Une brillante carrière dans le conseil en entreprises, deux filles sublimes, un mari aimant rythment la vie à cent à l'heure de Nadalette La Fonta, véritable Wonderwoman des temps modernes, une « madame parfaite qui n'a jamais de collants filés ». Jusqu'au jour où le poids de son quotidien effréné devient lourd. Trop lourd. « Mon corps maltraité, comme le monde aujourd'hui, était fracassé, brisé, épuisé, douloureux, au bord du gouffre », écrit-elle dans Nos tempêtes sont à la hauteur de nos rêves (Guy Trédaniel éditeur), un « manifeste pour ne pas passer à côté de sa vie », en librairie le 25 août 2022.
Privée de ses jambes et de sa liberté
Cette souffrance atteint son paroxysme le 14 octobre 2014. Nadalette entre à l'hôpital « sur ses deux jambes », pour subir une arthrodèse, une opération de la colonne vertébrale qui doit corriger sa scoliose. Elle en ressort, deux jours plus tard, paraplégique... « Ecroulée, tétanisée, sidérée sous le choc... » Les adjectifs manquent pour définir son désespoir. Cloîtrée neuf mois à l'hôpital, le confinement, elle connaît, mais « en taille XL ». Non pas en termes d'espace, sa chambre ne dépassant pas les 10 m2, mais de restrictions. « D'hyperactive, travaillant dans de grandes entreprises à l'international, je suis devenue incapable de lire, d'écrire, enfermée et limitée dans mon esprit. A l'horizontale et déconnectée. D'actrice de ma vie, je suis devenue spectatrice du néant », écrit-elle. « D'indépendante à dépendante. Plus femme, plus mère, plus personne, plus rien », insiste-t-elle. Une période douloureuse, certes, mais nécessaire, selon elle, pour aller à la rencontre de soi.
La renaissance du phénix
Tel un « phénix », « c'est dans cet état, par cet état, que je me suis réinventée », se félicite-t-elle. Ce diagnostic marque finalement le début d'une nouvelle vie, faite d'écriture, d'aventures, d'optimisme aussi. Aujourd'hui auteure, conférencière, Nadalette « aime sa vie ». De cet évènement tragique, elle garde une rage de vivre et un mental d'acier. Son credo, dont elle a fait une conférence TedX (article en lien ci-dessous) : « Rien ne nous arrive par hasard ». Après une longue et laborieuse rééducation, progressant de son lit à une table de verticalisation, puis d'un fauteuil roulant à un déambulateur, Nadalette parvient à remarcher, à l'aide d'une canne, mais qu'importe, elle a déjoué tous les pronostics des médecins. Après des années sur un chemin jalonné d'incertitudes, d'angoisses, de plaintes, d'attente, parfois suppliant à genoux, elle emprunte une nouvelle route, campée sur ses deux pieds, « celle de l'immensité des possibles ». Larguez les amarres, cap vers « l'inconnu » !
Le récit, un don de soi
Poignant, inspirant, ce livre de 339 pages regorge de témoignages personnels, intimes. Des « confidences » mises en lumière par une plume ciselée, un style cash et une écriture à la fois accessible et percutante... Le tout parsemé de conseils pour « vivre notre authenticité » et d'incitations à l'amour, l'amour de soi. La recette d'un livre de développement personnel réussi ? « La vie de chacun d'entre nous n'est pas déterminée d'avance, elle s'écrit chaque jour, différente et enrichie de l'expérience du jour d'avant », exprime-t-elle. L'écriture, plus qu'un exutoire, est une nécessité, « des petits cailloux blancs » qu'elle sème ici et là pour encourager, motiver, transmettre son expérience. « Le texte m'habite. (...) Mes récits construisent en moi, ce sont des bâtisseurs, ils sont une part de moi. Ils laissent des traces, ils marquent ma vie, ils sont chemin et cheminement », confie l'auteure.
Pas un « role model »
Nadalette ne se considère pas pour autant comme un « role model » pour la simple et bonne raison qu'elle « ne joue plus de rôle ». Longtemps « j'étais, comme beaucoup d'entre vous, pétrifiée par la peur d'être rejetée, abandonnée, de disparaître, 'disparêtre', mourir encore -symboliquement- dans la vie sociale », confie-t-elle. « Quand on se fige dans un rôle, il devient notre geôlier », écrit-elle plus tard, incitant à emprunter le chemin de la liberté. Aujourd'hui, « vieille ou pas, handicapée ou pas, je suis libre ! J'entends le demeurer. ».
Une urgence de vivre « viscérale »
Cela passe aussi par l'acceptation de la mort, un thème prédominant tout au long du livre. Comme une ombre qui rôde depuis toujours. Elle a appris bien des années plus tard que son frère jumeau était mort à la naissance ; elle dit « être née avec un mort sur les bras, avoir peut-être senti sa vie se finir… » Ce passage est cinglant, déchirant. Plus loin, l'auteure se souvient de Dominique, la grande sœur de sa copine d'école, qui « éclairait son enfance solitaire », et s'est éteinte à la suite d'un accident de voiture. Plus tard, d'autres amis la rejoignirent, ses parents, ses frères... « Ces peines, cette confrontation révélatrice (...) nous accompagnent dans la levée du voile de notre existence : notre temps est fini. (...) Il se raccourcit et l'urgence de vivre est viscérale, impérieuse », livre-t-elle. « La mort nous rattrape toujours : notre seul choix est de décider si c'est pour mourir ou pour crever », poursuit-elle.
Une ode à la vie
Aujourd'hui « je SUIS. Je vis », proclame Nadalette. « Il y a une vie après le handicap, avec le handicap », affirme-t-elle. La sienne est « belle et choisie ». « Nous sommes magnifiques, paradoxalement, parce que nous sommes fragiles et vulnérables », estime-t-elle. Son livre s'achève donc par une ode à la vie, s'inspirant d'une phrase de Boris Cyrulnik qui, selon elle, devrait être gravée sur le fronton des écoles : « Tout reste heureusement possible dans la partie d'échecs de nos vies. Tant qu'elle n'est pas terminée, il reste de jolis coups à jouer ». Quel pion allez-vous avancer ?