On prétend que la vérité sort de la bouche des enfants, parfois sans filtre ni précaution. Alors, face à une personne différente, il arrive que les plus jeunes, intrigués, dévisagent, montrent du doigt, commentent… Au risque de provoquer le malaise de leurs parents, « Allez-avance, tais toi », qui se pressent de partir, gênés. Comment réagir ?
Chut !
Vanessa Pelletier a été confrontée à cette situation en juillet 2019. Sa petite Floralie, âgée de quelques mois, est privée, en raison d'une malformation de naissance, d'une petite partie de son bras et de sa main. Emue aux larmes, face caméra, cette habitante de Terrebonne, tout près de Montréal, raconte l'anecdote vécue dans un magasin. « Ark, regarde ! Il lui manque un bras à la petite fille ! », dit une fillette à sa maman. « Chut », lui répond cette dernière. Plutôt que le silence et la fuite, Vanessa Pelletier aurait préféré le dialogue : « Je pense que ce n'est pas l'attitude à adopter. C'est à vous, en tant que parents, de prendre votre enfant et de m'approcher pour dire : 'Regarde comme elle est belle. Elle est différente et c'est correct, c'est normal'. Parce que ma fille est normale, elle est juste spéciale. » Cette jeune maman doit souvent faire face aux étonnements des enfants mais, surtout, aux réactions déplacées des parents. Vanessa a trouvé le « courage » de poster sa vidéo sur les réseaux sociaux avec l'objectif que « cela ne se reproduise plus » et d'inciter les parents à éduquer leurs enfants à la différence. Posté sur les réseaux sociaux, son témoignage a suscité des milliers de commentaires.
Une expérience passionnante
Des Vanessa et Floralie, il y en a partout dans le monde. Philippe témoigne à son tour. Des malformations de naissance ont déformé ses mains et ses pieds et ont dessiné un visage atypique. Alors qu'il était petit, un enfant se plante devant lui et le dévisage, intrigué. Sa mère se précipite, le tire par le bras et lui assène : « On ne regarde pas les handicapés ». Sa propre mère, qui était à ses côtés, n'a pas réagi. « Est-ce l'enfant qu'il faut éduquer parce qu'il est trop petit ou les adultes qui n'ont rien compris ? », questionne-t-il trente ans plus tard. En 2015, l'association Noémie, qui s'est donnée pour mission de changer le regard de la société sur les personnes atteintes de polyhandicap, a réalisé une expérience passionnante (article en lien ci-dessous). Un parent et un jeune enfant, séparés par une cloison, sont invités à imiter les grimaces de différentes personnes qui apparaissent sur un écran. Tous se prêtent au jeu jusqu'à ce que le visage d'une jeune fille polyhandicapée apparaisse, souriante, grimaçante et un doigt dans le nez. Les enfants continuent de mimer sans se poser de question alors que les parents se figent, embarrassés. Pourquoi, en grandissant, perdons-nous cette spontanéité et cette aisance à regarder les autres simplement ?