« L'art est une garantie de santé mentale », disait la sculptrice Louise Bourgeois. Cette théorie, Philippe Courtet, chef du service de psychiatrie et de psychologie médicale au CHU de Montpellier, l'a récemment prise au mot. Inspiré d'une expérimentation canadienne, le professeur Courtet a développé en mars 2022 le premier projet partenarial d'« Art sur ordonnance » en France, avec son centre hospitalier et le MO.CO (Musée contemporain de Montpellier). L'idée ? Prescrire des sessions d'art à ses patients.
Des effets anti-dépression
« Des études ont montré que fréquenter des lieux d'art a un effet protecteur sur l'apparition de la dépression », explique Stéphanie Delpeuch, responsable du service des publics au MO.CO. En effet, un rapport de l'OMS datant de 2019 indique que l'engagement artistique et la participation à des activités créatives procure un large éventail de bénéfices : la promotion du bien-être, de la qualité de vie, de la santé physique et mentale et du capital social. Depuis le lancement il y a un an, ce sont plus d'une trentaine de personnes avec des troubles psychiques qui ont suivi un parcours artistique sur un mois, à raison d'une séance de deux heures par semaine au sein du musée montpelliérain. Au menu : des rencontres avec les œuvres et les artistes engagés dans la démarche, des visites d'expositions et bien sûr, des ateliers pratiques en lien avec la programmation du MO.CO.
Différent de l'art thérapie
Les participants se sont par exemple essayés à une approche méditative autour de l'aquarelle, à la chorégraphie face aux œuvres de l'artiste Anne Lopez ou encore à l'exploration de matériaux bruts avec la sculptrice Suzy Lelièvre. « Par la rencontre avec l'art, les participants aux ateliers peuvent ainsi s'évader, aborder les thématiques artistiques et sociétales qui animent les artistes et découvrir leur propre créativité », affirme le CHU de Montpellier. Différente de l'art thérapie qui est une technique de soin, cette approche est purement artistique et non remboursée par l'Assurance maladie. Pourtant, ses effets sont tout aussi prometteurs.
Un questionnaire pour partager des ressentis
Ce projet pilote doit permettre aux équipes médicales d'évaluer l'impact de l'intervention artistique sur le bien-être mental des patients. Ces derniers sont donc invités, à chaque fin de séance, à remplir un questionnaire pour partager leurs ressentis. Résultat, ce dispositif « a globalement suscité l'adhésion du public avec des premiers effets positifs sur les symptômes dépressifs, admet Stéphanie Delpeuch. Ça crée une motivation pour reprendre une activité artistique ou créative par la suite -par exemple la cuisine pour certains- mais aussi du lien ; un pique-nique a ainsi été organisé entre patients après l'un des ateliers » .
Pratiqué depuis 30 ans au Royaume-Uni
Fort de son succès en 2022 et du soutien de l'Agence régionale de santé (ARS) et de la Direction des affaires culturelles (DRAC) d'Occitanie, « Art sur ordonnance » est reconduit en 2023, avec deux séquences, au printemps et à l'automne. Ce programme inspire d'autres régions qui « ont manifesté un intérêt particulier et souhaitent reproduire notre modèle », s'enthousiasme Stéphanie Delpeuch. Un modèle qui n'est pourtant pas « made in France » et qui a d'abord émergé outre-Manche. L'art sur ordonnance se pratique en Grande-Bretagne depuis une trentaine d'années pour compléter les thérapies conventionnelles et au Canada depuis environ cinq ans, initié par le musée des Beaux-Arts de Montréal et l'Ordre des médecins au Canada. Les médecins peuvent y prescrire jusqu'à cinquante visites de musées par an à leurs patients !