Avec 100 millions de trajets par jour, l'ascenseur est le premier moyen de transport en France. Et, lorsqu'il déraille, des vies s'en trouvent parfois chamboulées. En premier lieu, les habitants en situation de handicap qui sont alors confinés à demeure. Des jours, des semaines, parfois des mois. Dans l'urgence, qui paye l'hôtel ? Réponses à travers un exemple concret…
Un étudiant à la rue !
Kevin Fermine, un étudiant qui vit au premier étage d'un logement social à Toulouse, en a fait les frais. Il est en fauteuil roulant électrique et a besoin d'une assistance humaine chaque nuit. Un soir, son ascenseur tombe en panne alors qu'il est chez lui. Mais, le lendemain, il doit se rendre à l'université pour passer un partiel. Pas d'autre choix que de solliciter quatre voisins « très costauds » qui descendent son fauteuil puis lui-même à la force des bras : 180 + 50 kilos. A son retour, l'ascenseur n'est toujours pas réparé. Il appelle donc son bailleur pour qu'il prenne en charge deux chambres d'hôtel (pour lui et son aide de vie).
J'irai dormir chez vous ?
Dans un premier temps, son interlocuteur refuse en lui conseillant de contacter directement l'ascensoriste puis son assureur habitation. Kevin connaît ses droits, il insiste et finit par obtenir gain de cause pour une nuit. Le lendemain, même combat. Son bailleur consent à prendre en charge ses frais de résidence tant que le problème n'est pas réglé. Deuxième coup dur, quelques semaines plus tard, même carnaval avec le service d'astreinte qui lui suggère de se faire héberger par un résident… du rez-de chaussée (sic) !
Kevin, militant acharné -on le connaît pour ses coups de gueule récurrents envers des magasins pour refus de chien guide ou un incontournable transporteur ferroviaire (Lire : Il accuse la SNCF d'atteinte à sa dignité : débouté!)-, n'a pas lâché l'affaire. Mais combien d'autres locataires, faute de connaissance de la loi, restent piégés ?
L'Union des locataires indépendants répond
Alors qui est responsable ? Handicap.fr a posé la question tout d'abord à Alexandre Guillemaud, chargé de mission de l'Union nationale des locataires indépendants (Unli).
• A qui incombe la responsabilité dans un tel cas ?
« Elle revient au bailleur. En effet, le locataire a le droit à une 'jouissance paisible' au sein des lieux qu'il loue (art. 6 de la loi du 6 Juillet 1989 et art. 1719 du Code civil). » Le bail crée des obligations entre le propriétaire et le locataire.
• Une limite de temps peut-elle être fixée pour la prise en charge hôtelière ?
« Non, elle doit être accordée tant que le locataire ne peut pas avoir accès à son logement. »
• Peut-on opposer à Kevin qu'il a quitté son appartement alors qu'il savait qu'il ne pourrait a priori pas y revenir seul ?
« Il est libre de ses mouvements et de pouvoir quitter ou revenir dans son logement. »
• Les personnes handicapées coincées chez elles des jours, parfois des semaines, peuvent-elles exiger d'être relogées ?
« Légalement, il n'y a pas de loi spécifique à cela pour les bailleurs privés, seul l'article 6 de la loi susmentionnée peut aider. » Les bailleurs sociaux sont, à l'inverse, tenus de reloger mais encore faut-il trouver rapidement des solutions accessibles…
L'assurance habitation, bah non !
« Ce cas de figure ne relève absolument pas de l'assurance habitation, répond France assureurs, la fédération française de l'assurance. L'entretien de l'ascenseur est de la responsabilité du bailleur. C'est à lui de passer des contrats avec ses prestataires pour garantir une disponibilité maximale des ascenseurs, à plus forte raison lorsque des personnes à mobilité réduite en sont dépendantes. »
L'ascensoriste en cause ?
« Même si un ascenseur est bien entretenu, des risques de pannes ne peuvent pas être écartés, explique la Fédération des ascenseurs. La plupart d'entre elles sont facilement reconnaissables et peuvent se résoudre rapidement grâce à l'ascensoriste en charge de la maintenance. Cependant, il convient de vérifier les engagements contractuels entre le propriétaire et l'ascensoriste, pour voir si d'éventuelles prises en charge sont prévues au contrat. » L'interlocuteur du locataire reste le bailleur, qu'il soit privé ou pas, puisque c'est avec lui que le contrat est passé ; charge au bailleur de se retourner contre l'ascensoriste mais, en tout état de cause, ce n'est pas au locataire de le contacter.
Les pompiers à la rescousse ?
« Ce type d'interventions relève du domaine de l'assistance et n'entre, a priori, pas dans le cadre des prérogatives des services d'incendie et de secours qui n'interviennent que lorsque la notion d'urgence (médicale) est avérée. Cependant, en l'absence d'autres solutions (voisinage, famille proche, prestataires de maintenance des ascenseurs…), les sapeurs-pompiers peuvent être amenés à apporter leur aide. » C'est d'ailleurs souvent le cas…
Quant à l'Union sociale pour l'habitat, elle botte en touche : « Nous avons bien un service juridique mais il est uniquement dédié aux questions juridiques posées par les organismes adhérents à la confédération ». Tant pis pour les usagers ?
Et si rien ne bouge ?
Si le bailleur ou propriétaire ne veut rien savoir, quel recours ? Il vous revient de prendre contact avec lui par lettre recommandée avec accusé de réception en le mettant en demeure de faire le nécessaire auprès du syndic de copropriété. En cas d'impasse, le recours reste malheureusement judiciaire, tout d'abord via la commission départementale de conciliation qui a pour mission d'aider propriétaire et locataire à trouver une solution amiable à leur litige, puis, en cas de blocage, le tribunal d'instance, afin d'obtenir, notamment, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. A noter, également, que si l'ascenseur n'est pas réparé dans un délai raisonnable de deux à trois jours, les locataires sont en droit de demander une indemnisation sous forme d'une baisse de loyer, qui varie selon l'étage.
En savoir plus…
Face à ce problème récurrent, certains bailleurs sociaux proposent des services dédiés de « portage à la demande » par la protection civile. Il existe aussi, depuis 2016, le collectif « Plus sans ascenseurs » qui vient en aide aux habitants face à une « rupture de mobilité verticale ». En savoir voir plus dans notre article : Panne d'ascenseur avec un handicap : le SOS d'un bailleur.