Début septembre 2017, Saint-Martin a été en grande partie ravagée par les ouragans Irma et Maria. Longtemps sans connexion Internet ni communication téléphonique, l'île franco-néerlandaise se trouve sans eau courante depuis le 6 septembre. Malgré des opérations de déblaiement, engagées notamment par les militaires et pompiers mobilisés sur place, l'accessibilité des personnes en situation de handicap se trouve entravée. Si certains doivent faire avec les moyens du bord, d'autres cherchent à se faire rapatrier en métropole.
Internet par intermittence
Jean-Philippe Sensey, bénévole au service juridique de l'association Les Axes et cibles pour tous, se déplace souvent en fauteuil. Atteint de douleurs chroniques au dos, il porte un corset pour soulager ses lombaires. Le juriste s'estime heureux de vivre près de l'aéroport : dans cette partie de l'île, la communication téléphonique et l'accès à Internet sont rendus possibles plusieurs fois dans la journée, contrairement à d'autres zones plus reculées. Mais les risques d'électrocution et les routes encombrées compliquent chaque déplacement.
L'hôpital, seul centre de soins de l'île
Le toit de sa maison, en grande partie endommagé, l'oblige à écoper de grandes quantités d'eau. Une tâche rendue d'autant plus difficile par son handicap. « Je passe mon temps à éponger, explique-t-il. Je devrais rentrer à Bordeaux pour me faire opérer du dos mais je ne suis pas considéré comme prioritaire par l'hôpital, qui privilégie les enfants et les plus grabataires. En attendant, je dois tout faire seul. L'hôpital est partiellement détruit et le personnel médical est débordé. Comme tous les infirmiers libéraux sont concentrés là-bas, il n'y a pas d'autre lieu pour accéder aux soins sur l'île pour le moment. »
Le difficile accès aux médicaments
Au supermarché, les détenteurs d'une carte d'invalidité passent en priorité. « Avec une amie en situation de handicap, nous nous sommes fait huer parce que nous passions avant les autres, poursuit Jean-Philippe. Ma voisine de 70 ans a des prothèses de hanche en titane. Elle doit boire beaucoup et prendre un traitement médicamenteux tous les jours, sans quoi elle ne peut pas se lever sans douleur. J'ai cherché à lui fournir ces médicaments mais ils ne sont disponibles nulle part sur l'île, pas même à l'hôpital. » Fin septembre, 18 conteneurs devaient arriver de Guadeloupe pour apporter des vivres (eau potable, nourriture, médicaments) ; selon Jean-Philippe, seuls 8 ont été réceptionnés pour le moment.
Des soins impossibles sans eau courante ni électricité
Patricia Guilbert, installée à Saint-Martin depuis 2009, estime quant à elle que beaucoup de choses ont dû être réglées en priorité par les équipes mobilisées sur place : bâchage des toits, déblaiement des routes, distribution d'eau et de nourriture… Sa maison a tenu bon mais Patricia a quitté l'île pour sa fille Séverine, tétraplégique et en état pauci-relationnel (qui correspond à un état de conscience minimal). « Après l'ouragan, l'auxiliaire de vie de Séverine, dont la maison a été détruite, n'a pas pu travailler pendant neuf jours. Comme ma fille nécessite une assistance 24 heures sur 24 et que nous n'avions plus ni électricité, ni climatisation, ni eau courante, nous ne pouvions pas continuer comme ça, confie-t-elle. La grosse difficulté était de monter son lit électrique à l'étage, qui n'était pas inondé. Nous devions être au moins deux pour ça. » Atmosphère lourde et humide, manque d'hygiène, chaleur environnante sans aération… Rester sur l'île relève donc du challenge pour les personnes nécessitant beaucoup de soins. « Tous les mois, Séverine doit se rendre à l'hôpital pour un examen vital. Vu les circonstances actuelles, j'ai préféré partir. »
Rapatriement sanitaire indispensable
Séverine et sa mère ont été rapatriées en vol médicalisé le 25 septembre. Un déplacement rendu possible grâce à un médecin du SAMU et au médecin traitant de Séverine. « Nous sommes arrivées en Guadeloupe par vol militaire, avant une nuit à l'hôpital de Pointe-à-Pitre, puis un vol civil vers la métropole. » Séverine est aujourd'hui hospitalisée à Garches ; sa mère loge temporairement dans une chambre de la Maison des familles de l'hôpital. Originaire du Nord-Pas-de-Calais, Patricia compte s'installer avec sa fille chez son frère, en attendant que le T2 qu'il leur a trouvé se libère, le 16 octobre. Le fruit d'une belle mobilisation, qui témoigne pourtant de l'ampleur des dégâts subis notamment par les personnes en situation de handicap sur l'île franco-néerlandaise.
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