant d'une maladie neuro-évolutive, elles dénoncent toutefois un texte qui ne fait aucune distinction, « ne permettant pas de tenir compte des atteintes réelles occasionnées par les maladies sur les capacités » au volant. Elles demandent, à ce titre, l'annulation des articles relatifs à la maladie d'Alzheimer et maladies apparentées, à Parkinson et à la sclérose en plaques et la mise en place, avec les pouvoirs publics, d'un autre texte « qui soit, cette fois, respectueux des droits des personnes malades et des aidants ». La Société française de neurologie s'est portée requérante à leurs côtés afin de « soutenir cette démarche et d'apporter son regard scientifique concernant les dispositions de cet arrêté relatives aux maladies neuro-évolutives ». Nul doute qu'elles attendent avec  impatience le verdict du Conseil d'Etat pour « passer la seconde »...

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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