Médico-social : majeur sous tutelle, a voté... ou pas!

Les majeurs sous tutelle en établissement, blacklistés des listes électorales? 11 % des MAS et FAM déclarent que tous leurs résidents y sont inscrits. Principaux freins? Le manque de programmes en FALC et des pro qui les jugent "incapables de voter".

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J-2 avant le second tour des élections municipales de 2020. Alors que de nombreux électeurs se presseront dans les bureaux de vote le 28 juin 2020, quid des personnes sous tutelle accueillies dans les maisons d'accueil spécialisées et foyers d'accueil médicalisés ? Seuls 11 % des MAS et FAM ont tous leurs résidents inscrits sur les listes électorales, révèle l'enquête « Vote et handicap » réalisée par l'association Handéo (lien ci-dessous). Pourtant, déjà en 2013, l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) -qui a depuis fusionné avec la Haute autorité de santé (HAS)- recommandait de « rendre accessible l'exercice du droit de vote [en proposant] un accompagnement pour l'inscription sur les listes électorales ». Pour identifier les freins qui ont compromis ce plan, Handéo a interrogé 63 établissements. Objectif ? Permettre à toutes les personnes sous tutelle de jouir de leur pleine citoyenneté.

« Pas capable de voter » ?

Le 23 mars 2019, 300 000 majeurs sous protection juridique ont recouvré leur droit de vote (articles en lien ci-dessous). Mais, deux mois plus tard, à l'approche des élections européennes, 95 % d'entre eux n'étaient pas encore inscrits sur les listes électorales, la grande majorité vivant en établissement médico-social et notamment en MAS et en FAM. Selon le programme de recherche Vothan 2016‐2019, ces résidents ont deux à trois fois moins de chance d'être inscrits sur les listes électorales que les autres. Cette problématique peut également concerner les EHPAD, les unités Alzheimer ou les pôles d'activités et de soins adaptés (PASA) ou encore certains services sanitaires et psychiatriques. C'est ce qu'illustrent les résultats de l'étude Handéo puisque 28 % des établissements interrogés expliquent ne pas mettre en place d'action pour aider la personne sous tutelle à s'inscrire parce qu'ils « ne la jugent pas capable de voter ». Les raisons évoquées ? « Le développement mental des résidents est compris entre trois mois et deux ans », « Le public, dont le niveau de handicap notamment intellectuel est extrêmement sévère, n'est pas en capacité d'appréhender le sujet », etc. D'autre part, six structures considèrent que « ce n'est pas leur mission ».

Risque d'influence, manque de programme en FALC...

Au contraire, 38 % des établissements avaient mis en place des actions en ce sens : échange et partenariat avec la municipalité, visite du lieu de vote, atelier de sensibilisation, mise en place d'un transport adapté, lecture des professions de foi, échanges avec les tuteurs, informations en FALC (facile à lire et à comprendre)... « Cet accompagnement apparait comme d'autant plus important que l'inscription sur une liste électorale est une obligation de l'article L. 9 du Code électoral », souligne l'étude. Les principaux freins auxquels ils ont cependant dû faire face ? La compréhension et le recueil de l'avis des personnes avec une déficience intellectuelle sévère ou des troubles cognitifs importants, l'accompagnement de ces troubles le jour du vote et la mise à disposition humaine pour le permettre, le désintérêt de certaines personnes en situation de handicap sur le sujet, le risque d'influencer ou encore le manque de programme en FALC. Enfin, malgré des efforts pour proposer des bureaux de vote « exemplaires », notamment à Paris, (article en lien ci-dessous), certains restent inaccessibles aux personnes à mobilité réduite.

Quand le Covid-19 augmente les contraintes

En vue des élections municipales de 2020, 54 % des établissements interrogés avaient prévu de mettre en place des actions spécifiques pour aider les personnes à aller voter, soit une hausse de 16 % en un an. Mais, avec la crise sanitaire, difficile de savoir si elles ont abouti. « D'autant que le Covid-19 augmente les contraintes et réduit les ressources humaines pour aider aux gestes liés au vote », déplore Handéo. En effet, selon le Code électoral, les personnes sous tutelle ayant une « infirmité certaine » ne peuvent pas se faire accompagner par les professionnels qui travaillent dans l'établissement qui les accueillent. Certaines mairies avaient alors accepté, au premier tour des élections municipales, que les assesseurs accompagnent la personne dans l'isoloir. Cependant, avec le respect des gestes barrière et de la distance physique, plusieurs ont d'ores et déjà indiqué que cela ne serait plus possible pour le second tour.

Repenser le vote à distance

Face à ce constat, le gouvernement a prévu des aménagements pour élargir « le recueil des procurations ». A noter, pour les élections suivantes, que la procuration peut se faire à tout moment de l'année. « Par ailleurs, le vote par correspondance, qui avait été supprimé en 1975 au profit de la procuration, pourrait être envisagé à nouveau, voire être proposé de manière électronique », révèle-t-elle. Dans ce contexte pandémique, le second tour des élections municipales « sera peut-être l'occasion de repenser 'le vote à distance' », espère Handéo.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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