Wonderwoman, alias Madame Parfaite, c'est comme ça que se définit Nadalette La Fonta-Six. « Madame Parfaite a un pied dans l'avion et un autre sur ses Louboutins. Madame Parfaite, c'est un peu la déesse Shiva, elle a le discours de son boss dans une main, les places pour le spectacle qu'elle doit aller voir avec son mari dans l'autre, son ordinateur, son téléphone... Sans compter les gâteaux humides que ses enfants lui ont aimablement laissés dans sa parka. » Une vie bien remplie, une carrière internationale, trois filles « sublimes »... Puis, subitement, tout bascule. Le 14 octobre 2014, elle entre à l'hôpital « sur ses deux jambes », pour subir une arthrodèse, une opération de la colonne vertébrale, et en ressort paraplégique... Un diagnostic difficile à accepter mais qui marque le début d'une nouvelle vie, qu'elle raconte dans sa conférence Tedx « Rien ne nous arrive par hasard ». Un an après sa publication, la vidéo a dépassé le million de vues. Les quatre ingrédients d'un tel succès : humour, détermination, résilience et dépassement de soi.
Une vie professionnelle épanouie
« A la naissance, j'ai tiré la carte '50 % de chance de finir à la poubelle', ce qui m'a donné un sens aigu de la survie », annonce-t-elle en préambule. Les « croyances » sur lesquelles elle s'est construite ? « Je n'ai pas mal », « Rien ne peut m'atteindre », « Je suis toute puissante ». Selon elle, ces convictions sont un peu comme des « béquilles », elles permettent de trouver son équilibre jusqu'au jour où l'on n'en a plus besoin. « Moi je n'ai plus de béquilles, enfin pas celles-là », sourit-elle. Déterminée et ambitieuse, elle démarre sa vie professionnelle « à fond les manettes », enchaînant les jobs les plus prestigieux, les patrons les plus charismatiques, les budgets les plus faramineux, les marques les plus florissantes... « Je savais qu'il y avait deux clés au bonheur : l'indépendance financière et la conformité au modèle socio-professionnel ». Le hic, c'est que, pour réussir, il faut plaire et pour plaire, il faut parfois abandonner ses rêves, estime-t-elle. « Le mien ? Devenir écrivain », révèle Nadalette. Un emploi inaccessible et peu rentable, selon elle, qu'elle décide donc de mettre « au placard ».
Quand le corps dit stop
C'est entre 20 et 30 ans que les premières douleurs de dos apparaissent mais « pas le temps de s'en occuper ». Puis vient la quarantaine, l'amour, la maternité... « Tout était acquis, rien ne pouvait m'arriver », raille-t-elle trois décennies plus tard. « Après l'avoir nié pendant des années, mon corps s'est rappelé à moi en 2013 et m'a mise KO », poursuit-elle. La petite scoliose qu'elle pensait inoffensive s'est transformée en « double courbure de 73 degrés ». « C'est énorme, assure-t-elle. Ce sont les 'vieilles' que vous voyez passer à l'horizontal, le nez sur le trottoir ». Elle s'écroule physiquement... Seule solution : ouvrir sa colonne vertébrale, des cervicales aux lombaires, et y introduire deux tiges de titane. « Mes copines disaient : 'Tu ressembleras à Madonna après cette opération, moi je pensais plutôt à Frida Kahlo, quant au chirurgien, il était plus nuancé : 'Vous ne serez pas la reine de la zumba mais, dans deux mois, votre vie aura repris son cours' ».
Spectatrice de sa propre vie
A son réveil, le lendemain, c'est le choc : « Madame, votre moelle épinière est lésée, vous ne remarcherez jamais, vous êtes paraplégique ». « J'ai regardé ces médecins qui, 24 heures plus tôt, se targuaient de transformer ma vie en tellement mieux et me suis demandée au nom de quoi le script avait changé. Ne plus marcher ? Impossible ! », affirme-t-elle. Après 9 mois d'hospitalisation, progressant de son lit à une table de verticalisation, puis d'un fauteuil roulant à un déambulateur, Nadalette parvient à remarcher en partie mais oscille entre efforts et douleurs. Durant cette période, « mon corps et moi avons été traités comme des objets qu'on piquait, lavait, sondait, auscultait, pinçait... Pendant 9 mois, je n'étais plus personne : ni mère, ni femme, ni amante, ni manager, plus rien. Wonderwoman était devenue une charge et mes proches, ceux que j'appelle mes 'aimants', mes aidants », se souvient-elle avec émotion. Son corps devient alors son « maître » et décide de ce qu'elle peut faire et quand, autrement dit pas grand-chose. Oublié le temps où elle pouvait sortir à l'improviste, aller faire une course seule, « vivre comme eux, vivre comme vous »... « D'actrice de ma vie, je suis passée spectatrice, d'indépendante à dépendante, d'une femme hyperactive à une autre incapable de lire ni même d'écrire... », livre-t-elle.
Le rêve devient réalité
La colère, la tristesse, le déni, la négociation... Elle traverse toutes les étapes du deuil, jusqu'à l'acceptation et la « transformation ». Plus qu'une épreuve initiatique, c'est une véritable « renaissance ». « Le jour où je me suis donnée de l'amour, de la tendresse, du temps, de l'écoute, de la lumière, tout est devenu possible, témoigne-t-elle. J'ai un handicap invisible, mais important, mais je ne suis pas mon handicap ». Aujourd'hui, Nadalette se tient debout et a réalisé son « rêve d'ado » : publier son premier livre Le roseau penchant, histoire d'une merveilleuse opération, le 15 octobre 2017, trois ans jour pour jour après son « accident opératoire ». « Le roseau, vous savez celui qui plie mais ne rompt pas... », conclut-elle. Morale de l'histoire : « Rien ne nous arrive par hasard ».
En octobre 2019, elle a reçu le prix « Accidents de la vie » lors de la cérémonie des Re.StartAwards, qui distingue les entrepreneurs qui ont su rebondir après une épreuve, tels que Philippe Croizon, athlète quadri-amputé, et Virginie Delalande, avocate sourde. Leur point commun : bouger les lignes et changer la perception de la société française sur la différence et l'échec.