L'humain au cœur du concept ; logique pour un musée consacré à nos mœurs et nos coutumes. On appelle cela « l'ethnographie ». Le MEG (Musée d'ethnographie de Genève) se définit comme les « archives de la diversité humaine ». Il a réouvert ses portes le 31 octobre 2014, flambant neuf après quatre ans de travaux. En plein cœur de Genève. Le premier musée ouvert en Suisse depuis 40 ans !
Vaste comme un terrain de foot
L'esplanade devant le musée est aménagée en jardin d'agrément et offre un lieu de respiration, avec des accès en pente douce. La partie visible se démarque par sa toiture en béton recouverte d'une mosaïque de losanges en aluminium, sorte de tissage qui varie selon la lumière. C'est pourtant dans une « black box » que le visiteur est invité à pénétrer. Les trésors sont préservés en sous-sol, dans une sorte de sarcophage grand comme un terrain de football. La salle qui accueille l'exposition permanente, de 2 000 m2 d'un seul tenant, est divisée en 5 continents. Plus de 1 000 objets y sont présentés, sur les 80 000 que recèlent les collections du MEG. Un écrin d'Histoire millénaire (la plus vieille pièce, une urne asiatique, a 5 000 ans) résolument contemporain !
D'autres espaces culturels
Un espace contigu est dédié aux expositions temporaires (une ou deux par an). Ce sont les « Rois Michica » qui sont à l'honneur jusqu'au 3 mai 2015 ; on y découvre les divinités et le pouvoir dans le Pérou ancien à travers les trésors provenant d'une tombe mise au jour en 2008 sur la côte nord. Sous la majestueuse nef se niche une bibliothèque riche de plus de 45 000 livres et documents audiovisuels dédiés aux cultures des cinq continents. Au rez-de-chaussée, le hall d'accueil, le Café et la boutique ouvrent sur la ville. Dans cet écrin repensé, le MEG est également la promesse d'une autre scène culturelle à Genève puisqu'il propose des concerts, des cycles de cinéma, des spectacles, des ateliers et des rencontres.
Tous les publics bienvenus
Au cœur du nouveau MEG, les publics occupent une place de choix. Tous les publics ! Soucieuse d'en faire une zone de contact entre les cultures et les publics de tous âges, la médiation met en place des moments privilégiés autour d'activités fédératrices chaque premier dimanche du mois, jour de gratuité. Il a vocation à ne marginaliser aucun public, qu'il soit en situation de handicap physique ou économique. Il propose même des actions destinées aux personnes en situation illégale qui craignent d'être visibles, contrôlées et repérées.
Pour les visiteurs handicapés
Qu'en est-il pour les visiteurs handicapés ? Le principe est assez différent de ce qui est prôné en France, une visite en all inclusive où chaque visiteur doit pouvoir se débrouiller par lui-même, en totale autonomie. Ici, selon Mauricio Estrada Muñoz, responsable de l'unité « Publics », on favorise le « lien social » ; c'est pourquoi les visiteurs handicapés sont invités à se signaler en amont pour que le meilleur accueil leur soit réservé. Un peu contraignant ? Pour les personnes avec une restriction de mobilité, pas de souci. L'accès est total : plans inclinés, ascenseur et visite en sous-sol de plain-pied. Pour le public déficient auditif, des boucles magnétiques sont mises en place dans l'auditorium et des visites en langue des signes sont programmées tout au long de l'année. Dans le cadre de la « politique inclusive », ces visites, qui permettent une approche plus sensorielle, sont destinées à tous les publics. Portes grandes ouvertes également aux personnes avec un handicap mental, en collaboration avec les associations qui, selon Mauricio « sont heureuses d'être partie prenante avec l'envie d'être bousculées et de participer à la fête ».
Un musée hyper connecté
Enfin, pour les personnes déficientes visuelles, l'audioguide (tout public) propose des commentaires sur 30 objets de l'exposition de référence, chefs d'œuvre des collections. On peut néanmoins regretter le fait que toutes les pièces sont sous vitrine et qu'aucune reproduction n'étant mise à disposition la découverte tactile est impossible. Enfin, le MEG étant un musée moderne et connecté, une large palette d'outils interactifs permet accéder à toutes les informations sur les expositions (notices, textes, photos, cartels, plans) et d'approfondir ses connaissances (archives, parcours, thématiques transversales, films, articles, conférences) ; accessible depuis n'importe quel smartphone ou tablette par Wifi au musée ou ailleurs (tablettes en prêt à la billetterie).
Une vague contre la barbarie ?
Le MEG est l'un des nombreux musées qui ont ouvert ces dernières années en Europe sur le thème de l'ethnographie : celui de Vienne ou de Cologne, le Quai Branly à Paris en 2006 (article en lien), le MuCem à Marseille consacré aux civilisations de la Méditerranée (article en lien) ou, dernièrement, en décembre 2014, celui des Confluences à Lyon. Y sont révélés les us, les richesses et parfois les abominations de la longue histoire des Hommes, à travers des objets du quotidien ou sacrés. Le MEG, comme ses confrères, entend contribuer à la compréhension de l'autre, créer du lien humain et du vivre ensemble et lutter contre toute forme de barbarie. Dans une vitrine, il y a là une petite fiole en terre ; elle renferme les cendres d'un adolescent. Dans certaines tribus d'Asie, certains étaient sacrifiés pour apaiser les divinités. On les enterrait vivants, seule la tête dépassant jusqu'à les entendre supplier grâce en se disant prêts au sacrifice. On leur coulait alors du plomb en fusion dans la bouche… Le supplicié était ensuite incinéré et ses cendres enfermées dans une urne. Des objets pour se souvenir, comprendre et, peut-être, évoluer…