Handicap.fr : Que raconte votre film ?
Nils Tavernier : Comme tous les ados, Julien (Fabien Héraud) rêve d'aventure et de sensations fortes. Mais lorsqu'on vit dans un fauteuil roulant, ces rêves sont difficilement réalisables. Pour y parvenir, il met au défi son père (Jacques Gamblin) de courir avec lui l'Ironman de Nice, un triathlon surhumain : 3,8 km à la nage, 180 en vélo et 42 en course à pied ! Autour d'eux, c'est toute une famille qui va se reconstruire pour aller au bout de cet incroyable exploit.
H.fr : Comment est né ce projet ?
NT : Cela fait 20 ans que je m'intéresse aux enfants et à la maladie. J'ai constaté que, dans certaines pathologies, les enfants pouvaient rayonner d'une énergie incroyable qu'ils transmettaient autour d'eux, à leur famille mais aussi à moi. Du coup, je voulais raconter une histoire qui parlait de çà. Dans mon film, Julien est, certes, handicapé mais on l'oublie rapidement. Je trouve cela magnifique !
H.fr : C'est avant tout un film solaire et tourné vers la vie…
NT : Au début du film, on est dans une famille paralysée, entre une mère qui surinvestit son fils et un père trop souvent absent. Très vite, cette structure se débloque et les personnages reprennent goût à la vie avec l'objectif de cette course. J'ai voulu un film à la fois émouvant et plein d'espoir. Cette histoire c'est surtout celle d'un môme qui révèle à ses parents qui ils sont profondément.
H.fr : Comment avez-vous choisi le jeune Fabien Héraud ?
NT : Nous avons sillonné la France pendant près de 5 mois et visité 170 établissements pour trouver un jeune qui avait une différence clinique manifeste. J'avais demandé à ces résidents de m'envoyer des films d'eux. C'est le kiné de Fabien qui lui a suggéré l'idée. En cachette de ses parents, il nous a fait parvenir un clip qu'il avait réalisé avec une bande de copains, où on le voyait déconner avec son fauteuil. Il avait un sourire désarmant. J'ai fait un essai et il dégageait une lumière évidente. Pour moi, Fabien, c'est un soleil !
H.fr : De quelle façon l'avez-vous préparé à ce rôle ?
NT : Fabien s'est engagé à travailler pendant 4 mois avec un directeur d'acteurs, pour perfectionner sa diction, son phrasé et ses émotions. Jacques Gamblin a été exemplaire, et s'est senti responsable de lui, l'a aidé à jouer. Tandis qu'Alexandra Lamy a rencontré ses parents pour se familiariser avec tous les gestes du quotidien.
H.fr : Et lors des neuf mois de tournage, quel acteur était-il ?
NT : Fabien est un grand déconneur et, dès la première journée, il a fait l'unanimité parmi les 200 personnes présentes autour de lui. Il n'avait que des fans… C'est un acteur magnifique, qui connait son texte et est toujours à l'heure. Il est ultra facile à diriger et je le recommande à tous les réalisateurs. J'ai déjà fait pas mal promo avec lui et j'ai l'impression d'être avec Madonna. Le public se l'arrache…
H.fr : Fabien pourrait-il poursuivre une carrière dans le cinéma ?
NT : On s'inquiète toujours de l'après d'un acteur après son premier rôle. Et j'ai moi-même eu peur qu'il ait un super coup de blues car il trône en majesté sur toutes les affiches ! Mais, à la fin du tournage, il n'a pas non plus été lâché seul dans la nature. Fabien dit avoir vécu une expérience exceptionnelle mais a conscience que sa vie ne va pas forcément changer pour autant. Il a les pieds ou plutôt les « roues » sur terre. Il sait aussi qu'il ne deviendra pas Alain Delon. Il est très en place et bien encadré par ses parents. Sa vie continue ; il a passé son bac et son permis de conduire et veut faire des études de com.
H.fr : Quelle est l'identité première de votre film ?
NT : C'est à la fois un film sur le dépassement de soi et le « déplacement » car l'Ironman ce sont trois supports de déplacement : le vélo, la nage et la course. Je ne devais pas entrer dans le misérabilisme et ce n'était pas facile car j'ai un côté nunuche et romantique. Malgré le sujet, je voulais faire un film avec une énergie résolument positive et contagieuse, et je crois que c'est gagné. Le papa d'un jeune homme handicapé m'a dit : « Je suis bien embêté car, maintenant, mon fils me demande de courir un Ironman avec lui... »
« De toutes nos forces », de Nils Tavernier
Avec Jacques Gamblin, Alexandra Lamy, Fabien Héraud
Sortie le 26 mars 2014