Des mesures d'urgence en faveur de la psychiatrie ? Ce plan a été présenté le 26 janvier 2018 par Agnès Buzyn, ministre de la Santé. Dans un entretien au Monde, elle livre son constat sur ce secteur, « paupérisé » et « en souffrance ». Et déclare : « En psychiatrie, il y a le pire et le meilleur.»
Un milieu en crise
En témoignent plusieurs grèves qui ont eu lieu ces derniers mois dans les hôpitaux pour dénoncer les conditions de travail et la dégradation de l'accueil des patients. Pourtant, les besoins sont en constante augmentation, parce que la société est de plus en plus dure, qu'il y a plus d'addictions, moins d'accompagnement des familles… Cette souffrance n'épargne pas davantage les professionnels. Faut-il rappeler que la maladie psychique touchera une personne sur cinq, voire une sur quatre au cours de sa vie ? La ministre affirme donc vouloir faire de la psychiatrie « une priorité de santé ».
12 mesures d'urgence
Six rapports ont été produits en 5 ans, avec les mêmes constats, les mêmes recommandations. Agnès Buzyn n'a donc pas souhaité en commander un nouveau mais a défini 12 mesures d'urgence (vidéo et en lien ci-dessous), issues des propositions formulées en décembre 2017 par l'ensemble des représentants de la psychiatrie française. Parmi elles, un stage obligatoire en santé mentale pour tous les futurs généralistes, de la formation continue pour les infirmiers, des revalorisations des consultations pour la pédopsychiatrie en ville et des consultations complexes spécialisées pour les médecins généralistes. Le plan proposé semble répondre aux préoccupations des familles dont un proche vit avec des troubles psychiques sévères et persistants : la destigmatisation, la prévention et le repérage précoce des troubles pour éviter, voire limiter le handicap psychique, la formation des médecins généralistes pour une prise en charge conjointe du somatique, du psychique et des addictions.
Des actions concrètes
L'Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) dit se « satisfaire de l'implication » de la ministre mais attend maintenant des actions concrètes. « Ces orientations, comme la progression des recherches sur l'étiopathogénie des maladies, sur les traitements individualisés, pourraient apporter des réponses qui s'inscrivent sur le moyen, voire le long terme », explique l'association dans un communiqué. Elle réclame, à ce titre, que les soins et accompagnements qui sont proposés tiennent compte des données de preuve internationales sur la prise en charge des maladies psychiques. Sans cela, ce serait, pour tous les patients, une « réelle perte de chance ». Mais, selon elle, « les familles se préoccupent tout autant de ceux qui vivent aujourd'hui avec ces troubles sévères ».
Quelles priorités pour les familles ?
L'Unafam définit ses priorités : un bilan approfondi (en centre de bilans cognitifs et fonctionnels, centre expert, centres référents…), un projet de soins et d'accompagnements réellement personnalisé (accès à toutes les techniques disponibles, concertation pluridisciplinaire…), un suivi du patient dans son programme de soins vers le rétablissement (bilan régulier, évaluation…). Elle défend également la nécessité d'impliquer le patient (psychoéducation, information, restitution…) et de soutenir l'entourage, sans oublier les fratries. Enfin, elle souhaite aussi que soit renforcé le lien entre le secteur sanitaire et médico-social et le social. Cela suppose, par exemple, une offre de logements et d'hébergements adaptés mais aussi des réponses aux besoins d'insertion sociale, d'éducation, d'emploi. L'association constate que les personnes malades psychiques sont encore trop souvent hébergées par leur famille, seules dans un logement vétuste, dans la rue, en prison, ou encore en hospitalisation « inadéquate »…
Parent pauvre
Agnès Buzyn a promis que ce « parent pauvre » de la médecine allait bénéficier de plus de moyens, ou plutôt que son budget serait préservé. « La psychiatrie sera l'une des premières disciplines concernées par les financements des parcours innovants, tels que prévus par l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale », a-t-elle déclaré en clôture du Congrès de l'Encéphale à Paris. Elle n'a cependant pas fourni de chiffres.