ROSA KHOUTOR (Russie), 09 mars 2014 (AFP) -
McFadden, 24 ans, adoptée à l'âge de 6 ans par sa mère américaine, avait en effet décidé de faire venir à Sotchi la famille de sa mère biologique, Russe. Dans le public également: la directrice de l'orphelinat de Saint-Pétersbourg, hurlant le nom de cette petite fille que les médecins ne pensaient pas voir survivre.
Le grand voyage de Tatyana a débuté à l'époque de la Perestroïka. Face à ce bébé atteint d'une malformation de la colonne vertébrale et qui avait appris à se déplacer avec les mains, sa mère russe doit se résoudre à la confier à un centre, où elle ne peut même pas disposer d'une chaise roulante. Totalement paralysée en dessous de la taille, la petite Tatyana est une battante. Quand Deborah McFadden, chargée d'une commission sur le handicap aux Etats-Unis, visite l'orphelinat de Saint-Pétersbourg, dans le cadre d'une mission, au début des années 90, elle ne peut pas oublier la fillette. Et elle décide de l'adopter.
Double naissance
"Si elle n'avait pas été adoptée, elle serait morte", explique Mme McFadden à l'AFP, entre deux applaudissements à sa fille: "Elle était très malade, elle avait subi de nombreuses opérations et les médecins disaient qu'elle devait se renforcer. Alors je lui ai fait faire du sport". "Elle a survécu contre toutes les évidences, elle a démontré que nous ne connaissons pas notre potentiel, que nos limites sont en fait définies par les
autres".
A côté de Deborah, Nina Polevikova, la mère biologique de Tatyana, venue à Sotchi avec plusieurs des cousins de la jeune athlète de 24 ans, bannière étoilée au vent frappée d"un "Go Tatyana Go!" tout en hurlant "Davai!" (Allez !) en russe. "Beaucoup de gens ne veulent pas connaître leur mère biologique, mais Tatyana le voulait, car pour elle sa mère lui avait donné deux fois la vie, à sa naissance et en signant les papiers pour l'adoption", explique Mme McFadden. Dans une scène chargée d'émotion, sitôt franchie la ligne d'arrivée en 5e position, Tatyana, dans sa chaise, tombe dans les bras de ses deux familles. "Je suis si fière, c'est incroyable", s'écrie Mme Polevikova. "J'avais pu les voir avant la course, et cela m'a dopée", explique Tatyana. "J'ai couru pour ma famille aujourd'hui. C'est le moment dont j'ai toujours rêvé".
Médaillée d'or à Londres
Star des jeux Paralympiques d'été, avec trois médailles d'or à Londres en 2012 en chaise roulante, Tatyana a aussi remporté quatre marathons majeurs en 2013. Devenue une figure du sport paralympique américain, la jeune femme est passée sur la neige et au ski de fond en 2013 seulement. Alors qu'elle était au lycée, sa famille avait gagné une bataille judiciaire de quatre ans pour que leur fille handicapée ait le droit de courir aux côtés de ses camarades valides. Un combat qui avait mené à l'adoption de la loi dite Tatyana dans son Etat du Maryland.
"Elle est talentueuse, elle a un mental d'acier et elle a réalisé ses objectifs", se félicite Natalia Nikiforova, directrice de l'orphelinat numéro 13 de Saint-Pétersbourg, celle qui avait accompagné Tatyana pendant ses
premières années. Selon elle, Deborah McFadden a joué un rôle clef dans les succès de Tatyana, en la faisant pratiquer le sport et en la plaçant dans le meilleur environnement possible. Mais c'est sans doute sa mère biologique qui lui a transmis son caractère: "Elle est née avec". "Cela signifie beaucoup qu'elle vienne en compétition en Russie", insiste Mme Nikiforova: "Je suis fière de Tanya. Et je suis fière qu'elle ait été ma fille pendant six ans".